Ablassé Ouédraogo avait récemment volé dans les plumes du chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, dans une interview qu’il nous avait accordée. En réponse, le député UPC Moussa Zerbo, en porte-parole de son président répond au leader de Le Faso Autrement. Lisez plutôt.
Dans une récente interview accordée à L'Observateur paalga, Ablassé Ouédraogo a volé dans les plumes de Zéphirin Diabré. Pourquoi c'est vous qui répondez à la place du président de l'UPC alors qu'il est le principal concerné ?
Parce que je suis l’un des porte-parole statutaires de l’UPC et du président Diabré. Avec mon camarade Rabi Yaméogo, nous avons été élus au sein du BPN aux postes de secrétaires nationaux, porte-parole du parti, lui étant titulaire et moi son adjoint. Lorsqu’un sujet ne mérite pas que le président s’exprime, c’est nous qui le faisons. Quand nous débordons, il nous recadre.
Aussi j’estime qu’un personnage comme Ablassé qui se dit « Moaga bon teint du Plateau central » ne mérite pas l’attention d’une personnalité de la trempe de monsieur Diabré.
L’UPC est un grand parti sérieux et structuré. Ce n’est pas une boîte de sardines comme ‘’Le Faso Autrement’’ où tout commence et finit par Ablassé tout seul, où le premier responsable saute vite pour ouvrir sa bouche quand un micro se tend. J’avais du respect pour Ablassé quand il a lancé son parti, mais malheureusement je constate qu’il est devenu au fil des ans une sorte de bouffon politique, dont la vulgarité du comportement rappelle ce que les Mossi désignent par « raa-biga », c’est-à-dire un enfant élevé au marché. C’est vraiment triste pour l’opposition politique burkinabè qu’un de ceux qui s’en réclament ait cette image !
Ces aménités proférées, quel effet cette sortie d'Ablassé a fait au sein de l'UPC ?
Aucun ! Pour les militants de l’UPC, Ablassé est un plaisantin. Et ils sont confortés dans leur jugement par les confidences que leur font les nombreux anciens militants de ‘’Faso Autrement’’ qui ont déposé leurs bagages chez nous.
Avez-vous assisté ou entendu parler d’une instance statutaire du mini-parti Le Faso Autrement ? Ce n’est que son président qui gueule à tout-va !
Les militants de l’UPC se souviennent d’ailleurs que la création du Faso Autrement était une opération téléguidée par l’ancien pouvoir pour contrer l’UPC. Face au succès grandissant de l’UPC naissante en 2010, il fallait trouver un cadre burkinabè ayant évolué dans les organisations internationales comme le président Diabré, lui donner des moyens et l’aider à monter un parti pour contrecarrer l’UPC. C’est dommage qu’il ait misé sur un tocard ! Résultat des courses : 1 député pour ‘’Faso Autrement’’ en 2012, 19 pour l’UPC. La suite vous la connaissez.
Pour qui connaît l’histoire politique de notre pays, un type comme Ablassé Ouédraogo n’a rien apporté à la démocratie burkinabè. Lorsqu’un président de parti est incapable de se faire élire député et qu’il prétend briguer un mandat présidentiel, c’est de la plaisanterie. Vivement qu’il prenne notre peuple et notre pays au sérieux et arrête ses « Ablasseries » (en français facile, idioties)
Le président de la CODER a également fustigé l'opacité de la gestion du CFOP.
Comme visiblement Ablassé ne sait pas lire le français, je vais lire pour lui et vos lecteurs les dispositions de la Résolution 02-2016/AN/B/PRES adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 27 Janvier 2016, fixant les avantages et les privilèges du Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso. En son article 6, qui évoque le budget mis à la disposition du chef de file, il est écrit : « Le chef de file organise son cabinet. Il est administrateur des fonds mis à sa disposition pour son fonctionnement. Il rend compte de sa gestion au président de l’Assemblée nationale, ordonnateur du budget ».
Explication de texte :
- Les fonds mis à la disposition du Chef de file servent à l’organisation de son cabinet (secrétaire, conseillers, etc.) Ils ne servent pas aux activités des partis de l’opposition comme le prétend Ablassé ;
- le chef de file rend compte au président de l’Assemblée, pas à un quelconque parti de l’opposition. Ni à personne d’autre. Maintenant, si le fait de ne devoir rendre compte qu’au seul président de l’Assemble nationale est un signe de gestion opaque, qu’Ablassé aille demander des comptes au président Salif Diallo. Il aura sa réponse !
