Nouveau rebondissement dans l’affaire Guy André Kieffer, du nom de ce journaliste franco-canadien disparu en 2004 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Douze ans après, alors que le mystère de cette disparition reste entier, certaines sources indiquent que le juge qui enquête sur l’affaire a recueilli le témoignage d’une personne disant savoir où se trouve le corps du journaliste, enterré, selon lui, dans le sous-sol d’une habitation dans le Sud d’Abidjan.
Le hic, c’est que ce témoignage n’est pas le premier du genre dans cette affaire. On se rappelle, en effet, qu’en janvier 2012, un premier témoignage avait guidé les pas des enquêteurs sur une tombe dans laquelle était censé reposer l’illustre disparu, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire dans la région d’Issia. Finalement, l’affaire s’était révélée fausse suite à des tests ADN. On se rappelle aussi que lors d’une des auditions de l’ex-première Dame de Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, en juillet dernier, un témoin à charge, en l’occurrence le « Colonel H », chef d’une des nombreuses milices de jeunes patriotes qui sévissaient à l’époque en Côte d’Ivoire et qui étaient réputées pour être proches du pouvoir de Laurent Gbagbo, avait accusé l’épouse de ce dernier d’avoir commandité l’exécution du journaliste dont le corps, selon ses dires, « a été incinéré pour ne pas laisser de traces ».
Au regard de ce qui précède, la question que l’on se pose, est celle de la crédibilité de ce nouveau témoin. Qui est-il ? Quel peut être le poids de son témoignage ? Etait-il dans le secret des dieux ? Si oui, alors seulement, on pourrait enfin espérer aboutir à la manifestation de la vérité. Autrement, on court le risque de voir apparaître après lui, d’autres témoins dont rien ne garantit qu’ils ne sont même pas manipulés à des fins inavouées, qui prétendront apporter des témoignages crédibles sur la disparition du journaliste. Toute chose qui ne pourrait que contribuer à brouiller davantage les pistes. Et rien ne dit que ce n’est pas l’objectif recherché. Et c’est cette théâtralisation de l’affaire qu’il faut éviter à tout prix, pour ne pas enterrer définitivement ce dossier qui n’a même pas encore révélé le moindre secret. Et Dieu seul sait si des secrets, il y en a.
Plus le temps passe, plus le mystère s’épaissit
Car, si sous Laurent Gbagbo, le dossier n’a pas connu d’évolution significative en raison de l’omerta qui régnait sur cette affaire au point de conforter à tort ou à raison les soupçons sur l’entourage du célèbre prisonnier de la Haye, la persistance du mystère, plus de cinq ans après la chute de ce dernier, a de quoi laisser songeur. Surtout que, dans le cas d’espèce, c’est son plus grand rival, Alassane Dramane Ouattara (ADO), qui lui a succédé au pouvoir. Est-ce alors à dire que l’on fait fausse route dans les investigations, ou que les enquêtes ne sont peut-être pas dirigées dans le bon sens ? En tout cas, le mutisme des autorités ivoiriennes actuelles sur la question ne pousse pas à l’optimisme quant à un aboutissement heureux du dossier. Toutes choses qui pourraient laisser penser que l’affaire a des ramifications complexes que l’on ignore et qu’elle est certainement gênante à plus d’un niveau. Car, il ne faudrait pas oublier que le journaliste enquêtait sur de présumées malversations financières dans la juteuse filière cacao dont la Côte d’Ivoire est reconnue comme le premier producteur mondial. Et Dieu seul sait les intérêts colossaux qui s’y jouent. Il n’est donc pas certain que si la vérité devait éclater dans cette affaire, elle n’éclabousserait pas au-delà de la galaxie Gbagbo sur qui pèsent tous les soupçons depuis le début. D’autant plus que l’on se souvient que bien des caciques de l’ancien régime, qui étaient au cœur du pouvoir de l’enfant de Mama, avaient tourné casaque au dernier moment pour rallier le camp du régime en place. Et si certains d’entre eux devaient se trouver mêlés peu ou prou à cette affaire, ceci pourrait bien expliquer cela et justifier l’attitude des autorités actuelles qui donnent le sentiment de se hâter lentement dans la conduite de ce dossier judiciaire. Tant et si bien que l’on ne peut s’empêcher de se demander si l’on connaîtra jamais un jour la vérité et toute la vérité sur cette affaire. A cette allure, rien n’est moins sûr. D’autant plus que, plus le temps passe, plus le mystère s’épaissit. Pourtant, pour l’histoire et pour la postérité, et surtout pour que la famille du disparu puisse dignement en faire le deuil, il faut éviter que cette affaire ne tombe dans l’oubli et surtout dans l’impunité. Car, c’est d’une vie humaine qu’il s’agit. Et la vie humaine est sacrée.
Outélé KEITA