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Dix jours dans le Sahel, sur les traces d’une maladie «défigurant»
Publié le samedi 21 janvier 2017  |  Sidwaya




Le Projet de sensibilisation et de renforcement des capacités pour la prévention du noma au Burkina Faso (PSRCPN/BF) a organisé une caravane de presse pour la mobilisation sociale et la promotion de la santé bucco-dentaire dans les quatre districts sanitaires de la région du Sahel du 14 au 23 décembre 2016. Avec 62 cas détectés de 1993 à 2016, le Sahel est la région où le taux de prévalence est le plus élevé au Burkina Faso, d’où l’apport de la presse à la lutte contre ce fléau.

Le Projet de sensibilisation et de renforcement des capacités pour la prévention du noma au Burkina Faso (PSRCPN/BF) est une initiative qui s’inscrit dans le cadre de l’appui de la mise en œuvre du Programme national de lutte contre les maladies non transmissibles. Il a été conjointement lancé en 2011 par le Réseau de la promotion de la santé bucco-dentaire et la recherche en Afrique de l’ONG Allemande GEGEN Noma et le Ministère de la santé. Selon les statistiques, la situation épidémique du noma au Burkina Faso de 1993 à 2016 montre que la région du Sahel est la plus touchée avec 62 cas. A entendre la conseillère technique principale du Projet, le Dr Hadissa Tapsoba par ailleurs présidente du Réseau de la promotion de la santé bucco-dentaire en Afrique, c’est dans l’optique de maintenir et de renforcer les activités de mobilisation sociale et de sensibilisation des populations du Sahel que le projet a planifié une série d’activités de communication dont la caravane de presse du 14 au 23 décembre 2016. Lancée officiellement à Ouagadougou le 14 décembre 2016, la caravane a visé la promotion de comportements à moindre risque en faveur de la prévention des maladies bucco-dentaires y compris le noma avec des hommes et femmes de média. Pendant ces 10 jours, les leaders d’opinion notamment les chefs religieux et coutumiers ainsi que les élus locaux ont été mobilisés et leur engagement sollicité pour sensibiliser leurs communautés respectives.Une maladie méconnueDébutée au district sanitaire de Djibo dans la province du Soum, les caravaniers ont échangé avec certains acteurs pour faire le point de la situation de la maladie et demander l’accompagnement des leaders d’opinion. A cette occasion, le responsable de la promotion de la santé au district sanitaire de Djibo, Tasséré Wangrawa a précisé que de 1993 jusqu’à 2016, 10 cas de noma ont été enregistrés dont le dernier en novembre 2016. En termes d’actions sur le terrain, il a indiqué que les capacités des agents de santé ont été renforcées par le PSRCPN/BF en vue de mieux prendre en charge les malades. Il a en outre laissé entendre que des activités de sensibilisation telles que les causeries éducatives dans les formations sanitaires, la diffusion des spots dans les radios communautaires sont prévues afin de contribuer à une large diffusion des conséquences du noma. Avec le haut-commissaire du Soum, Mohamed Dah mais aussi l’Emir de Djibo, Boubacary Dicko, l’iman de la grande mosquée de la ville, Souhaibou Cissé et la coordination provinciale des femmes du Soum dirigée par Absatou Hamidou Tamboura, les journalistes ont pu comprendre la gravité de la maladie et l’appel à l’implication de tous pour vaincre ce fléau. Au finish, ils se sont tous engagés à accompagner le PSRCPNBF afin de bouter la maladie hors des frontières du Pays des hommes intègres. Après Djibo, le cap a été mis à 100 km plus loin, sur Arbinda, une commune rurale du Soum sur l’axe Djibo-Dori. Les différentes rencontres et échanges avec les personnes ressources ont également permis de cerner le niveau de connaissance du noma et les infections bucco dentaires et, d’apporter des conseils pour les vaincre totalement. C’est ainsi que le responsable du centre médical d’Arbinda, Richard P. Salou, a confié aux caravaniers qu’aucun cas de noma n’a été enregistré dans son aire sanitaire. Cependant, il a déploré l’existence de beaucoup de pathologies bucco-dentaires d’où l’invite de la population à fréquenter les centres sanitaires pour un dépistage précoce. Dans la foulée, des engagements ont été pris et des promesses satisfaisantes faites, à l’exemple du chef d’Arbinda, Belco Maiga qui a promis de sillonner les localités de son ressort territorial pour cette cause humanitaire et sociale.Le Pic des 36 cas de l’OudalanDans leur périple, la trentaine de journalistes a foulé le sol de la province de l’Oudalan dont son chef-lieu Gorom-Gorom le 16 décembre 2016. Dans la ville, les caravaniers ont de prime abord échangé avec le médecin-chef du district sanitaire (MCD) de Gorom-Gorom, Dr Karl Anicet Kpoda. La situation épidémiologique du noma dans ce district, a confié le Dr Kpoda, montre que de 1993 à 2016, ce sont 36 cas de cette maladie invalidante dont le dernier en juillet qui ont été enregistrés. « On enregistre le taux le plus élevé de cas de noma, mais les victimes sont prises en charge. La population ignore toujours la maladie et je pense que la caravane est la bienvenue. Le noma peut être évité à condition que les populations soient sensibilisées sur ses facteurs à savoir la