Est-ce enfin la bonne piste qui mènera à la dépouille de Guy André Kieffer ? Cyrille Paquaux, le nouveau juge d’instruction de l’affaire, qui avait remplacé Patrick Ramaël, a en effet recueilli il y a quelques mois le témoignage d’un Français résidant à Abidjan et selon lequel le journaliste franco-canadien aurait été enterré dans le sous-sol d’un immeuble au sud d’Abidjan. Des informations jugées sérieuses, voire crédibles, et qui justifieraient que des fouilles soient effectuées, mais jusqu’à présent, les autorités n’auraient pas levé le petit doigt pour montrer le chemin qui y mène ou, si vous voulez, pour autoriser les recherches.
On ne sait pas si elles auront effectivement lieu et dans quels délais, mais ce pourrait être une avancée significative du dossier qui piétine depuis maintenant 12 ans. Il y a quelques années, une fausse piste avait déjà mené à Issia, mais les tests ADN effectués sur un corps qui y avait été retrouvé n’avaient pas été concluants. C’est donc un crime sans le corps du délit que la justice française s’évertue à élucider sans trop de succès probant jusque-là.
Notre confrère, qui enquêtait sur la mafieuse filière du café-cacao de Côte d’Ivoire, avait disparu, on se le rappelle, le 16 avril 2004 sur le parking d’un centre commercial abidjanais où il avait rendez-vous avec Michel Legré, beau-frère de Simone Gbagbo, dont le mari, Laurent, était alors chef d’Etat. Avait-il servi d’appât comme lui-même l’avait avoué avant de se rétracter ? En tout cas, même s’il a été mis en examen par les justices française et ivoirienne, le sieur Legré n’a jamais été jugé puisqu’il est décédé de crise cardiaque, dit-on, en septembre dernier. Il a emporté ainsi dans sa tombe bien des secrets sur cette ténébreuse affaire, et avec son décès, c’est une porte judiciaire qui se fermait. Au grand dam d’Osange Kieffer, l’épouse du disparu.
Au cours d’un des nombreux procès de Simone Gbagbo, le nom de Séka Yapo, son garde du corps, était d’ailleurs cité comme le chef du commando qui aurait enlevé et exécuté le journaliste, sur ordre de sa patronne. Vrai ou faux ? Il faut espérer qu’un jour la vérité finira par jaillir au cours d’un procès. En attendant, souhaitons que cette nouvelle donne judiciaire ne suscite pas de faux espoirs, tant depuis 12 ans les bonnes nouvelles ont invariablement alterné avec de grosses déceptions, pour ne pas dire des coups d’arrêt brutaux.
Le drame dans ça, c’est qu’on assiste à une forme d’apathie et de mauvaise volonté des Etats français et ivoirien, comme si quelque part Paris et Abidjan n’avaient pas intérêt à ce que la vérité se sache. Et pourtant, après sa prise du pouvoir en 2011, le président Alassane Ouattara avait personnellement promis de ne protéger personne et de mettre tout en œuvre pour que ce dossier avance. Le dossier Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les deux journalistes de RFI tués à Kidal le 2 novembre 2013, ne connaît-il pas le même sort avec la sorte de rétention d’informations manifeste de la part de l’Hexagone? Le cas Norbert Zongo a également connu un non-lieu sous Blaise Compaoré, sauf que dans ce dossier-ci, le lien était clairement établi avec le pouvoir d’alors. Voici en tout cas, pour ADO, une nouvelle bonne occasion, avec ces nouveaux éléments, de faire montre de sa bonne foi.
Mohamed Arnaud Ouédraogo