Ablassé connaît ce texte, qui n’est du reste qu’une reconduction du texte initial voulu et voté en son temps par le CDP. Au sein de sa CODER, Ablassé côtoie un ancien chef de file, Gilbert Ouédraogo, Président de l’ADF /RDA qui, en son temps, avait été interpellé par Maître Sankara sur la même question et dans les mêmes termes. Il avait donné la même réponse que celle que je vous donne.
Je comprends son désarroi parce que, de ce que nous disent les quelques rares militants de Faso Autrement, les temps sont très durs financièrement. Eh oui ! Quand les cabinets de consultation ne marchent plus, qu’on n’a plus les émoluments de député, alors qu’il faut faire bouillir la marmite et entretenir un parti, je sais que c’est très dur. Si Ablassé souhaite bénéficier d’une partie de ces fonds, il faut qu’il soit salarié dans le cabinet du Président Diabré. Il peut donc faire une demande écrite pour se faire embaucher. C’est sans gêne !
Beaucoup d’observateurs ne comprennent pas bien comment fonctionne le CFOP. Pouvez-vous nous éclairer ?
CFOP signifie « chef de file de l’Opposition politique ». C’est qui le chef de file l’Opposition politique ? A qui revient ce titre ? D’après la loi, c’est le « Président du parti politique de l’opposition ayant le plus de députés » ; le CFOP c’est donc un individu. Ce n’est pas une organisation. Donc contrairement à ce qu’on entend souvent ici et là, on n’adhère au CFOP et on n’est pas membre du CFOP. Comme vous le voyez aussi, le chef de file n’est ni nommé, ni élu par l’opposition politique. En fait il s’élit lui-même, puisque c’est son travail à la tête de son parti qui lui confère le titre. Le titre de CFOP et les privilèges qui vont avec, lui appartiennent donc à lui seul et à son parti. Pas à l’opposition.
Par exemple, le chef de file a droit à un véhicule : c’est son véhicule, pas celui de l’opposition.
Il a droit à un bureau, qui lui sert de siège. C’est son bureau, pas celui de l’opposition. C’est là qu’il invite et rencontre l’opposition pour arrêter une position commune sur un sujet donné. Mais c’est lui le propriétaire des lieux. Ce n’est pas l’opposition politique. C’est là aussi qu’il reçoit ses visiteurs, etc. Sur le plan pratique, il peut par solidarité autoriser un parti politique d’opposition à utiliser ce bureau pour une rencontre quelconque. Ce n’est pas un droit. C’est une faveur.
Mais quelles sont les fonctions exactes du chef de file ?
Aucun texte ne les définit pour la simple raison que CFOP c’est un titre, pas une fonction. La loi indique seulement que le chef de file est aussi le porte-parole attitré de l’opposition, sans dire d’ailleurs comment s’exerce ce rôle, ce qui signifie que c’est lui qui a la latitude de l’organiser. Le chef de file n’est pas le chef de l’opposition politique. Donc, il n’a aucune autorité sur l’opposition politique, mais en même temps il n’a aucune obligation vis-à-vis d’elle. Le CFOP n’a pas la charge d’organiser l’opposition, ni de s’occuper des problèmes. Il est juste un porte-parole.
Quel est donc le lien entre le chef de file et l’opposition politique ?
L’opposition politique, c’est l’ensemble de tous les partis qui disent qu’ils ne sont pas d’accord avec le pouvoir. La loi n’organise pas l’opposition politique. Le lien entre le chef de file et l’Opposition politique découle du fait que le chef de file est automatiquement le porte-parole attitré de l’Opposition. En d’autres termes, pour les pouvoirs publics, c’est lui qui peut parler au nom de l’ensemble de l’opposition et personne d’autre. Et c’est par lui que l’on passe pour traiter officiellement avec l’opposition. C’est donc un intermédiaire consacré. C’est pour remplir cette fonction de porte-parole que le chef de file réunit autour de lui les partis politiques chaque fois que la situation l’exige. Autour des sujets importants touchant à la vie de la nation, si un consensus se dégage, le chef de file l’exprime dans les médias. S’il n’y a pas consensus, il s’abstient, ce qui n’empêche pas chaque parti de parler en son nom propre.
Dans sa position actuelle, le chef de file s’en tient, pour ce qui est de l’ensemble de l’opposition, à son rôle formel de simple porte-parole. Rien de plus ! Rien de moins ! En la matière, croyez-moi, l’expérience que nous avons vécue sous le régime de Blaise Compaoré nous a beaucoup instruit. Désormais, ce n’est pas parce qu’un parti chante qu’il est de l’opposition que l’UPC va s’allier automatiquement à lui et mener avec lui un combat pour conquérir le pouvoir. La vérité est que pour certains partis, la position institutionnelle du chef de file est juste un escalier qu’on vient emprunter pour régler ses problèmes. A malin, malin et demi !
