La phase des interrogatoires au tribunal militaire a pris fin, le mercredi 11 janvier 2017 avec le passage de deux témoins, le soldat de 2e classe, Eric Kini et le soldat de 1re classe, Abou Ouattara. Au cours de cette audience, le tribunal a présenté les pièces à conviction.
Le procès des éléments de l’ex-RSP accusés d’avoir tenu des réunions pour planifier l’attaque de Yimdi et de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) est en train de prendre une amorce décisive. Les interrogatoires des accusés ont pris fin, le mercredi 11 janvier 2017, au tribunal militaire de Ouagadougou avec le passage de deux témoins. Appelé à la barre, le témoin Eric Kini, soldat de 2e classe a comparu sur demande du conseil du soldat de 2e classe Loba Kondé. A la question de savoir si Eric Kini était avec son frère d’arme Kondé, le 19 décembre 2015 chez le caporal Madi Ouédraogo, le témoin a reconnu avoir été à ce lieu avec Loba Kondé. Selon Kini, Loba est venu chez lui trouver qu’il n’avait rien à faire. Il a donc proposé à son hôte, Loba, de sortir pour prendre un peu d’air. C’est dans ce contexte qu’ils se sont retrouvés chez Madi Ouédraogo. Toutefois, a ajouté le témoin Kini, ils n’ont jamais assisté à une réunion. La défense du soldat Loba Kondé, a dit ne pas comprendre pourquoi son client se trouve inculpés puisqu’il s’est retrouvé au lieu de la rencontre dans les mêmes circonstances que Eric Kini, qui est pourtant libre. Le deuxième témoin à comparaître a été le soldat de 1re classe, Abou Ouattara sur demande de l’avocat de l’accusé, Sansan Da. Le témoin Abou Ouattara était-il chez le caporal Madi Ouédraogo avec l’accusé Da ? En réponse à cette question, le témoin a indiqué avoir fait le déplacement avec Sansan Da : « Je partais prendre un pot et j’ai trouvé Sansan Da à la maison. Je lui ai proposé de venir avec moi et nous sommes allés au maquis Internat. C’est de là-bas que le caporal Claude Ido m’a appelé au téléphone pour dire qu’il veut me voir, de venir sur la route de Pô. J’ai demandé à Sansan Dah de m’accompagner. Et nous sommes allés pour voir Ido Claude chez le caporal Madi », a témoigné Abou Ouattara. La défense de Sansan Da a indiqué ne pas comprendre pourquoi son client est à la barre dans une affaire où celui qu’il a accompagné, Abou Ouattara, et celui qui était censé les appeler, Claude Ido, ne sont pas cités dans l’affaire. Pour elle, la thèse de complot évoquée par le caporal Madi Ouédraogo se précise avec ce qu’elle appelle « les incohérences du ministère public ». Face à la situation, les avocats ont demandé à l’unanimité, la comparution du caporal Claude Ido, actuellement en mission au Mali ainsi que celle des généraux Gilbert Diendéré et Pingrenoma Zagré pour confronter le caporal Madi Ouédraogo dans sa thèse de complot organisé par le général Yacouba Isaac Zida.
Des charges de complot militaire
« Nous avons informé le tribunal que dans sa déposition, le caporal Madi Ouédraogo a invoqué le nom de deux officiers généraux, Pingrenoma Zagré et Gilbert Diendéré, qui étaient au courant que le général Zida complotait contre des personnalités du pays. Nous avons demandé au tribunal de faire comparaître ces généraux pour confondre Madi. Le tribunal nous a fait savoir qu’à cette étape, ce n’est pas opportun », a indiqué Me Christophe Birba. Pour Me Birba, soit le tribunal est convaincu de la véracité des déclarations de Madi et dans ce cas les accusés doivent être naturellement acquittés, soit le tribunal lui-même ne veut pas découvrir la vérité.
L’audience a été aussi marquée par la présentation des pièces à conviction par le ministère public et qui n’ont pas été reconnues par certains accusés. L’accusation s’est dit aussi étonnée de l’absence de l’enregistrement sonore parmi les pièces à conviction. Avant la suspension, le tribunal a invité le ministère public et la défense à réfléchir à l’article 190 du Code de justice militaire qui évoque l’infraction de complot militaire et d’en tenir compte dans les réquisitions et les plaidoiries. Mais pour la défense, il s’agit d’une requalification des charges, car leurs clients sont poursuivis pour « association de malfaiteurs » et de « détention illégale d’armes et de munitions » et non de « complot militaire ». « A l’entame du procès, nous avons versé une jurisprudence de la Cour de cassation française qui indiquait que si la Cour d’assise entendait requalifier l’infraction poursuivie, elle avait l’obligation d’informer préalablement la défense et de façon détaillée pour qu’elle puisse apprêter la défense des accusés conformément à la nouvelle qualification envisagée », a indiqué Me Christophe Birba. Selon lui, avec cette nouvelle requalification que le Tribunal veut opérer, l’infraction prévoit une peine d’emprisonnement à perpétuité et le sort de leurs clients sera aggravé. Pour Me Odilon Abdou Gouba, la défense a été claire en termes de requalifications des faits en disant que si les accusés n’ont pas été entendus sur une infraction donnée, on ne peut pas les juger sur la base de cette charge. « L’instruction qui a été faite à la barre a porté sur l’association de malfaiteurs et détention illégale d’armes et non sur le complot. Nous disons qu’à ce stade, c’est très grave parce que cela va en violation des droits de la défense », s’est insurgé Me Odilon Abdou Gouba. Pour lui, ce n’est pas en cours de jeu qu’il faut changer les règles du jeu. L’audience reprend ce matin à 8h30 avec les réquisitions du ministère public et les plaidoiries de la défense.
Lassané Osée