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Mme Diouf Sow, représentante résidente du FMI
Publié le mercredi 28 decembre 2016  |  Sidwaya
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© Sidwaya par DR
Mme Mame Astou Diouf Sow, la nouvelle représentante résidente du Fonds monétaire international (FMI) au Burkina Faso.




Mme Mame Astou Diouf Sow est la nouvelle représentante résidente du Fonds monétaire international (FMI) au Burkina Faso. Experte en politiques macroéconomiques et de développement et en interactions macro-financières, cette Sénégalaise diplômée d'un doctorat de l'université de Montréal (Canada) a une parfaite connaissance des économies ouest africaines. Auteure de plusieurs publications comme "Réformes structurelles et performances macroéconomiques: Réflexions de base du Fonds” ou encore "Construire des économies intégrées en Afrique de l'Ouest: Leçons de gouvernance de la croissance inclusive et volatile”, Mme Sow, qui a rejoint le FMI en 2007 après un passage chez Orange Sénégal et la Banque mondiale, suit de près l'évolution économique du Burkina depuis 2010. Dans cette interview exclusive à Sidwaya, elle salue le retour à une croissance robuste (entre 6 et 7% attendue en 2017), après avoir pâti entre 2014 et 2015 autour de 4% elle affirme avec force que le FMI soutient les objectifs du PNDES.

Sidwaya: Trois mois après votre arrivée en qualité de représentante résidente du FMI, quelles sont vos priorités? Et le cadre de discussions et les relations avec les autorités?

Je me réjouis de l’excellente qualité des relations avec les autorités. J'ai été très chaleureusement accueillie, autant par les hautes autorités burkinabè que par les diverses administrations. Vous savez, la relation entre le Burkina Faso et le Fonds monétaire est ancienne, étroite et basée sur le partenariat et le respect mutuel. Le FMI est aux côtés du pays et soutient ses efforts de développement sur plusieurs plans, y compris par des ressources financières, de l’assistance technique, et une fonction de conseiller économique. Ma mission au Burkina s’inscrit dans ce cadre et est une continuité de cette relation. Je collabore très étroitement avec différentes composantes de l’administration et le dialogue qu’on a établi est candide et fructueux. J'en profite pour féliciter les autorités pour l’excellente qualité de la collaboration avec l’équipe du FMI.
Il faut dire aussi que j'ai travaillé auparavant sur le Burkina Faso pendant presque trois ans en tant qu’économiste principale en charge des questions fiscales et de la dette, ce qui facilite d’autant plus ma relation avec les autorités.
Mes axes d'action, multiples, consistent en premier à m’assurer que la collaboration entre le gouvernement et le FMI demeure excellente. Dans ce cadre, je m'attelle à optimiser le soutien du Fonds aux autorités y compris dans leurs prises de décision. Il s'agit, d'une part, d’être pleinement engagée dans mon rôle de conseil auprès des autorités, en mettant à leur disposition l'expertise acquise en travaillant sur divers pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe ainsi que divers sujets pertinents pour le Burkina Faso. Et d’autre part, je dois m’assurer que les autorités ont accès aux conseils des équipes au siège et à AFRITAC Ouest, notre centre d’assistance technique dont le siège se trouve à Abidjan, dont l’expertise ne demande qu’à être utilisée. Cela inclut aussi de soutenir le processus de renforcement des capacités.
Un autre axe d’action auquel j’aimerais accorder beaucoup d’attention, c’est faciliter la remontée d’information aux autorités compétentes. En tant que représentante résidente, je suis dans une position privilégiée pour discuter avec différents acteurs (secteur privé, société civile, ONG, PTF, etc.), qui disposent d’informations très utiles ayant des implications économiques. Mon souhait est d’être à l’écoute de tous ceux qui voudront bien nous aider (nous le FMI), à aider au développement du pays.
Enfin, j’accorde une grande importance à la dissémination de la connaissance. Le FMI est une source intarissable de connaissances de par les formations et stages qu’il octroie, mais aussi les études économiques qu’il publie. Ce rôle est souvent méconnu du grand public. J’espère y contribuer grandement durant la période de mon séjour ici au Burkina Faso.

