Fidel Castro a tiré sa révérence le 26 novembre dernier à la Havane, à l’âge de 90 ans. L’annonce a été faite par son frère Raul, qui lui a succédé au pouvoir en 2006. Pour un évènement de portée mondiale et diversement commenté, c’en est un. Si ailleurs, comme en Floride aux Etats-Unis et l’on comprend pourquoi, l’on s’est beaucoup focalisé sur le côté dictatorial et répressif de l’homme, allant jusqu’à sabler le champagne pour fêter son décès, a contrario en Afrique, de l’Algérie au Mozambique en passant par l’Afrique du Sud, bien des gens se sont inclinés très respectueusement devant la mémoire de l’illustre disparu. Et les raisons de cet hommage appuyé, enregistré en Afrique, peuvent facilement être imaginées. Premièrement, l’Afrique, surtout l’Afrique combattante, apprécie en Castro le courage exceptionnel d’un homme qui, à partir des montagnes de la Sierra Maestra et à la tête d’une poignée d’insurgés, a contraint Batista, soutenu à l’époque à bout de bras par la puissante Amérique, à la fuite. L’image du guérilléro intrépide et téméraire est restée collée à Castro sous nos tropiques.
L’Afrique ne peut pas être amnésique
C’est ce qui explique, entre autres, que son portrait géant où il arbore le treillis vert olive trône jusqu’à nos jours dans bien des domiciles en Afrique. A l’image du guérilléro hors norme, s’est ajoutée celle d’un homme qui a su, avec dignité, résister à l’embargo imposé à Cuba depuis 1962 par le grand et puissant voisin américain. La deuxième raison qui explique l’attachement de l’Afrique à Castro est liée à la contribution significative de l’île révolutionnaire dans le domaine surtout de la santé. A cela, il faut ajouter l’apport de médecins cubains dans la prise en charge d’un nombre important de malades sur le sol africain. Dans ce registre, l’Afrique ne peut pas oublier qu’aux pires moments de l’épidémie de la fièvre rouge, c’est-à-dire Ebola, des médecins cubains avaient été dépêchés par les autorités de l’île dans des pays où sévissait la maladie pour aider à la prise en charge des patients. Il faut être Cubain pour faire preuve d’une telle témérité pendant que les médecins locaux étaient en train de déserter les hôpitaux de peur de se faire contaminer. L’Afrique ne peut pas être amnésique au point d’oublier cela. La troisième et grande raison qui explique l’attachement quasi passionnel de l’Afrique à Castro réside dans le soutien qu’il a apporté à tous les mouvements de libération nationale. Ce soutien valait tout son pesant d’or, d’autant plus qu’à l’époque, l’écrasante majorité des pays occidentaux avait pris fait et cause pour le maintien de l’ordre colonial. L’on se souvient, en effet, que des pays comme la Namibie, le Mozambique, l’Angola, le Zimbabwe, ont su se frayer un chemin vers la liberté et l’indépendance grâce au soutien actif du régime castriste. Et que dire du coup de main apporté par le Lider Maximo au combat acharné de Nelson Mandela et des ses camarades de l’ANC (Congrès national africain) contre le régime odieux de l’apartheid. Aux moments les plus cruciaux pour tous les pays de la ligne de front, Fidel Castro a répondu présent. Et il ne se contentait pas d’y envoyer des armes. Les Barbudos de Castro étaient aux avant-postes des combats que tous ces pays ont livrés pour recouvrer leur dignité d’homme. Si l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Angola et l’on en oublie, ont pu se défaire du joug humiliant du colonialisme, le mérite certes revient à leurs peuples respectifs, mais l’on ne peut oublier le fait que Castro y a été pour quelque chose. Du reste, ce n’est pas pour rien que Nelson Mandela lui avait réservé sa première visite officielle en tant que président de la nation arc-en-ciel. C’est parce qu’il savait que le soutien du Lider Maximo ne lui avait jamais fait défaut tout au long de sa longue et difficile marche vers la dignité et la liberté. C’est pourquoi l’on peut affirmer que l’Afrique combattante a perdu avec la mort de Castro, un grand allié. De la même manière, la génération de mai 68 en France et tous ceux qui, en Afrique, étaient solidaires de ce mouvement, ne peuvent pas s’offrir le luxe de jeter dans la poubelle de l’histoire, Fidel Castro.
On ne peut pas jeter l’opprobe sur Castro
En Afrique, en dehors de l’échec retentissant de l’expédition militaire au Congo Léopoldville, conduite par le compagnon de maquis de Fidel Castro, c’est-à-dire, Ernesto Che Guevara, l’on peut dire que toutes les interventions militaires castrites ont été plus ou moins couronnées de succès. Pour toutes ces raisons, ce n’est donc pas demain la veille que l’Afrique combattante va dresser un grand bûcher pour brûler les portraits de Fidel Castro et de ceux de son alter ego le médecin argentin Ernesto Che Guevara. Et même de nos jours, certains mouvements citoyens d’Afrique qui rendent la vie dure aujourd’hui aux despotes du continent, ne se gênent pas de célébrer le « Che ». A titre d’exemple, l’on peut citer le Balai citoyen au Burkina Faso. Et ils n’ont pas tort. En effet, quand on situe les choses dans leur contexte, on ne peut pas jeter l’opprobe sur Castro et sur son ami Ernesto Che Guevara, au regard du courage et de la modestie dont ils ont fait preuve tout au long de leur vie. Et tous ceux qui ont mis un point d’honneur à noircir systématiquement l’image de Castro, doivent avoir l’honnêteté de reconnaître qu’à un moment donné de sa vie, il a mené des combats justes aussi bien dans son pays qu’au-delà. S’il a pu survivre aux nombreux complots ourdis contre lui jusqu’à sa mort, c’est parce que quelque part, il a pu bénéficier du soutien du peuple cubain, peut-on dire. A son propos, le Révérend Jesse Jackson, ancien candidat à l’investiture du parti démocrate, déclara en 1984 ceci : « Castro est le politicien le plus honnête et le plus courageux que je n’aie jamais rencontré ». Il y a peut-être de l’exagération dans ce point de vue, mais il y a certainement aussi une part de vérité.
« Le Pays »