Cameroun, Gabon, Congo… ceux qui luttent dans la rue pour la démocratie dénoncent le soutien de l’ancienne puissance coloniale à des régimes autocratiques.
Les mouvements citoyens qui poussent partout en Afrique ne sont pas seulement unis par leur volonté de défendre la démocratie. Dans les anciennes colonies françaises, ils sont aussi soudés par un rejet violent de la France et de sa politique d’influence qui contribue, selon eux, à garantir l’impunité de régimes autocratiques. C’est à Sciences Po, dans l’antre de la fabrication des élites, que plusieurs d’entre eux ont choisi d’interpeller les « futurs dirigeants de la France » pour leur demander de « couper ça ».
« Je ne suis pas venu vous parler de Paul Biya, cela ne m’intéresse pas de radoter sur la situation du Cameroun que tout le monde connaît. Je veux vous parler de vos responsabilités », a lancé le rappeur Valsero lors du colloque sur Les mobilisations citoyennes en Afrique, organisé dans l’amphithéâtre Caquot de la rue des Saints-Pères les 21 et 22 novembre. L’événement clôturait trois années d’un programme de recherche commun entre le département des études africaines de l’université Columbia à New York, l’université de Paris-I et le Centre de recherches internationales de Sciences Po.
« Implantée comme un virus »
« Il n’y a pas simplement un problème Paul Biya au Cameroun. Il y a un problème avec la France. S’il n’y avait pas la France, Biya ne serait plus président depuis des lustres », a poursuivi le chateur qui est aussi porte-parole du mouvement Croire au Cameroun. Paul Biya est au pouvoir depuis trente-quatre ans. « Nous avons le franc CFA, nous avons Bolloré qui contrôle les ports, le chemin de fer et maintenant les cinémas, nous avons l’ambassadeur de France qui a tellement de pouvoir, le PMU… tout cela est visible. La France s’est implantée comme un virus. Il est temps de jeter les bases de rapports sains, décolonisés. Vous serez de futurs dirigeants, vous devez réfléchir à cette responsabilité ».
Assis à côté de lui à la tribune, Mahamat Zene Cherif, coordonnateur du Collectif des jeunes Tchadiens, a tenu des propos semblables :
« Au Tchad, l’ensemble de la population aspire au changement. La seule difficulté que nous voyons pour changer [Idriss Déby arrivé au pouvoir grâce à Paris en 1990], c’est la France. Nous avons une base militaire française, nous voyons les avions Jaguar voler au-dessus de nos têtes mais la France garde un silence absolu sur la situation dans laquelle vit la population. Elle mise sur Déby au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais le jour où il va mourir, ce sera le chaos. »
Et que dire du Gabon, où la réélection contestée d’Ali Bongo Odimba fin août, nourrit une rancœur non dissimulée : « Nous sommes une génération qui veut tourner la page des années 1960. La France et les autres nations occidentales devraient changer de logiciel, explique Marc Ona Essingui, du mouvement Ça suffit comme ça ! Depuis cinquante ans, cette famille [Bongo] paupérise le pays, tue les intellectuels. La population a fait son travail lors des dernières élections. Elle s’est mobilisée pour défendre un Etat de droit. La communauté internationale doit agir en accord avec ses principes. Ce qui s’est passé au Gabon est dangereux pour le reste de l’Afrique centrale. Que peut-on exiger maintenant de Joseph Kabila [le mandat du président congolais s’achève officiellement le 19 décembre] ? »
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