S. : Le conseil d'administration du Fonds a approuvé, vendredi 17 décembre, les conclusions de la revue du 6ème programme économique et financier du Burkina. Qu’en retenez-vous?

Le conseil d’administration a entériné les conclusions de deux opérations : l’Article IV de 2016 (communément appelé surveillance) et la 6e revue du programme de Facilité Elargie de Crédit.
L’Article IV est l’occasion de procéder à une revue générale de l’économie et d’analyser les défis à relever pour maintenir la stabilité économique et augmenter la croissance potentielle du pays. Au-delà de cette analyse générale, ce fut l’occasion d’analyser en profondeur un certain nombre de sujets macro-critiques identifiés en collaboration avec les autorités. Ce fut le cas entre autres des problématiques d’amélioration de la planification et la capacité d’exécution des investissements, de maîtrise de la masse salariale et de l’inclusion financière. La question de l’énergie a aussi été étudiée.
S’agissant de la revue du programme, le conseil a jugé la mise en œuvre des critères quantitatifs à fin juin 2016 et des repères structurels très satisfaisants. Plusieurs réformes courageuses ont été mises en œuvre par les autorités pour améliorer l’efficacité des administrations fiscales, élargir l’assiette fiscale, et assainir le secteur énergétique.
Je souhaite saluer l’engagement profond des autorités du Faso à maintenir la stabilité macroéconomique : la performance sous le programme est restée bonne malgré les profonds bouleversements que le pays a traversés depuis 2014, et cette année encore malgré les attentats terroristes de janvier et le changement de gouvernement.
Il faut aussi retenir que la présente revue consacre le décaissement de la dernière tranche pour 2016 (3, 7 milliards de FCFA), ce qui porte à 18, 7 milliards de FCFA la contribution financière totale du FMI cette année. Deux semaines après la Conférence sur le financement du PNDES qui s’est tenue à Paris les 7-8 décembre derniers, il me plait d’annoncer cette contribution du FMI.
Une autre contribution supplémentaire du FMI est également à venir. En effet, le conseil a entériné la décision d’étendre le programme de neuf mois et d’accorder une augmentation de l’enveloppe de financement du programme. L’augmentation, qui est de 3,7 mds de FCFA sera décaissée à la fin de la 7ème revue qui aura lieu en mi-2017.

S. : Pour quelles raisons, ce programme a-t-il été étendu sur neuf mois?

Le programme en cours est une Facilité Élargie de Crédit qui a été approuvée le 27 décembre 2013 pour une durée de trois ans. La revue qui a été approuvée, vendredi 17 décembre, était donc censée être la dernière. Les autorités ont sollicité une extension de neuf mois, en consultation avec l’équipe du Fonds, afin de laisser le temps d’identifier le type de programme-successeur qu’elles souhaiteraient éventuellement et les objectifs de ce programme. De plus, cela assure une continuité dans le soutien du Fonds mais aussi celui des programmes d’autres partenaires dont les opérations sont conditionnées à l’existence d’un programme avec le FMI.

S. : : Et quelles vont être les grandes lignes du nouveau programme ?

Les paramètres d’un éventuel nouveau programme seront définis en fonction de l’intérêt du gouvernement burkinabè. Le nouveau programme, tout comme celui en cours d’ailleurs, est le programme des autorités. Il est soutenu par le FMI à travers une facilité ou un instrument, mais reste le programme du pays. Il leur appartient dès lors de choisir le type de programme qui convient le mieux aux besoins du pays et d’en définir les objectifs. Selon les indications reçues, les autorités sont intéressées à avoir le même type de programme qu’auparavant, c’est-à-dire une Facilité Elargie de Crédit (FEC). Ce programme est accompagné de déboursements à la fin de chaque revue. Il est aussi flexible dans le sens où la date des revues peut être changée dans une certaine mesure.

