2016 s’était annoncée sous les meilleurs auspices qui puissent être. 2015 s’en était allée avec son lot de malheurs, notamment ces mouvements d’humeur itératifs du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dont le bouquet final sera la mise en pièces mi-septembre du « coup d’Etat le plus bête du monde ».
L’horizon était dès lors dégagé pour les premières élections vraiment ouvertes de la IVe République qui verront la victoire du MPP Roch Marc Christian Kaboré à la présidence. Et comme on le voit dans les démocraties matures, le perdant, l’UPC Zéphirin Diabré s’en était allé féliciter le vainqueur avant même la proclamation des résultats provisoires. Puis le nouvel élu avait prêté serment en fin d’année le 29 décembre.
Que pouvait-on rêver de plus pour tourner la page de 24 longs mois de turbulences socio-politiques qui ont fait vaciller le pays à plusieurs reprises ? La respiration démocratique aidant, tous les espoirs étaient donc permis. Ne manquait plus que la reprise économique dont ce nouvel environnement devait être forcément porteur. Espoir de très courte durée, littéralement douché dès le 15 janvier. Le rêve de lendemains qui chantent s’était subitement transformé en cauchemar par une froide nuit de vendredi sur l’avenue Kwamé N’Krumah où une attaque terroriste portant la signature d’Al Mourabitoune faisait une trentaine de morts et de nombreux blessés. Ouagadougou frappée au cœur saigne, le Burkina pleure. Sans se douter le moins du monde que cette mare de sang sera le fil rouge qui l’accompagnera tout le long de l’année marquée pour ainsi dire du sceau de l’infamie.
2016 a commencé dans une mare de sang en plein Ouaga, elle se termine en effet dans une mare de sang à Nassoumbou où une douzaine de jeunes soldats ont été tués à la fleur de l’âge dans l’attaque d’un détachement antiterroriste - le comble - de nos forces de défense et sécurité. Du Splendid et du Cappucino sur Kwame N’Krumah au poste avancé du GFAT à Nasssoumbou, que de vies injustement fauchées par ceux qui nous imposent une guerre sale dont on ignore encore le casus belli. Tin-Akoff, Markoye, Déou, Intangom, Koutougou… sont venues s’ajouter cette année à Tambao, Oursi, Samorogouan, allongeant ainsi considérablement la liste des villes-martyres d’un Burkina jusque-là réputé être un havre de paix et de stabilité. Il faut désormais apprendre à vivre avec ce cancer.
Le tragique baptême du feu du 15 janvier et cette annus horibilis qu’il a inaugurée ont-ils obligé le président frais émoulu à revoir l’ordre de ses priorités, lui qui avait surfé sur la vague de l’insurrection d’octobre 2014 pour se refaire une virginité politique et se faire élire dans un contexte marqué par une forte demande sociale ? Sans doute. Urgence sécuritaire oblige, les priorités sociales et la relance économique ont peut-être pâti de cette situation, nonobstant la prise de quelques mesures hardies telle la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans. Mais pour l’essentiel la morosité persiste.
Vite, il faut tourner la page. Alors que les dernières heures de 2016 s’égrènent, on espère avec la poétesse que « demain sera beau » ou en tout cas que ça ne sera pas pire. L’espoir fait vivre, n’est-ce pas ? Et de l’espoir, nous en avons à revendre avec ces bonnes nouvelles qui sont autant d’îlots de tranquillité dans une mer tourmentée. Ainsi du Plan national de développement économique et social (PNDES) dont la table ronde des bailleurs de fonds s’est soldée récemment à Paris par des promesses au-delà de nos attentes. De la promesse à nos assiettes, il y a certes un gouffre, mais l’espoir fait vivre. Ainsi également de l’éligibilité du Burkina pour un nouveau compact MCA.
Mais le temps presse. Le chef de l’Etat en a conscience. En s’offrant mercredi dernier la tête d’un général de brigade pour fêter son premier anniversaire à Kosyam (1), prélude peut-être à une indispensable valse des bérets dont notre Armée a tant besoin ; en promettant un remaniement ministériel - que beaucoup de ses compatriotes appellent de leurs vœux - ; en annonçant par anticipation la création d’un ministère plein de la Sécurité qui devrait être confié à un militaire (à moins que ce ne soit un gendarme) pour soulager Simon… Roch veut, à l’évidence, donner un second souffle à son quinquennat qui en a bien besoin tant le démarrage a été poussif.
2016, c’est une année un peu perdue. 2017 doit être meilleure. C’est le moment ou jamais si le président du Faso veut sauver son mandat. Car le drame des démocraties « quinquennales », c’est qu’à mi-mandat, on pense déjà à la prochaine élection, de sorte qu’à partir de 2108, on aura les yeux rivés sur 2020. Et à l’heure du bilan, Roch ne pourra pas dire que ce sont les djihadistes qui l’ont empêché de travailler.
En attendant, à l’orée de cette nouvelle année, s’il est un vœu qu’après la santé on souhaite aux Burkinabè, c’est la paix ; qu’à défaut de s’en sortir, ils puissent au moins vivre leur galère loin du fracas des armes.
Ousseni Ilboudo