«J’ai commencé à avoir la toux pendant un rapport sexuel avec ma femme lorsque cette dernière s’est mise à tousser. » Cette explication profane, le Dr Adama Zigani, Pneumologue, Médecin-chef du Centre national de lutte contre la tuberculose (CNLT) de Ouagadougou, ne sait pas combien de fois il l’a entendue au cours de ses consultations. C’est la ritournelle d’hommes souffrant d’asthme sans forcément le savoir. Maladie inflammatoire chronique des bronches, caractérisée par une toux nocturne, une douleur à la poitrine ou un essoufflement, l’asthme peut paraître banal chez de nombreux sujets. Cependant ceux qui en souffrent savent à quel point il peut être handicapant. Poursuivant avec les maux à crises liées au froid, Carnet de santé a choisi cette semaine de poser le stéthoscope sur cette maladie, bien entendu, après avoir consulté le Dr Zigani. Diagnostic et traitement.
Qu’est-ce que l’asthme ?
C’est une maladie inflammatoire chronique des bronches qui se caractérise par des crises respiratoires appelées dyspnées. Ces difficultés respiratoires s’accompagnent le plus souvent de toux, de douleurs thoraciques et de sifflements intrathoraciques. Ces crises surviennent la plupart du temps dans la deuxième moitié de la nuit, mais peuvent également apparaitre à n’importe quel moment de la journée. Un fait important est que ces crises sont spontanément résolutives (même sans traitement ça passe, mais cela va demander un effort très important du patient) ou sous l’effet de traitement appelé bronchodilatateur. Cependant il vaut mieux les soigner, sinon elles peuvent déboucher sur des complications telles que les insuffisances respiratoires.
Comment se transmet-il ?
Cette maladie n’est pas contagieuse comme la tuberculose ou le VIH Sida. Il est plutôt lié à des facteurs déclenchant qui sont d’ailleurs nombreux.
Le premier, c’est l’hérédité, encore appelée l’atopie familiale. C’est la prédisposition que chaque individu a à développer de l’allergie. Dès lors que dans les ascendants il y a une personne qui a un lien de sang avec une autre qui développe une atopie, cette personne est susceptible, selon le contexte environnemental, de développer une crise d’asthme. Cela veut dire que vous pouvez être atopique, mais tant que vous n’êtes pas en contact avec les allergènes vous n’allez pas déclencher la maladie.
Ensuite, il y a les allergènes. L’allergie est toute substance extérieure susceptible de provoquer une réaction dans l’organisme. On en distingue deux types : les allergènes respiratoires que sont les acariens, les poils d’animaux domestiques (chien, chat, cheval, hamster…), les cafards, les pollens et les moisissures qui sont des champignons microscopiques se développant sur les plantes et même sur des surfaces très humides et qui vont libérer des microtoxines dans l’environnement et ce sont ces microtoxines qui vont provoquer les crises d’asthme; il y a aussi les allergènes alimentaires liés à certains aliments qui, consommés, peuvent en effet provoquer des crises d’asthme : ce sont, entre autres, le jaune d’œuf, les fruits de mer (crabes, crevettes, écrevisses), les protéines du lait de vache…
A ce grand groupe d’allergènes s’ajoutent d’autres facteurs comme le tabac, les infections respiratoires à répétition, certaines conditions comme l’effort physique intense appelé asthme d’effort, la hernie hiatale qui va entraîner un reflux gastro-œsophagien, c'est-à-dire que le contenu de l’estomac va remonter dans la poitrine et aller dans les bronches.
D’autres facteurs peuvent aussi être les médicaments ; qu’on peut répartir en 3 grands groupes : les anti-inflammatoires non stéroïdiens que nous avons l’habitude de consommer en quantité (ibuprofène, niflurine, diclofénac), les bétabloquants (contre l’hypertension artérielle ou le glaucome); les inhibiteurs de l’enzyme de conversion utilisés aussi dans le traitement de l’hypertension artérielle, et l’aspirine.
Un autre facteur important, c’est la pollution, atmosphérique (les vents froids, secs chargés de poussière qui brassent des microparticules), industrielle et celle liée à la circulation.
