Le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, était face à la presse hier 4 janvier 2017 pour faire le bilan de son action à la tête de ce super département qui sera sans doute amputé de la Sécurité les prochains jours. Loin d’y voir un désaveu, le titulaire du strapontin appelle de ses vœux ce remaniement qui va le décharger d’un «gros boulot ». Il remet donc son sort entre les mains du chef de l’Etat.
Simon Compaoré effectuait-il sa dernière conférence de presse en tant que super ministre en charge de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure ? Tout porte à le croire depuis l’aparté entre le chef de l’Etat et la twittosphère le 28 décembre dernier. Roch Marc Christian Kaboré avait laissé entendre l’éventualité d’un remaniement ministériel. Cette possible descente dans l’échelle gouvernementale n’a changé en rien les habitudes du premier flic. 20 mn avant le début de cette énième rencontre avec les hommes de médias, il promenait déjà sa courte silhouette dans la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères où l’attendaient quelques collaborateurs réglés à son horloge. Juste le temps de quelques civilités en ce début d’année, et le ministre d’Etat se laisse choir sur la place qui lui est réservée. Aussitôt sur sa table, lui sont apportés des documents et le numéro du jour de L’Observateur Paalga qu’il s’empresse de parcourir. Le nez sur la page 2, le « Monsieur sécurité » prend des notes sur la dernière action djihadiste en date. Nous avons titré à ce propos : «Double attaque dans le Soum : un imam tué, un vendeur de bétail blessé». Pour sûr, les journalistes qui n’ont marchandé leur présence s’attendaient à ce que le conférencier du jour aborde justement la question du péril djihadiste qui a rythmé l’année écoulée et qui refait parler d’elle en début 2017. Leur espoir sera douché lorsque Simon Compaoré avant d’entamer son exposé bilan, annonce que le sujet qui est sur toutes les lèvres sera spécifiquement abordé le 9 janvier 2017. Ce contre-pied a provoqué quelques grognements au sein de l’assemblée. Il n’empêche, le ministre qui dit «ne pas vouloir être aimé par quelqu’un mais plutôt être apprécié pour son travail» a détaillé son action à la tête de son département. Ce bilan, selon lui, est satisfaisant, malgré les difficultés financières et la menace terroriste. Il estime le taux d’exécution physique de sa mission à 68% et à 76% pour le programme présidentiel.
«Je n’ai pas créé les Koglwéogo»
Cet auto satisfecit n’enchantait pas grand monde tant et si bien que certains étaient à l’état de somnolence pendant le "récital". La séance de questions-réponses était donc l’occasion d’assaisonner la marmite informationnelle surtout que le ministre a lâché du lest. Pour les questions qui ont trait à la sécurité, il ne se dérobera pas si elles sont «soft».
Dans son exposé, celui qui a été proclamé chef suprême des Koglwéogo et qui jadis s’adressait à ses hommes du haut des pick-up, n’a pas fait mention des justiciers de la brousse, qui pourtant ont occupé une place de choix dans l’actualité nationale en 2016. Un oubli qui a interpellé plus d’un. Il est ainsi rappelé au ministre qu’il a cautionné ces groupes d’autodéfense qui menacent aujourd’hui de plonger Makognadougou dans l’Ouest dans un affrontement entre Koglwéogo et dozos. Et Simon Compaoré de s’en défendre : « Ce n’est pas moi qui ai créé les Koglwéogo. Nous travaillons avec l’existant ». Pour lui, on ne peut pas installer de force une telle structure dans des localités où les populations n’en veulent pas. A Makognadougou où Boukary Kaboré dit Le Lion est l’initiateur des Koglwéogo, le ministre assure qu’il a déjà été rappelé à l’ordre par la hiérarchie militaire. « Il (Le Lion) avait au début semblé collaborer mais il a fait marche-arrière. Mais je puis vous affirmer que le nécessaire sera fait. Les troubleurs seront troublés », poursuit Simon Compaoré. De même pour la police de proximité dont le budget n’est pas encore défini, son adhésion se fera sur la base du volontariat.
La dernière tournée ?
Dans le bilan 2016 du MATDSI figure en bonne place l’organisation des élections municipales du 22 mai 2016. La tache noire, ce sont les violences postélectorales enregistrées dans certaines localités. Simon Compaoré a informé hier que 5 communes et un arrondissement n’ont pas pu parachever le processus de mise en place des exécutifs locaux. Il s’agit des communes de Kantchari, de Karangasso Vigué, de Zabré, de Barani et de l’arrondissement 4 de Ouagadougou. A ses localités sans exécutifs locaux s’ajoutent des communes qui subissent un blocage par manque de quorum comme à Ziga, Dablo, Saponé et Kindi. Pour juguler ces crises, le ministre de l’Administration territoriale annonce qu’il prendra son bâton de pèlerin dans les prochains jours pour une action de médiation dans certaines localités. Si cette tentative échoue, ces localités tomberont sous le coup de la délégation spéciale avant une reprise des élections. Ces tiraillements commandent, selon le ministre, la revue du mode de désignation du maire. « On doit savoir qui sera le maire lorsqu’on entre dans le bureau de vote… Un projet consensuel sera déposé sur la table du gouvernement dans ce sens », annonce-t-il.
