La culture de soja a pris de l’ampleur au Burkina Faso ces dernières années. Dans les provinces du Mouhoun et du Tuy, les cotonculteurs s’adonnent de plus en plus à cette spéculation autrefois réservée à la consommation familiale. Considéré comme culture de rente, le soja est de nos jours prisé dans les marchés extérieurs et semble révolutionner les conditions de vie et de travail des agriculteurs.
Boni Koumbia est producteur à Konkolékan, un village situé à environ 25 kilomètres de Houndé dans la région des Hauts-Bassins. Nous l’avons rencontré sous une fine pluie, en train de labourer son champ de soja d’une superficie de 2,5 hectares. Cela fait trois ans que Koumbia a abandonné la culture du coton pour s’adonner à celle du soja. Les raisons de cet abandon subit ? « La culture du coton est trop contraignante et nécessite de grands moyens. En son temps, je ne m’en sortais pas et j’étais même surendetté », explique-t-il.
Si l’agriculteur de Konkolékan se plaint de la culture du coton, Tamboni Namoukou de Bouéré, un autre village situé à une vingtaine de kilomètre de Houndé, a préféré l’associer à celle du coton. Ce dernier affirme s’être lancé dans la culture de soja il y a de cela trois ans. Son intention est de réduire ses superficies de coton à cause des dépenses et endettement qu’elles occasionnent et qui sont insupportables. Il souligne que depuis quelques années, il désire abandonner la culture du coton mais impossible. « Je suis dépendant de la culture de coton à cause des intrants agricoles que j’utilise pour les autres cultures. Mais si j’avais le choix, j’allais abandonner complètement cette culture car elle ne me rapporte pas beaucoup. L’an dernier, j’ai cultivé six hectares de coton et je n’ai récolté qu’un seul», déplore-t-il.
A une centaine de kilomètres plus loin dans la province du Mouhoun, Yora Tamini, un jeune agriculteur de Ouarkoye, qui cultivait le coton, note qu’il essaye pour la 1re fois la culture du soja pour la campagne agricole en cours. Il a dit emblaver 2,5 hectares et entend doubler la superficie la saison prochaine s’il en tire réellement profit.
Le soja, pour améliorer les conditions de vie
La culture du soja, selon la directrice provinciale de l’agriculture du Tuy, Alizéta Dabiré, renferme beaucoup d’avantages, tant sur les espaces culturales que sur les conditions de travail et de vie des agriculteurs. Le soja contribue, à l’entendre, à améliorer les conditions de vie et de travail des paysans et a un impact positif sur l’économie nationale
Les producteurs avouent qu’ils arrivent à écouler rapidement le soja sur la place du marché et les fonds récoltés leur permettent d’engager des travailleurs saisonniers pour, d’une part, sarcler les autres champs, et d’autre part, récolter le coton, les arachides et le maïs. « Avant, je me contentais uniquement de la vente de mon maïs pour payer les ouvriers qui travaillent dans mon champ de coton », souligne Tiaho Bonkoho. Mais grâce au soja, aujourd’hui, il peut stocker son maïs et les autres cultures vivrières. Sa famille et lui ne sont plus exposés à la famine et s’en sortent aisément toute l’année. Chez les producteurs semenciers, le soja est acheté à 300 F CFA le kg. Lodoum Yaya, qui a emblavé 4 hectares de cette spéculation en 2015 et récolté 4 tonnes, dit avoir empoché la somme de 1 200 000 FCFA.
Même son de cloche que Tamboni Namoukou, qui s’en est tiré avec 450 000 F CFA après avoir vendu 2,5 tonnes de soja. « Avec la culture du soja, j’ai constaté un grand changement dans ma famille depuis l’année passée. Tout le monde mange à sa faim. J’ai même acheté deux bœufs pour les travaux champêtres, car pour la saison 2016, j’ai emblavé 5 hectares de soja », se réjouit-il.
Le chargé de suivi de l’entreprise SIATOL de la province du Tuy, Esaïe Dofini, pour sa part, révèle que le paysan qui maîtrise les techniques de récolte enrichit ses sols. Et le producteur Siaka Boni ne dira pas le contraire. « Avec les techniques de récolte que j’ai acquises, je n’ai pas utilisé beaucoup d’engrais pour ma portion de terre. Pour la période écoulée et pour cette année, j’ai cultivé respectivement du soja et du maïs sur ce même champ », souligne-t-il, en nous montrant les tiges de maïs bien enfoncées. L’engrais étant proscrit dans la culture du soja comme l’a signifié le cultivateur Boni Koumbia, il avoue que sa culture ne nécessite pas beaucoup de dépenses comme celle du coton. Et de poursuivre que les tiges de soja sont conservées après les récoltes, pour l’alimentation de son bétail.