Il y a enfin le stress que l’on retrouve dans toutes les maladies chroniques. Et la liste n’est pas exhaustive.
Qu’en est-il de l’asthme de la femme enceinte ?
L’asthme peut survenir effectivement au cours de la grossesse. Il est en rapport avec les hormones secrétées par la femme pendant cette période. Mais la maladie peut disparaitre après accouchement. Chez certaines, la grossesse peut avoir un effet protecteur, donc la crise disparait pendant cette période. Ce qui est aussi intéressant, c’est qu’une femme enceinte peut prendre les médicaments contre l’asthme sans aucun souci pour le fœtus. Mais elle doit bien suivre son traitement sinon, avec les difficultés respiratoires, elle peut donner naissance à un enfant de petit poids.
Y a-t-il un lien entre asthme et froid ?
Oui il y a un lien. C’est d’ailleurs ce que je viens d’évoquer et qui est appelé l’asthme lié au froid. Nous sommes dans un pays à climat particulier. Notre froid qui est sec et chargé de poussière va entraîner des lésions sur les voies respiratoires, ce qui va favoriser la pénétration des allergènes au niveau de la muqueuse respiratoire. Ce qui fait que cette période appelée harmattan est très favorable au déclenchement des crises d’asthme.
Mais y a-t-il un rapport entre crise d’asthme et acte sexuel ?
A proprement parler, il n’y a pas de lien. Cependant un asthmatique qui fait une crise à l’effort peut déclencher une crise pendant le rapport sexuel. Mais cela ne signifie pas que c’est l’acte sexuel qui est à la base de l’asthme, mais plutôt l’effort physique fourni.
Comment se fait la prise en charge de l’asthme ?
Elle se fait en trois étapes qui consistent à traiter la crise ; à éviter l’apparition de la crise, et à la prévenir.
Le traitement se fait avec des médicaments qu’on appelle bronchodilatateurs. Ils vont entraîner une dilation du calibre des bronches et faciliter la reprise de la respiration. Ils existent sous forme de comprimés, en aérosols appelés les sprays doseurs, en injectables, en produits pour inhalation. Il y a aussi des médicaments qui sont agonistes, c'est-à-dire qui vont booster l’effet des bronchodilatateurs : ce sont notamment les corticoïdes ; à ceux-ci s’ajoutent les antiallergéniques pour ceux qui font l’asthme allergique.
Après avoir levé la crise, on réalise un traitement de fond dont le but est de soigner l’inflammation, et enfin il y a la prévention qui vise à éviter le contact avec les allergènes.
Quelles sont les complications auxquelles l’asthme peut aboutir ?
Un asthmatique mal pris en charge est en effet exposé à des complications. La première et la plus redoutable est l’asthme aigüe grave où le pronostic vital est très engagé. Il survient généralement chez les patients mal suivis ou mal équilibrés par le traitement. D’autres complications, non moins importantes, sont l’insuffisance respiratoire chronique, l’insuffisance cardiaque en ce sens que le poumon qui apporte l’oxygène au sang et aux tissus par l’intermédiaire du cœur, lorsqu’il est insuffisant, va entraîner un effort plus important du muscle cardiaque qui va finir par se fatiguer. A celles-ci vont s’ajouter d’autres complications mécaniques qu’on appelle le pneumo thorax, c'est-à-dire que de l’air va se collecter au niveau de la plèvre. Il peut également y avoir des infections pulmonaires à répétition.
Des conseils pour éviter les crises…
Il est d’abord important de se faire suivre par un spécialiste qui va faire des examens et déterminer les médicaments à prendre, aux doses nécessaires. Ensuite, il faut éviter les allergènes, notamment la pollution. En cette période chargée de poussière, il faut éviter d’inhaler beaucoup de particules en utilisant les cache-nez, en humidifiant régulièrement la muqueuse des narines et enfin, c’est la bonne prévention d’ailleurs, il faut prendre correctement les médicaments, car un asthmatique qui se traite correctement évite les crises.