« Moi, je porte ce qu’on me donne »
Depuis l’annonce de la création d’un ministère à part entière chargé de la Sécurité, l’actuel tenant du strapontin ne s’était pas prononcé publiquement sur ce qui s’apparente à un « désaveu ». Comme il l’a déjà dit à maintes reprises, Simon Compaoré, en toute " humilité", a répété : « Je ne suis pas quelqu’un qui court après les postes. Je vais aller mourir sans aller demander à être ministre parce que c’est une honte ». Celui qui jette l’opprobre sur les prétentions ministérielles était, pour beaucoup, le plus chargé des ministres. Et il a fallu que le Président du Faso fasse une sortie sur Twitter pour que Simon Compaoré le reconnaisse lui-même. « Je m’en rend compte. C’est un gros boulot. Je suis obligé de venir au bureau à 4h du matin et même les dimanches après la messe », regrette-t-il. Si le prochain remaniement allège ses charges, c’est tout bénef. «Ce n’est pas un désaveu et je ne me sens pas incompétent. Vous ne savez pas ce que Roch et moi nous nous sommes dit. C’est le Président qui a taillé la robe pour moi. S’il estime que le pantalon que je porte est trop gros et décide de le tailler à sa guise, where is the problem ? », s’est-il exclamé avant d’ajouter : « Moi, je ne porte que ce qu’on me donne. Un point c’est tout ! »
Avant de prendre congé de la presse, Simon Compaoré a dit qu’il entendait honorer son devoir de redevabilité en maintenant sa conférence de presse au 9 lundi prochain « même si on taillait la robe aujourd’hui». Faut-il voir dans cette assertion l’imminence du lifting gouvernemental? Les prochains jours nous le diront.
Hugues Richard Sama
Quelques actions dans le domaine de l’administration du territoire
- L’actualisation du fichier des villages ;
- l’opérationnalisation de l’Observatoire national des faits religieux (ONAFAR) ;
- la mise en place d’un guichet unique des associations ;
- la constitution d’une base de données des OSC ;
- l’organisation d’une opération d’assainissement du fichier des partis politiques dans laquelle 11 partis politiques ont été suspendus ;
- l’organisation du Hadj 2016. L’intervention financière de l’Etat s’élève à 1 119 000 000 F CFA soit 492 000 000 FCFA pour éponger les dettes nées du Hadj 2015 ;
- la réalisation des travaux préliminaires du bornage de la frontière Burkina-Niger ;
- l’organisation du 11-Décembre à Kaya.
Dans le domaine de la décentralisation
- L’adoption d’un projet de loi portant création d’une Fonction publique territoriale ;
- l’adoption d’un projet de loi portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents des collectivités territoriales ;
- la révision de la stratégie nationale de l’état civil ;
- l’adoption d’un décret portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CONACOD) et du décret portant modalités de création, attributions, organisation et fonctionnement des comités de jumelage ;
- la formation des élus locaux.
Dans le domaine de la sécurité intérieure et de la protection civile
- L’organisation de 24 600 patrouilles et 146 opérations de ratissage dans les zones criminogènes des 13 régions par la police nationale ; l’organisation de 12 opérations de lutte contre le grand banditisme et de 29 696 sorties par la gendarmerie nationale. Toutes choses ayant permis entre autres de :
saisir 6 811 engins à deux roues ;
mettre en fourrière 277 véhicules à quatre roues et 124 tricycles ;
reverser la somme de 79 978 700 F CFA au trésor public ;
démanteler 64 réseaux de délinquants ;
interpeller 951 individus dont 177 déférés devant les différents parquets
saisir 286 armes à feu.
Les biens suivants ont été saisis et restitués à leurs propriétaires :
65 véhicules à quatre roues ;
3 128 engins à deux roues ;
522 téléphones portables
Une somme de 8 082 740 FCFA.
En matière de lutte contre l’usage et le trafic de drogues :
600,621 kg de cocaïne saisis et 314 343 comprimés d’amphétamines saisis par la police nationale ;
10 opérations de lutte contre le trafic de drogue et médicaments ont été organisées par la gendarmerie et ont permis de saisir 299,715kg de chanvre indien, 333,3 kg de cannabis et 76,87 kg de produits prohibés.
La construction et l’équipement d’une caserne de sapeurs-pompiers à Kaya ;
- 29 964 sorties effectuées à la date du 20 décembre 2016 par la BNSP dans le cadre des secours d’urgence ;
- dans le cadre de la prévention des risques d’incendie et de panique, la BNSP a étudié 748 dossiers et effectué 15 visites ;
- l’adoption du décret portant définition des modalités de participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité ;
- la dotation de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale (USIGN) et de l’Unité spéciale de la police en matériel et équipement spécifiques ;
- la lutte contre l’utilisation des pétards pendant les fêtes de fin d’année ;
- la délivrance de 2911 autorisations d’achat d’armes, de 46 autorisations d’ouverture de nouvelles sociétés de gardiennage