Actuellement, l’UPC et d’autres partis ont créé la Coalition des Forces Démocratiques pour un vrai Changement. C’est un accord politique entre les signataires pour conquérir et exercer le pouvoir d’Etat. Le président Diabré en est le chef. S’il y a des élections aujourd’hui, cette coalition va les affronter en rang serré, autour d’un seul chef, comme ce fut le cas en 2015, parce qu’il y a un pacte qui lie ses membres.
La CODER est une autre coalition, mais je ne sais pas si elle s’occupe uniquement de la réconciliation ou si elle veut s’organiser pour conquérir le pouvoir autour d’Ablassé le « Moaga bon teint original du Plateau central ».
Que devient le siège du CFOP ?
Actuellement, les réunions du cadre de concertation du chef de file se tiennent dans ses bureaux privés sis à la patte d’Oie, où il reçoit ses visiteurs, le siège de l’UPC étant toujours plein de monde. C’est un immeuble R+1. Son occupation se fait à titre gracieux, puisque le loyer n’est pas payé. Ceux qui y vont vous diront d’ailleurs que le confort n’a rien en envier à l’ancien siège qui abrite aujourd’hui la Haute Cour de justice.
Le nouveau bureau du chef de file sera situé à la Zone du bois. Il est actuellement en réfection. Pour la petite histoire, c’est un immeuble qui nous a été proposé par une agence immobilière. C’est plus tard que nous avons appris qu’il appartient à un député de la majorité, ce qui, bien entendu, ne pose aucun problème.
Tous les partis politiques d’opposition participent-ils aux rencontres du chef de file ?
En fait, la loi n’a établi aucune règle. La loi ne parle pas de l’organisation de l’opposition et c’est un vrai problème. Dans le passé, tout parti qui se réveille le matin et dit qu’il est opposant, venait à la rencontre, qu’il soit sincère ou non, qu’il soit sérieux ou non. Il s’asseoit autour de la table et commence à bavarder. Aucun texte ne régissait ces rencontres. C’était comme Rood Woko !
Fort de cette expérience, le président Diabré a fait adopter récemment une charte qui établit un minimum de règles devant régir ces rencontres, y compris les critères à remplir pour être invité. La rencontre a été baptisée Cadre de concertation du chef de file de l’opposition.
Pour être invité, il faut désormais faire une demande écrite et on mène une petite enquête sur vous avant de vous inviter. Autre critère pour être accepté, c’est que si vous avez des députés, ceux-ci doivent siéger dans un groupe d’opposition. C’est pour éviter les doubles jeux et cela paraît logique.
Récemment une dizaine de partis, qui en avaient fait la demande, on été invités aux rencontres du Cadre. Le dossier d’Ablassé a été examiné. Mais son problème c’est qu’il ne remplit pas le critère relatif aux députés. Lui il dit qu’il est opposant pendant que son député siège avec la majorité. Il est dans quel camp finalement ?
La création de la CODER était vue comme une division de l'opposition politique. Concrètement, la récente sortie d'Ablassé ne confirme-t-elle pas la fracture au sein du CFOP ?
J’imagine que vous voulez dire « fracture au sein de l’opposition » ?
Actuellement, l’opposition n’est pas une coalition unique. Elle comporte déjà plusieurs coalitions (CFDC, CODER) et des partis qui n’appartiennent à aucune coalition.
Dans la CODER, sur les 8 ou 7 partis qui en sont membres, seuls 3 (le CDP, l’ADF/RDA et la NAFA) collaborent avec le chef de file dans le cadre de concertation qui, je le rappelle, compte 33 membres.
L’attitude d’Ablassé n’est pas un problème, sauf pour lui-même. Comme indiqué plus haut, il ne collabore pas avec le chef de file, et ce dernier ne l’a pas non plus invité à collaborer. Donc ses élucubrations ne nous intéressent pas. De toute façon, personne ne gagne à s’associer avec lui. Il apporte quoi ? Il est insignifiant et improductif.
Ce qu’on peut déplorer dans l’attitude d’Ablassé, c’est qu’il donne une très mauvaise image des opposants et offre au MPP des arguments sur un plateau d’or. Les gens sont déçus du MPP mais quand ils voient des gens comme lui, ils vont se dire que si l’opposition c’est des gens comme Ablassé, on ne peut pas leur faire confiance pour diriger ce pays. Vu sous cet angle, il rend objectivement service au MPP. Il y a donc un travail à faire pour montrer que dans l’opposition, il y a des gens crédibles qui peuvent assurer l’alternance, même s’il y a des plaisantins comme Ablassé.