« Les dépenses liées à la culture du soja sont généralement l’achat des semences, la location de tracteur pour labourer les champs et le sarclage. La seule dette que j’ai envers les entreprises est celle des semences…», relève Boni.
Le soja, une culture prisée à l’international
Autrefois produit au Burkina pour la consommation domestique, le soja est de nos jours cultivé et transformé pour être exporté. «Aujourd’hui, nous sommes unanimes des vertus que le soja possède et c’est pourquoi beaucoup de producteurs dans la province du Tuy s’orientent vers cette culture», explique la directrice provinciale de l’agriculture et des aménagements hydrauliques du Tuy, Alizéta Dabiré.
Elle souligne que le soja renferme des nutriments qui renforcent la santé de l’homme, surtout quand il est cultivé bio c’est-à-dire, sans engrais chimiques. « Il est utilisé d’une part pour produire de l’huile, des biscuis, du fromage, et même comme aliment pour le bétail. D’autre part, comme produit non alimentaire tel que le verni, la peinture. Et c’est grâce à ces multiples usages que la demande du soja est forte », soutient Mme Dabiré. Et d’ajouter que les partenaires sollicitent beaucoup sa culture auprès des agriculteurs. Elle explique qu’au Tuy, les superficies emblavées pour la culture du soja sont en train de s’étendre ces trois dernières années. « Nous sommes à environ 600 hectares emblavées pour une prévision de près de 1000 hectares. Pour la province, nous attendons plus de 1800 tonnes de soja cette année», estime-t-elle.
Quant à la production dans la Boucle du Mouhoun, le directeur régional de l’agriculture, Oumarou Sawadogo, fait savoir qu’elle est assez minime. «Les superficies de production ont varié de 561 en 2011 à 589 en 2015 et leurs rendements de 138 tonnes en 2011 à 407 tonnes en 2015», a-t-il confié.
Le soja est une spéculation très consommée au Burkina Faso. Selon la directrice, Alizéta Dabiré, la production actuelle ne couvre pas la demande du marché local. Elle fait remarquer que depuis que le soja est exporté, les agriculteurs se sont très vite intéressés à sa culture. C’est ainsi que beaucoup de cotonculteurs du Tuy et du Mouhoun, à l’en croire, se sont mutés en producteurs de soja. Certains l’associent au coton et ce, pour plusieurs raisons. De l’avis de Mme Dabiré, cette spéculation nécessite moins d’effort. Elle est moins exigeante et est économiquement rentable.
«J’ai décidé de cultiver le soja parce qu’après la récolte, nous avons immédiatement l’argent. L’an dernier, j’ai cultivé 2,5 hectares de soja et j’ai pu récolter quatre tonnes», explique Tiaho Bonkoho.
Si dans le Tuy les producteurs tirent déjà profit de cette culture, dans le Mouhoun, les intentions sont affichées pour cette production de rente. Enock Bicaba, producteur du village de Sokongo, a confié qu’il cultivait le soja pour la consommation familiale mais cette année, il a décidé d’emblaver 1,5 hectare. Dans le village de Poundou, à une trentaine de kilomètres de Dédougou, contrairement aux autres villages, ce sont des associations de femmes qui se sont lancées dans la culture du soja. Tihan Mana explique qu’elle a cultivé 1 hectare de soja cette année et envisage accroître la superficie de son champ l’année prochaine, si toutefois les récoltes s’avéraient bonnes.
Cependant, bien que le soja procure beaucoup de bénéfices aux agriculteurs, ceux-ci sont confrontés à des difficultés tout au long du cycle de sa production. Lesquelles difficultés se résument à l’envahissement des herbes dans les champs à cause de la non-utilisation des herbicides, effets dévastateurs des chenilles, des oiseaux et des lièvres, surtout pendant les récoltes. Malgré tout, la direction provinciale de l’agriculture du Tuy accompagne les producteurs de soja à travers l’encadrement, l’appui-conseil et le suivi, tout au long du cycle de production.
Wamini Micheline OUEDRAOGO