« Comme un fleuve tranquille » ! Ainsi écrivions-nous dans notre édition du 7 novembre dernier à propos de la présidentielle au Ghana. On ne pensait pas si bien dire, ce d’autant plus que le scrutin s’est déroulé globalement dans le calme, sans couac ni anicroche. C’est le moins que l’on puisse dire. Mieux, l’affluence était au rendez-vous dans les bureaux de vote. Les premiers chiffres qui circulaient font même état d’un taux de participation à hauteur de 65%. En tout cas, comme on pouvait s’y attendre, le match est pour le moins serré. Car, contrairement aux coups
K.-O auxquels certains pays africains nous avaient habitués, il en va autrement du Ghana où, à en croire les premières tendances, un second tour se profile à l’horizon entre le président sortant John Dramani Mahama et Nana Akufo Addo en lice pour la troisième fois consécutive. Cela traduit la qualité de la démocratie ghanéenne. Car, qu’un président en exercice, qui plus est, bénéficie de la prime au sortant, soit amené à concéder un second tour, cela ne court pas les rues en Afrique où l’habitude de bien des chefs d’Etat est de ne jamais organiser des élections pour les perdre. C’est la preuve donc qu’au Ghana, les institutions sont fortes et fonctionnent normalement et que contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, la fraude électorale n’y a pas droit de cité. En un mot comme en mille, le Ghana est à l’Afrique anglophone ce que le Bénin est à l’Afrique francophone : une vitrine de la démocratie. Le Ghana n’est pas le Congo Brazzaville de Sassou Nguesso, ni le Gabon d’Ali Bongo Ondimba, encore moins le Burundi de Pierre Nkurunziza où les élections ont ouvert la voie à des crises politiques. Autrement dit, le Ghana n’est pas comme le Gondwana où le vainqueur, avant même l’ouverture des bureaux de vote, est connu de tous. A preuve, même avec le second tour qui se profile à l’horizon, entre les deux anciens adversaires politiques, on peut dire que rien n’est encore joué, tant il s’opérera beaucoup d’alliances. Que le meilleur gagne ! Pourvu que les acteurs politiques, quoi qu’il en soit, travaillent à éviter le syndrome de 2012 où les contestations électorales sur fond de violences, avaient failli ternir l’image du Ghana, connu pour être un pays stable.
Les acteurs politiques ghanéens sont face à leurs responsabilités
Plus jamais ça ! Car, dans un Etat de droit, il existe des voies de recours légales pour faire entendre sa cause, plutôt que d’appeler ses ouailles à descendre dans la rue. En tout cas, aucun dérapage ne sera toléré. Seul doit prévaloir l’esprit de fair-play. Car, comme on le sait, une élection, ce n’est pas la guerre, contrairement à ce que croient bien des politicards en mal d’inspiration pour lesquels le lien entre la rivalité politique et l’inimitié est vite établi ; d’où souvent les règlements de comptes auxquels on assiste et qui affectent même les fondements de nos Républiques. Cela dit, il revient à la commission électorale nationale ghanéenne de jouer à fond sa partition, en ne prêtant pas le flanc. Car, très souvent, c’est de là que naissent les crises post-électorales avec leurs conséquences incommensurables. L’exemple le plus édifiant est celui de la Côte d’Ivoire où les lendemains électoraux ont été des plus macabres : plus de 3 000 morts sur le carreau ! De ce qui précède, on peut dire que les acteurs politiques ghanéens sont face à leurs responsabilités. Ils ont un lourd héritage à défendre : préserver l’image du pays. Et celui par qui le malheur frappera le Ghana, répondra un jour devant le tribunal de l’histoire.
Boundi OUOBA