La 32e session de l’Assemblée parlementaire paritaire (APP) du Groupe Afrique, Caraïbes, Pacifique et de l’Union européenne (ACP - UE), s’est ouverte hier, 19 décembre 2016, à Nairobi au Kenya. Au menu de cette rencontre, figurent des dossiers relatifs à la nécessité de limiter le nombre des mandats présidentiels, de consolider la démocratie sur le continent africain notamment. La question de la dernière présidentielle en date au Gabon, constituera une sorte de plat de résistance lors de cette session. En effet, les participants devront plancher sur un projet de résolution proposé par l’UE, visant à souligner le caractère « non transparent » du processus électoral et les résultats « très douteux » de ce scrutin. Cette session de l’APP ACP-UE pourrait d’ailleurs appeler à un recomptage des bulletins. On comprend dès lors toutes les peines que se donne la délégation gabonaise, pour étouffer dans l’œuf le vote de cette résolution, ou à tout le moins, l’édulcorer. En plus du Gabon, la crise politique gambienne et celle de la République démocratique du Congo, seront certainement évoquées. Ce qui fait dire que ce sommet aborde des sujets brûlants.
Bien des crises politiques en Afrique sont liées aux élections et à la question de la dévolution du pouvoir
Il faut bien convenir que la démocratie sur le continent africain a besoin de sang neuf. Si cette session de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP - UE pouvait y contribuer, ce serait une bonne chose. Bien entendu, une limitation du nombre de mandats présidentiels dans l’ensemble des pays du groupe, serait une avancée non négligeable. Il est notoire que bien des crises politiques en Afrique surtout, sont liées aux élections et à la question de la dévolution du pouvoir. Très souvent, les têtes couronnées sont prêtes à faire sombrer leur pays pour conserver le pouvoir. Les cas du Burundi et du Gabon sont éloquents sur le sujet.
La question de l’alternance est une question centrale en démocratie. Bien entendu, les dictateurs ne veulent pas qu’on en débatte. N’a-t-on pas coutume de dire que « les personnes âgées évitent les débats où on parle de mort » ? Ceux qui veulent régner à vie sur leur pays, évitent les rencontres où il est question de démocratie et de limitation du nombre de mandats. Ils peuvent bien concéder la limitation de la durée des mandats, mais pas celle de leur nombre. Et dans leur mauvaise foi, ils ne se font pas prier pour évoquer des exemples puisés chez les Occidentaux, les chantres de la démocratie. En Allemagne, par exemple, la chancelière Angela Merkel vient de recevoir quitus de son parti pour briguer un 4e mandat. Les dictateurs saisissent les faits de ce genre pour faire croire aux populations qu’ils ne sont pas les seuls à s’éterniser au pouvoir, que les autres qui prétendent être des exemples en matière de démocratie, le font aussi. Mais, en réalité, ils ont tout faux.
En effet, contrairement aux pays où règne la dictature, dans les vraies démocraties, les dirigeants n’ont pas les pleins pouvoirs pour faire tout ce qu’ils veulent dans le pays. Pour rester sur l’exemple allemand, d’abord on peut relever que le chancelier est différent du président fédéral dont le nombre de mandats est limité (actuellement, il a un mandat de cinq (05) ans, renouvelable une fois). De plus, le chancelier allemand ne peut pas imposer à son parti, son investiture pour une élection à venir. Mieux, il ne peut ni contraindre le peuple allemand à l’élire, ni tripatouiller les résultats, encore moins prendre en otage le verdict d’une élection qui lui serait défavorable. Les choses se passent dans une véritable transparence. Ceux qui perdent des élections, qu’ils soient au pouvoir ou non, s’inclinent devant la victoire de leurs adversaires. Ce faisant, il n’y a pas de prise en otage de la démocratie, donc pas de raisons majeures que le pays connaisse une crise, qu’elle soit pré ou postélectorale. Or, toutes les iniquités en matière électorale sont le lot quotidien des satrapes qui organisent les élections, juste pour contenter les bailleurs de fonds.
La question réside dans la capacité de cette assemblée à faire bouger les lignes de façon effective, en matière de démocratie
C’est pourquoi il y a une nécessité à encadrer autant que faire se peut, les consultations électorales dans les pays de dictature et à renforcer leur intégrité par la limitation du nombre de mandats présidentiels pour tout individu.
Ainsi donc, la pertinence des sujets abordés par cette 32e session de l’APP ACP-UE, ne souffre pas de débat. La question réside plûtôt dans la capacité de cette assemblée à faire bouger les lignes de façon effective, en matière de démocratie. Que peut l’APP - UE là où des institutions comme l’Union africaine, voire l’Organisation des Nations unies, ont jusque-là échoué ? Ne serait-ce pas un sommet de plus ? Certes, si elle venait à être votée, la résolution qui vise à condamner le passage en force de Ali Bongo au Gabon, serait très gênante pour le régime. Mais, étant donné que Bongo et son clan sont « nés avant la honte », tant qu’ils auront en face juste des déclarations non suivies d’effets, de sanctions économiques par exemple, ils s’en ficheront d’une manière ou d’une autre. En tout cas, ce ne sont pas les déclarations de principe qui suffiront à les dissuader. Surtout qu’ils savent que la logique des intérêts fera accourir chez eux, nuitamment, des émissaires des grandes puissances, y compris des pays dit démocratiques.
« Le Pays »