Sidwaya : Au terme de la conférence de Paris sur le PNDES, les autorités ont déclaré avoir 16 milliards d'euros d'intentions de financement de la part des entreprises et du secteur privé. Dans le même temps, les bailleurs internationaux comme le FMI ont annoncé 12 milliards d'euros de dons. Comment en votre qualité de représentante résidente du FMI vous réagissez à cet engouement des partenaires autour du PNDES, ce new deal burkinabè au coût d'environ 15 000 milliards de F CFA ?
Le Fonds soutient les objectifs du PNDES et s’engage à appuyer les autorités dans sa mise en œuvre. Je l’ai souligné auparavant dans d’autres fora et je le confirme ici.
A l’issue de la mission de revue, le FMI a appelé les Partenaires techniques et financiers (PTFs) à soutenir les autorités car nous avions relevé une contrainte de financement serrée par rapport aux ambitions des autorités, y compris pour 2017. Notamment, l’appui budgétaire annoncé était inférieur à la tendance historique. J’ai moi-même relayé ce message auprès des bailleurs à diverses occasions. Je suis heureuse pour les autorités de voir que le message a été entendu.
Ce niveau d’engagement est le résultat de la forte mobilisation des autorités et un témoignage de la crédibilité du programme. Quand je dis crédibilité du programme, il ne s’agit pas seulement de la crédibilité des projets d’investissements. Il s’agit aussi de l’agenda des réformes qui doit accompagner ce programme. Le succès de la mise en œuvre du PNDES passera par la mise en œuvre avec succès des réformes. D’une part, parce que le décaissement de la plupart des financements officiels promis, sinon tous, est adossé à la mise en œuvre de ces réformes, que ce soit pour le FMI ou pour d’autres PTFs. Et d’autre part, parce que l’exécution même des projets envisagés dépendra de ces réformes. Un exemple flagrant est la nécessité de mettre en œuvre des réformes profondes de procédures pour assurer un rythme soutenu d’exécution des investissements publics.

S. : Quels conseils, le FMI va prodiguer aux autorités pour capter et absorber ces promesses de financement ?

La meilleure façon pour les autorités de s’assurer que le pays va « capter et absorber » ces financements est d'adopter un calendrier de réformes ambitieux et de le mettre effectivement en œuvre. Il faudra aussi et tout d’abord identifier les nouvelles promesses, par rapport aux préexistantes et négocier les meilleurs termes possibles pour les prêts. Il s’agira aussi de faire une planification des décaissements car ces promesses couvrent souvent des programmes pluriannuels.

S. : Dépendance aux recettes de l'or et du coton, pénurie d'énergie, agriculture trop tributaire des aléas climatiques... Comment en dépit de toutes ces contraintes, le Burkina doté du PNDES peut-il réussir son miracle économique?

Relever le pari du développement est un processus de longue haleine. Le défi est de soutenir des taux de croissance élevés durant les années charnières. Pour cela, il est essentiel que le Burkina Faso diversifie son économie, et ses exportations afin d’être plus résilient aux chocs. L’objectif du PNDES est justement de favoriser une transformation structurelle de l’économie. Cela permettrait de passer d’activités à faible productivité à des activités à plus forte productivité pour une accélération de la croissance. Au vu de la contrainte de financement, le choix des projets et l’efficacité de leur exécution seront primordiaux pour optimiser leur impact. Notamment dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures qui sont importants pour toutes les activités économiques.

S. : Après deux années de troubles politiques, quel regard portez-vous sur la situation économique, du pays, marquée par un rebond de la croissance à 5, 4 % cette année ?

L’activité économique s’est en effet raffermie en 2016. Nos projections de croissance s'établissent à 5,4%, contre 4 % en 2015. Ce rebond est tiré principalement par le secteur minier et la production agricole. Cependant, la hausse du crédit bancaire au secteur privé est restée faible, bien que positive, par rapport aux années précédentes, ce qui est un symptôme d’une croissance moins forte de certains pans de l’économie. Il faut également noter la faiblesse d’exécution des investissements publics par rapport à ce qui était prévu dans le budget.

