L’Année 2017 a été placée à l’Union africaine (UA) sous le signe de l’ « exploitation du dividende démographique à travers des investissements dans la jeunesse ». Un thème qui va guider les réflexions au cours des deux sommets ordinaires de l’année des chefs d’Etat et de gouvernement de l’union, dont le premier va se tenir les 30 et 31 janvier, à Addis Abeba en Ethiopie.
La 28e session ordinaire du sommet des dirigeants africains sera, sans doute, marquée par le lancement d’une feuille de route à même de permettre aux pays de tirer profit du dividende démographique. Par cette approche, l’Afrique entend lutter plus efficacement contre la pauvreté, par une maitrise de sa croissance démographique et, en même temps, par des politiques sociales fortes à même d’améliorer le capital humain. Et c’est sur plus de 60% de sa population, notamment les jeunes, que le continent veut prioritairement miser. Comment ? En leur assurant la santé, l’éducation et la formation, des opportunités pour exprimer dignement leurs compétences, dans un contexte de bonne gouvernance. La notion de santé ici implique un meilleur accès aux services de santé de la reproduction, afin de diminuer les cas de grossesses non désirées et leurs corollaires d’avortements à risques. Concernant toujours le pilier sanitaire, il s’agit aussi d’œuvrer à réduire drastiquement le nombre de femmes qui perdent la vie en voulant la donner et celui des bébés qui décèdent avant même de fêter leur cinquième anniversaire. Egalement, la feuille de route promeut le bien-être, qui passe par la fin de certaines pratiques discriminatoires et handicapantes pour des jeunes, en l’occurrence les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines. Au sujet de l’éducation, la récurrente question de l’adéquation des curricula de formation aux besoins du marché du travail est remise au goût du jour. Cela, en vue de donner plus de chance aux jeunes sortis des méandres formelles et informelles de l’école, d’avoir un emploi décent ou de s’auto-employer, à travers l’entreprenariat soutenu par des fonds publics ou privés. Par ailleurs, ce qui sera bientôt une boussole de croissance partagée en Afrique recommande que la gouvernance se conjugue dorénavant avec les jeunes.
Ne plus « signaler à droite et tourner à gauche »
Telle que déclinée, la stratégie « d’exploitation du dividende démographique à travers des investissements dans la jeunesse» est la « voie royale » pour un développement durable et inclusive des pays africains. C’est du moins la conviction du Directeur régional (DR) de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingue Ngom, dont la structure a porté, avec la Commission de l’UA et d’autres organisations, le leadership de l’élaboration de cette feuille de route continentale. Pour lui, les mentalités fortement procréatrices selon lesquelles l’ « enfant est une richesse » sont à relativiser. S’exprimant sur le sujet au cours d’un panel avec les journalistes à Addis Abeba, le 26 janvier 2017, il a avancé que ce sont des enfants productifs qui peuvent être de la richesse. Le cas échéant, a expliqué M. Ngom, ils peuvent devenir des fardeaux, des sources d’insécurité pour leurs familles et les Etats. Les jeunes qui se sentent laissés-pour-compte, sont des cibles des recruteurs de djihadistes, a prévenu le directeur régional de l’UNFPA. De sa lecture, le dividende démographique, en plus d’être un outil de développement, peut contribuer à garantir la sécurité et la résilience face au changement climatique. D’où sa fierté de voir la stratégie « adoptée » par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Afrique. Toutefois, il a émis des craintes de voir la feuille de route, qui devrait être lancée au cours de la conférence au sommet de l’UA, susciter, par la suite, peu d’actions dans les Etats. M. Ngom en veut pour preuve les nombreux « beaux plans et programmes » adoptés sur le continent, mais qui restent presque lettres mortes. Une réalité qu’il a qualifiée de « signaler à droite et tourner à gauche ». C’est pourquoi, avant même le lancement officiel du dividende démographique sur le continent, il a appelé à la veille citoyenne pour le suivi des engagements qui seront pris par les dirigeants. Et parmi les soutiens qui se sont exprimés, figurent la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF), à travers son bureau régional Afrique, qui est partie prenante du processus, des jeunes, des hommes de médias et surtout des parlementaires.
Des parlementaires veillent au grain
En effet, l’argument de la prise en compte des défis liés à la croissance rapide de la population dans la lutte contre la pauvreté a déjà convaincu les parlementaires africains. Des députés du continent sont également présents à Addis Abeba pour affirmer leur foi en cette approche. Au cours d’un forum organisé dans la capitale éthiopienne, ils ont présenté et défendu leurs stratégies pour « tirer parti du dividende démographique par des investissements dans la jeunesse ». Ce sont un plan d’action et une déclaration adoptés en novembre 2016 à Dakar au Sénégal, dans lesquels les élus du peuple ont pris des engagements. Ils ont promis de voter des lois et des budgets favorables à l’accès des jeunes à la santé de la reproduction, à une éducation appropriée, à des emplois, etc. A l’opposé, les parlementaires africains ont affiché leur ferme détermination à démonter les dispositions légales qui font obstacle au plein épanouissement de la jeunesse. « Nous allons mener des plaidoyers, interpeller les gouvernements… Nous veillons au grain », a martelé la présidente du Forum des parlementaires africains sur la population et le développement, la députée camerounaise Marie Rose Nguini Effa.
Koumia Alassane KARAMA