malnutrition, la pathologie bucco-dentaire, le manque d’hygiène et le recours aux tradi-praticiens », a-t-il suggéré.A l’instar d’Arbinda, les journalistes ont découvert qu’il n’y a pas de cas de noma à Essakane, un village de la commune urbaine de Gorom-Gorom. « Ici nous menons des activités entrant dans le cadre de la lutte contre le noma, mais jusqu’à présent, nous n’avons pas enregistré le moindre cas », a confirmé l’infirmier chef de poste (ICP) du CSPS d’Essakane, Alassane Nikiéma. Qu’à cela ne tienne, a-t-il dit, les populations sont mobilisées et invitées à signaler les éventuels cas à l’aide de sensibilisations et de sorties de terrain avec les agents de santé utilisant des affiches portant les images des séquelles du noma. Le haut-commissaire de la province de l’Oudalan, Daouda Traoré et les différents leaders d’opinion de Gorom-Gorom se sont engagés à accompagner toute initiative de lutte contre cette maladie défigurante. Guéri du noma, il retourne à l’écoleDe la province de l’Oudalan, la caravane s’est retrouvée dans celle du Yagha. C’est alors que Dr Sandrine Ilboudo qui a représenté le MCD de Sebba a fait l’état des lieux de la maladie. On peut en retenir que de 2 000 à 2016, huit cas ont été détectés dont l’ultime date de 2010. De son avis, la grande majorité de la population ne connait pas la maladie du noma et c’est à travers les agents de la santé dont les capacités ont été renforcées par le PSRCPN/BF, que peu de personnes la connaissent. « Lorsqu’un enfant présente les indices de noma, le premier recours de ses parents est les tradipraticiens et ils ne viennent au centre de santé que lorsque la maladie s’aggrave. Pour cela, des actions de sensibilisation et de veille sont menées sur le terrain de concert avec ces tradipraticiens, également formés par le projet, pour prévenir et dénicher les cas isolés de noma », a-t-elle fait savoir. Quant au haut-commissaire du Yagha, Laurent Bado, il dit avoir instruit les ICP de son ressort territorial à communiquer davantage sur les affections bucco-dentaires et le noma lors des conseils municipaux de sorte que les conseillers puissent sensibiliser les populations à la base. Tout comme les autres localités, les chefs coutumiers, religieux et les élus locaux de Sebba ont promis de contribuer à la lutte contre le noma. De Sebba, les caravaniers ont convergés vers la commune de Titabé toujours dans le Yagha où le dernier cas de la province a été enregistré. En effet, le jeune Hamidou Diallo âgé de 7 ans a contracté le noma quand il avait environ 2 ans. Aujourd’hui, guéri complétement de la maladie, il fréquente la classe de CP1. Selon son géniteur, Amadou Boureima Diallo, le mal s’est manifesté d’abord par une tuméfaction à la joue. « Ensuite, elle est devenue une plaie puis un trou. J’ai tout de suite compris que c’était le noma que nous appelons en fulfulde « Bassél » et immédiatement je l’ai emmené au CSPS. Le major, qui après un traitement nous a référés à Ouagadougou où l’enfant a pu guérir », se rappelle-t-il. Après le Yagha, les caravaniers se sont déportés dans la province du Séno, la dernière étape de cette « croisade » contre le noma. A cette étape, le MCD de Dori, Dr Arnaud Sawadogo, a fait le point de la lutte de la maladie. « De 2013, où la surveillance a été mieux organisée, à nos jours, nous avons enregistré 8 cas, ce qui est déjà trop. Grâce à l’appui du projet, nos agents et les tradipraticiens ont été formés pour identifier au quotidien et ce, au stade précoce, les enfants souffrant du noma », a-t-il déclaré. Néanmoins, il a déploré la mobilité du personnel qui demande que les nouveaux agents soient formés. Un plaidoyer pour tout couronnerL’apothéose de la caravane a été le plaidoyer organisé à Dori à l’intention des élus locaux, des autorités administratives et politiques, des leaders religieux et d’opinion avec à leur tête le gouverneur de la région du Sahel, le colonel-major Péguy Hyacinthe Yoda. Aux dires de la conseillère technique principale du PSRCPN/BF, le Dr Tapsoba Hadissa, « il était crucial de tenir ce plaidoyer afin d’avoir le soutien de tous ces derniers pour vaincre le noma ». C’est pourquoi, elle a confié que les 62 cas rapportés au Sahel peuvent paraitre peu. « On ne voit pas la plupart des cas parce que c’est une maladie à évolution rapide et en 10 ou 15 jours, le patient peut mourir. On a parlé de stigmatisation et de tabou, c’est une réalité car beaucoup de personnes pensent que le noma ne peut pas se soigner dans une formation sanitaire », a-t-elle déploré. Le projet compte donc mettre en place la surveillance active dans les quatre districts sanitaires pour rechercher au niveau communautaire des éventuels cas au premier stade de la maladie en vue de réduire le nombre de décès dus au noma. Pour sa part, le Dr Ahmed Sidwaya Ouédraogo, représentant le directeur régional de la santé du Sahel, a estimé que la caravane a été une belle opportunité pour communiquer plus avec les populations et espérer leur accompagnement pour vaincre le mal. Quant au gouverneur du Sahel, il a salué l’initiative de la caravane et a du coup félicité le PSRCPN/BF pour les efforts consentis au profit des populations de sa région et partant, du Burkina Faso.