S. : En 2017, quelles sont vos perspectives de croissance pour le Burkina?

Les perspectives sont bonnes. La croissance devrait se raffermir encore plus en 2017 pour s’établir autour de 6, voire 7%. Dans le scénario optimiste où le rythme d'exécution du budget corrobore avec les objectifs des autorités, notamment en ce qui concerne la disponibilité totale et à temps des ressources et l'exécution dans les délais des dépenses publiques, la croissance pourrait être plus soutenue.
Il faut noter que ces projections ont été effectuées au moment de la mission, c’est-à-dire avant la Conférence de Paris. Elles sont donc basées sur les contraintes de financement des investissements que j’ai évoquées tantôt. Au vu des engagements collectés durant la Conférence de Paris, ces prévisions pourraient être révisées lors de la mission prochaine pour prendre en compte les intentions de financement qui se seront matérialisées d’ici-là pour 2017.

S. : En dépit de ces projections optimistes, selon vous, quels sont les freins qui pourraient contraindre la
croissance ?

Je dirais que la croissance sera à l'aune de la capacité de résilience du pays et celle à lever les goulots d'étranglement. En effet, la croissance annuelle (réalisée) peut être impactée par des évènements temporaires domestiques, régionaux et mondiaux, communément appelés chocs. Cela comprend les chocs climatiques, la volatilité des prix des matières premières, la situation économique dans les pays partenaires etc. Ces risques ont été analysés dans le document de travail qui paraîtra sous peu. Egalement, le dernier document des perspectives économiques régionales publié par le département Afrique en octobre 2016 brosse un tableau de la situation économique de l’Afrique sub-saharienne avec notamment les challenges auxquels font face les pays exportateurs de pétrole et les possibilités de transmission.
S'agissant des freins à la croissance potentielle, il existe plusieurs goulots d'étranglement au Burkina Faso comme la faible mobilisation des ressources propres, l’inadéquation du capital humain, l'insécurité juridique pour les investissements, le gap de provision d’électricité, le déficit d’infrastructures physiques et numériques, etc.
Tous ces domaines sont des terrains fertiles pour des réformes qui permettraient d’accélérer la croissance et auxquels les autorités s’attellent.

S. : Le budget 2017 consacre plus de 1230 milliards de F CFA à l'investissement public. Toutefois, des goulots d'étranglement persistant dans la capacité d'absorption pourrait ralentir l'exécution de ce budget. Croyez-vous que la récente loi adoptée par le parlement sur la Commande publique va dans le bon sens?

Nous saluons les efforts des autorités visant à simplifier les procédures de la commande publique et surtout à lutter contre la corruption. Nous avons déjà discuté de l’importance de ce domaine pour la réalisation des objectifs de croissance du PNDES. Une assistance technique effectuée récemment par les services du FMI avait d’ailleurs préconisé des réformes dans ce sens afin d’améliorer la capacité d’exécution des dépenses. Nous sommes dans l’attente de recevoir le texte adopté afin d’en apprécier la portée. Cependant, nous comprenons que la nouvelle loi a été élaborée avec le soutien de la Banque mondiale et est alignée sur les meilleures pratiques internationales. Il sera également important pour le gouvernement de respecter les critères de l’UEMOA visant à limiter le recours aux procédures exceptionnelles de passation de marchés pour garantir que les projets d’investissement soient de qualité et aux meilleurs coûts.

S. : Et sur quels autres leviers (news réformes) urge-t-il d'actionner?

Un autre chantier urgent est le renforcement de la capacité de gestion de la dette. Ceci est important pour assurer un bon accompagnement du programme d’investissements publics décliné, notamment pour minimiser les risques contingents liés aux Partenariats publics-privés (PPPs) et à la hausse de la dette
domestique.

Interview réalisée par
Saturnin N. COULIBALY
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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