1 053 milliards de francs CFA, c’est le montant estimatif des flux nets de fuite de capitaux du Burkina Faso de 1972 à 2012. C’est ce qu’a révélé une étude commanditée par le Centre d’analyse des politiques économiques et sociales (CAPES) et le Consortium pour la recherche économique en Afrique. Les conclusions de l’étude ont été publiées dans la Revue africaine du développement en avril 2016. Mais à Ouagadougou, l’atelier de dissémination des résultats de cette étude a eu lieu le 30 novembre 2016.
«Fuite des capitaux hors du Burkina Faso : facteurs sous-jacents et impact sur les recettes fiscales». C’est le thème de l’étude que le Dr Ameth Saloum Ndiaye de l’université Cheick Anta Diop de Dakar et le Dr Alain Siri, économiste au CAPES, ont menée sur l’évasion financière dans notre pays. Il en ressort que de 1972 à 2012, le Burkina Faso a enregistré 1 053 milliards de FCFA de fuite de capitaux représentant le montant des sorties irrégulières de capitaux du circuit de l’économie. Ces flux sont alimentés, entre autres, par la falsification des montants des importations et des exportations de biens et services entre le Faso et les pays industrialisés, les comptes résiduels de la balance des paiements, les transferts de fonds non enregistrés.
A la cérémonie d’ouverture de l’atelier de dissémination des résultats de cette étude, le Dr Daniel Kaboré, directeur exécutif du CAPES, a noté le paradoxe qu’elle a permis de mettre à jour : beaucoup d’argent sort du pays qui en a pourtant grand besoin pour financer le développement de son économie : par exemple, les résultats montrent que la fuite des capitaux du Burkina représente en 2012 l’équivalent de la totalité des recettes fiscales recouvrées par notre pays au cours de ladite année. La conséquence évidente de cette évasion financière est que le pays dispose de peu de crédit et le financement de l’économie est limité.
Selon le Dr Alain Siri du CAPES, coauteur de l’étude, les hommes d’affaires et les personnes occupant de hautes fonctions publiques sont les premiers responsables de cette évasion financière. Cela se fait au moment de la passation des contrats entre l’Etat et les sociétés internationales, ou par le transport physique d’importantes sommes d’argent lors des voyages hors du pays. Il y a aussi les appuis financiers occultes des hommes politiques burkinabè à leurs homologues français, la surfacturation et la sous-déclaration, le règlement des achats en devise dans certains supermarchés, le système traditionnel et informel de transfert de fonds hors circuit bancaire, le paiement de frais d’hôtel par chèques en devise étrangères qui sont ensuite déposés sur des comptes bancaires ouverts à l’étranger.
Modératrice de cet atelier de dissémination, Marie Béatrice Tassimbédo, présidente du Centre national de traitement de l’information financière (CENTIF), a salué les auteurs de cette étude qui a été réalisée dans des conditions difficiles, car ce n’est pas facile d’appréhender le phénomène de l’évasion financière qui est un domaine où l’information ne filtre pas. Pour Marie Béatrice Tassimbédo, cette étude fera non seulement prendre conscience du fléau mais également militera pour la prise de mesures adéquates pour l’endiguer et l’enrayer, toutes choses qui permettront de soutenir durablement l’économie nationale.
Selon le Dr Daniel Kaboré, il va falloir étudier les facteurs qui déterminent la fuite de ces capitaux pour que tout cet argent soit utilisé dans le développement du pays. C’est pourquoi «nous ferons les recommandations qu’il faut à l’endroit des décideurs et espérons qu’elles seront mises en œuvre pour que cesse cette évasion financière».
San Evariste Barro