En temps normal, le pays organisateur d’une grande compétition internationale comme la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) espère en tirer des dividendes de toutes sortes, surtout économiques.
La France n’a-t-elle pas réalisé au cours de la dernière Euro qu’elle a organisée en 2016 une recette de 1,22 milliard d’euros ? Même sur le plan politique, pour les dirigeants c’est souvent une occasion de relustrer une image ternie. Et s’agissant du Gabon, c’est encore plus vrai.
Certes, en volant au secours de la Confédération africaine de football (CAF) pour organiser la CAN, 5 ans seulement après avoir accueilli la fête du foot africain, en lieu et place de la Libye, les Gabonais ne s’imaginaient pas qu’ils seraient en crise au moment de l’événement. Et pourtant, la présidentielle du 27 août dernier est passée par là, avec son lot de contestations et de violences postélectorales.
En effet, alors que tout semblait indiquer que c’est Jean Ping, le candidat soutenu par une coalition de l’opposition, qui avait gagné le scrutin, contre toute attente, c’est le patron du parti au pouvoir et président sortant qui est donné vainqueur par la Commission électorale dans un premier temps, puis par la Cour constitutionnelle dans un second temps.
Les résultats du Haut-Ogooué sont passés par là aussi : près de 100% de participation avec plus de 95% pour Bongo. S’ensuivent alors des violences et des manifestations, qui se poursuivent par cet appel (non suivi, sans doute) de Jean Ping – qui s’est aussi déclaré vainqueur- au boycott de la grand-messe du football sur le continent noir.
Depuis, un air de hold-up électoral flotte sur le palais du Bord de mer, de sorte que cette CAN arrive comme marée en carême. Il a beau être un féru de football et un grand supporter des Panthères, il n’y avait qu’à le voir rayonnant dans la tribune présidentielle du stade de l’Amitié sino-gabonaise, aux côtés d’un Issa Ayatou plutôt fatigué visiblement.
Le temps des trois semaines que dure le tournoi, Ali Bongo Ondimba et ses concurrents mettront leur querelle entre parenthèses pour la fête du foot. C’est bien d’offrir le jeu au peuple, mais il faudrait bien qu’après le pain suive, pour reprendre ce vieux dicton de l’Antiquité romaine «panem et circenses», autrement dit le pain et le jeu.
Cela, étant donné qu’aux problèmes politiques nés du forcing de Bongo fils et compagnie se greffent les difficultés socio-économiques pour le Gabonais lambda, et Ali aurait tort de penser qu’il suffira de remplir les stades pour régler les problèmes.
Passe encore si Aubameyang et ses coéquipiers remportaient le trophée, mais on reste dubitatif après le triste match nul (1-1) concédé face aux Bissau-Guinéens, alors que les Panthères pensaient ne faire qu’une bouchée de leurs adversaires du match d’ouverture. Et si elles devaient sortir dès le premier tour, ça aggraverait le climat social, déjà délétère. On n’est pas loin de penser que l’avenir d’Ali est suspendu aux griffes des Panthères.
Mohamed Arnaud Ouédraogo