Les voies publiques sont prises d’assaut à Bobo-Dioulasso par des vendeuses de fruits et légumes, boutiquiers, restaurateurs et transporteurs. Une situation qui a des conséquences fâcheuses, surtout avec les chauffards au volant des camions remorques ou semi-remorques, occasionnant de nombreux accidents de circulation, souvent mortels.
Le lundi 9 janvier 2017, un camion qui a quitté la route, a mortellement fauché trois personnes au secteur n°24 de Bobo-Dioulasso. Il s’agissait de clients d’une gargote située à proximité de l’avenue de l’Union européenne. Jeudi 12 janvier 2017, une dame de 70 ans est écrasée par un camion-remorque sur le boulevard de l’Indépendance. Le lieu, encore un marché à proximité de la route ! Les abords des voies sont donc transformés en lieux de commerce. Pourtant, les bouchers, les vendeuses de calebasses, de légumes, qui ont encore en mémoire la triste scène, ne veulent pas aller ailleurs. Pour Amidou Dicko un jeune boucher, c’est Dieu qui est aux commandes. « Nous connaissons bien qu’il y a le grand marché, mais nous ne voulons pas perdre nos clients. Et puis, nos parents sont installés ici depuis longtemps », fait-il comprendre. En effet, les voies publiques à Bobo-Dioulasso sont devenues des lieux occupés par des vendeuses de fruits et légumes, des boutiquiers, des restaurateurs. Sur le boulevard de l’Indépendance, depuis la place de la Femme jusqu’au stade omnisports Sangoulé Lamizana, il y a une dizaine de petits marchés et beaucoup de magasins, réduisant de facto la chaussée et augmentant les risques d’accidents. Au niveau des quartiers Ouezzin-ville, Bindougousso, Accart-ville traversés par cette voie, les habitants ont simplement érigé des marchés de fortune. Sur l’avenue de l’Union européenne, des commerçants se disputent également la chaussée.
Les autorités interpellées
Il y a par exemple des auto-gares improvisées, et même des boutiques à proximité des feux tricolores. Tous ces endroits sont devenus accidentogènes et cela doit interpeller plus d’un, surtout les autorités de la commune. C’est là que Abdoul-Aziz Dramé, un élève en classe de terminale à Houndé, est venu prendre un minibus. Il a déploré le fait qu’une partie de la voie soit utilisée comme gare. Cependant, en défenseur des transporteurs, il a demandé à ce que l’Etat puisse leur trouver un espace pour la construction d’une gare. « Il y a deux cas. C’est vrai qu’il y a un risque d’accident ici, mais je vois que les transporteurs n’ont pas le choix. L’Etat doit voir comment trouver un endroit pour les transporteurs », a-t-il dit. Seydou Kaboré, un jeune chauffeur de minibus, reconnaît le danger à transformer la chaussée en gare. « Si les autorités nous disent de quitter ici, nous allons le faire », a-t-il déclaré. Sur cette même route, le boutiquier Souleymane Bamogo a déposé ses marchandises jusque sur la chaussée : des sacs de riz, des bidons d’huile, des boissons et autres articles. Pour lui, exposer ces articles de cette manière permet d’attirer la clientèle. « Nous avons déposé les produits ainsi pour que les gens les voient. Sans quoi, nous avons vu que nous cachons la vue des usagers de la route », a-t-il reconnu avant de promettre de quitter les lieux. Sur le boulevard Charles De Gaulle, en face du Lycée Ouezzin Coulibaly, les vendeurs de fruits ont aussi déposé leurs marchandises sur le bitume. Oumou Guindo, l’une d’elles, reconnaît le danger qu’elle court : la perte de son investissement dans un accident, le moindre mal ! Les clients disent mesurer le danger encouru. Une dame qui est venue faire ses emplettes dans un de ces marchés à Ouezzin-ville, en veut aux autorités communales. Selon elle, il n’y a plus d’espace pour stationner les véhicules. Visiblement remontée, elle en appelle aux autorités communales pour qu’elles trouvent des espaces pour les restaurateurs et les commerçants occupant illégalement la voie publique.
Bientôt des déguerpissements
Les responsables de la commune de Bobo-Dioulasso disent avoir constaté les installations anarchiques aux abords des routes. Une situation que la deuxième adjointe au maire, Madeleine Boni, chargée du domaine public, déplore avant de faire comprendre : « Nous venons de nous installer, et nous essayons à notre niveau d’y remédier. Nous allons faire tout ce qui est de notre possibilité pour réorganiser le secteur ». Et d’expliquer qu’un comité chargé de la gestion du domaine public a été mis en place et a adopté des règles. Ainsi, dans un premier temps, le comité prévoit, selon elle, une campagne de sensibilisation. « Nous voulons sensibiliser les usagers pour qu’ils sachent que le domaine public appartient à la commune. La plupart des gens pensent que l’espace à proximité de leur cour leur est destiné, et qu’ils y ont tous les droits », a-t-elle laissé entendre. Outre la sensibilisation, le déguerpissement est prévu. « Il doit y avoir au moins deux mètres de distance entre la boutique et la voie, pour permettre aux populations de circuler librement. Après la sensibilisation, ceux qui ne vont pas respecter la règle seront déguerpis », a prévenu Madeleine Boni. Pour elle, c’est en principe la commune qui devrait faire des réalisations aux abords des routes aménageables pour permettre aux vendeurs d’y exercer leurs petits commerces. « Malheureusement, la commune n’ayant pas les moyens, les gens ont pris l’habitude de s’installer anarchiquement », a indiqué la deuxième adjointe au maire. Elle a annoncé également des réformes dans la gestion du domaine public. Mme Boni a en effet, fait savoir que la commune a mis place une fiche payable à 10 000 F CFA. Il s’agit d’un cahier de charges qui donne des informations sur l’installation sur le domaine public. Les demandes d’autorisation vont être analysées par un service technique et le comité de gestion du domaine public, avant que le maire n’appose sa signature. En attendant, Bobo-Dioulasso, la capitale économique, devient de jour en jour, la « république des commerces sur rue ».
Rabalyan Paul OUEDRAOGO
Boudayinga J-M. THIENON