Depuis lundi 19 décembre 2016 au milieu de la nuit, la République démocratique du Congo (RDC) a une nouvelle équipe gouvernementale. « Gouvernement » est un bien grand mot car c’est en réalité un marché de près de soixante-dix (70) clients, dont trois (3) vice-premiers ministres et sept (7) ministres d’Etat. Un véritable fourre-tout dont la composition a été rendue publique dix petites minutes avant la fin officielle du mandat de Joseph Kabila. A l’évidence, l’objectif d’une telle annonce était d’atténuer le bogue constitutionnel, mais on a bien peur que ce ne soit raté.
Si la deuxième journée ville morte a été diversement suivie à Kinshasa et dans les autres villes du pays au son de sifflets, de bruits de casseroles et de courses-poursuites entre manifestants et forces de l’ordre dans la nuit de lundi à mardi, y ont succédé hier de véritables manifestations et des coups de feu qui ont fauché de nouveau la vie à des Congolais : entre 10 et 20 morts selon les sources, de nombreux blessés et une cargaison de personnes interpellées.
C’est donc reparti pour les violences et avec une telle entame sanglante on se demande bien si le Premier ministre Samy Badibanga et ses soixante dix (70) nouveaux convives pourront s’atteler à ce pourquoi ils ont été nommés : instaurer la confiance entre les différents acteurs de la crise et ramener une paix qui vole chaque jour en éclats.
On est encore loin de l’action insurrectionnelle consécutive à ce coup d’Etat constitutionnel qui vient d’être consommé, mais les jours et les semaines qui viennent promettent d’être houleux. Il faut même craindre que le fil du dialogue, péniblement noué ces derniers jours par la conférence épiscopale nationale du Congo, ne soit définitivement rompu après une pause de quelques jours dont les prélats ont profité pour aller se ressourcer auprès du Pape au Saint-Siège.
Les pourparlers reprennent aujourd’hui même, mais avec cette nouvelle mare de sang qui divise encore les différents protagonistes, on peut raisonnablement douter que ces discussions puissent se poursuivre. Et quand bien même ce serait le cas, on ne voit pas trop comment, sauf divine surprise, les ecclésiastiques pourraient concilier des positions aussi diamétralement opposées et trancher le nœud gordien qui bloque tout : le sort du petit Kabila pendant la transition qui vient de s’ouvrir et la possibilité pour lui de se présenter ou pas à la présidentielle de 2018.
Tout le problème est là.
L’évolution de la situation n’incite guère à l’optimisme. Qu’est-ce qui coûte donc à Kabila de promettre solennellement qu’il ne se présentera plus à l’issue de la transition ? Une telle annonce, à coup sûr, ferait retomber considérablement le mercure social. Dans ces conditions, les adversaires du chef de l’Etat congolais lui concéderaient volontiers ce choix historique afin qu’il puisse jouir de ce petit bonus de 18 mois et qu’on en finisse.
Mais est-il seulement capable d’un tel sursaut patriotique qu’il serait peut-être obligé de concéder un jour, un peu sur le tard comme c’est souvent le cas, le couteau à la gorge ? En tout cas alors que les chrétiens sont déjà dans l’effervescence de la Nativité, seul le miracle de l’enfant Jésus pourrait sauver ce pays qui n’en finit point d’aller à la dérive.
Adama Ouédraogo
Damiss