Souaibou NOMBRE
Snombre29@yahoo.fr

Le témoignage d’une malade guérit du noma

Awa Koita, une habitante de Gorom-Gorom, a contracté la maladie à l’âge de trois ans et c’est à 27 ans qu’elle a pu bénéficier d’une réparation des séquelles. En effet raconte-t-elle, c’est en 2010 qu’un infirmier travaillant pour la Croix Rouge à Gorom-Gorom l’a informée de la présence d’une ONG basée à Ouagadougou qui répare les séquelles du noma. « C’est ainsi que j’ai contacté l’ONG SENTINEL et en 2011, j’ai obtenu tous mes documents et en 2012 j’ai eu la chance d’aller en Suisse pour faire la réparation », relate-t-elle. Et de préciser qu’à son retour, toute sa famille était heureuse parce qu’elle a remarqué un changement facial.

Zoom sur le noma

Le noma, dont le nom vient du grec « dévorer », est une forme de gangrène du visage (mort des tissus, ou nécrose) qui touche principalement les enfants souffrant de malnutrition, d’un mauvais état de santé général et d’une mauvaise hygiène bucco-dentaire. Selon le Dr Tiécoura Camara, membre du PSRCPN/BF, le noma vole à l’enfant son identité. C’est une maladie qui sévit dans les pays pauvres comme le Burkina Faso, touchant en général les enfants de deux à six ans. « Le noma démarre au niveau de la bouche par une gingivite, une gencive enflammée qui saigne, ensuite il s’étend rapidement au niveau de la joue et en quelques jours il y a une dénudation de la joue qui aboutit à une mortification de la partie jugale touchée », décrit-il. A l’entendre, la plupart des enfants atteints (70% à 90%) meurent sans avoir le moindre traitement. Et d’ajouter que malgré le traitement, 10% des enfants atteints et traités meurent quand même. Pour éviter cette maladie, le Dr Camara conseille aux mères d’accoucher dans les centres de santé, de faire consulter régulièrement les enfants à l’hôpital, de les nourrir au lait maternel jusqu’à six mois au moins, de veiller à leur bonne hygiène corporelle et de bien les alimenter.
SN
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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