Par contre, ce qui pose problème, c’est l’attitude du CDP, de l’ADF/RDA et de la NAFA, qui ont souscrit à la charte évoquée plus haut, et qui participent aux réunions organisées par le Chef de file. Pour moi, les propos d’Ablassé les engagent. Il est donc clair qu’ils doivent clarifier leur position et très vite. Mais cela dépasse mes compétences. Cela relève de la responsabilité des chefs de partis membres du Cadre de concertation du chef de file. Sinon ce grand griot les mettra devant des faits inexplicables.
Il y a même un problème de lisibilité au niveau de l'opposition : des insurgés et des grands brûlés qui se retrouvent ensemble. Est-ce que l'opposition ne court pas le risque de se désintégrer totalement d'ici les prochaines élections ?
L’opposition n’est pas une coalition unique que je sache. Elle compte des coalitions comme la CFDC et la CODER, et des partis n’appartenant à aucune coalition. Elle n’a pas un projet politique commun de conquête et de gestion du pouvoir d’Etat. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Sous l’ancien régime, l’opposition n’était pas une coalition, et n’avait aucun programme de conquête et de gestion du pouvoir, mais elle a renversé le régime.
Ailleurs comme au Gabon et en Gambie pour ne prendre que les exemples les plus récents, la force de l'opposition a été l'union sacrée. Est-ce que l'opposition burkinabè ne se tire pas une balle dans le pied avec des querelles byzantines comme celle-là ?
Sur la question de l’union de l’opposition, nous à l’UPC avons été instruits par l’expérience. Ce n’est pas le nombre qui fait la force. C’est la qualité. Et en politique comme dans la vie, mieux vaut être peu entouré et bien entouré, qu’être trop entouré et mal entouré.
On savait déjà que les relations entre Ablassé et Zéphirin n'étaient pas au beau fixe. La guerre est-elle désormais ouverte ?
Le président Diabré n’a pas le temps d’ouvrir une guerre contre Ablassé qui n’est nullement un obstacle à son devenir politique. S’il y a guerre à mener, c’est contre ceux qui sont un obstacle à l’ascension de l’UPC et ce n’est sûrement ni Ablassé, ni le Faso Autrement. Nous ne prétendons pas à la même chose, et ce débat est clos.
Ablassé prétend que le président Diabré travaille à asseoir le régime de Roch. Que lui répondez-vous ?
Venant d’Ablassé, cela fait rire. Au sortir des élections, tous les partis ont annoncé s’ils sont de la majorité ou de l’opposition. Ablassé n’a rien dit. Il a fait le siège du MPP pendant 6 mois pour rejoindre la majorité. Dans la lettre ouverte qu’il a lui-même publiée dans la presse, il a révélé avoir demandé à trois reprises une audience au président Kaboré. En vain. C’est parce qu’il a été refusé à la majorité qu’il a décidé de devenir opposant. Il n’est donc pas opposant par conviction. De plus, ce qui est bizarre, c’est que pendant que lui se dit opposant, son député siège avec la majorité et soutient donc la politique du gouvernement. Nous comprenons que l’attente a été vaine pour Ablassé qui a battu des pieds et des mains pour être appelé dans le gouvernement de M. Paul Kaba Thiéba. Hélas il espère encore et toujours ! Là il joue quel jeu ?
Ensuite au lancement de la CODER, sa première revendication c’est que comme le pays ne va pas bien, il faut qu’on fasse appel à tout le monde dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale. Moi je pensais que la CODER était créée pour favoriser la réconciliation. Je ne savais pas que c’était pour chercher des postes. La réconciliation ne consiste pas à nommer tout le monde ministre. Elle consiste à reconnaître nos fautes mutuelles et à nous pardonner. Je vous garantie que si demain matin le président Kaboré reçoit Ablassé et lui propose de devenir ministre, non seulement il va sauter pieds joints, mais il va insulter les gens de la CODER comme s’il ne les avait jamais connus. Mais je crois que les gens de la CODER sont au courant. En fait, ils ont embauché Ablassé comme président initial parce qu’ils cherchaient quelqu’un pour prendre les coups dans la phase initiale de la CODER mais aussi quelqu’un sans vergogne. Quand l’opinion aura accepté la CODER, ils vont l’éjecter parce que les parrains de la CODER le considèrent comme un traître pour avoir rejoint l’opposition en son temps. Ils n’ont pas oublié. Ils font seulement semblant.
Entretien réalisé par
Adama Ouédraogo Damiss