«Démocratie, défis sécuritaires et progrès économique et social», c’est sous ce thème que le Burkina Faso va commémorer le 11-Décembre 2016 à Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord, le 56e anniversaire de son accession à l’indépendance. A travers ce thème d’actualité, les plus hautes autorités burkinabè entendent sensibiliser et conscientiser les populations sur les problèmes qui peuvent entraver les efforts de développement, de démocratie et l’impact des menaces sécuritaires sur l’évolution du pays.
5 août 1960-5 août 2016. Cela fait 56 ans que la Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso a accédé à l’indépendance. Pour la commémoration 2016 de cet anniversaire, les festivités du 11-Décembre prévues à Kaya sont placées sous le thème : «Démocratie, défis sécuritaires et progrès économique et social». Un thème d’actualité, dira-t-on, au regard des défis de démocratie, de sécurité, de progrès économique et social que le «pays des Hommes intègres» est appelé à relever. En effet, depuis le discours de la Baule invitant les pays africains à emprunter la voie de la démocratie, l’ancienne colonie française s’est lancée dans un processus démocratique en adoptant une nouvelle Constitution, le 2 juin 1991. Elle consacre le multipartisme et la liberté de presse et d’expression. Sur la base de cette loi fondamentale, modifiée à plusieurs reprises, des élections (présidentielles, législatives et municipales) ont été régulièrement organisées. La dernière tentative de modification de l’article 37 n’a pas été du goût d’une bonne partie des Burkinabè. Ceux-ci, ne voulant pas de l’instauration d’une monarchie, ont manifesté leur désapprobation vis-à-vis du projet à travers plusieurs marches de protestation organisées par l’opposition politique et des structures syndicales. Ainsi, ayant soif de la préservation de ses acquis démocratiques, le peuple burkinabè s’est mobilisé massivement les 30 et 31 octobre 2014 pour mettre fin à la volonté de Blaise Compaoré de modifier cet article. Pour ce faire, debout comme un seul homme dans les villes et campagnes, les Burkinabè sont venus à bout d’un régime vieux de 27 ans, en l’espace de deux jours de manifestations. Le message ici est clair : préserver les acquis démocratiques, même au prix du sacrifice suprême. Il a été enregistré lors de cette insurrection populaire une trentaine de martyrs (morts), plusieurs blessés et d’importants dégâts matériels.
Le peuple fait barrage à un coup d’Etat
Comme si ce message de préservation des acquis démocratiques n’a pas été suffisamment entendu par certains dignitaires de l’ancien régime, le 16 septembre 2015, soit moins d’une année après l’insurrection populaire et à quelques jours de l’ouverture officielle de la campagne des élections couplées, présidentielle et législatives devant mettre fin à la Transition, des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) menés par le général Gilbert Diendéré, tentent de prendre le pouvoir en séquestrant le président de la Transition, le Premier ministre et deux ministres. Là encore, c’est une tentative de remise en cause de la démocratie. Le ‘’peuple insurgé’’ qui n’a pas encore enterré ses morts (justice n’est encore rendue aux martyrs) se met debout une fois de plus, pour faire échec au coup d’Etat. Des mouvements de contestations des ‘’nouvelles autorités’’ du Conseil national de la démocratie (CND) sont organisés aussi bien à Ouagadougou qu’à l’intérieur du pays. A Ouagadougou, les putschistes répriment les manifestants. Des morts (une quinzaine), des blessés et des dégâts matériels sont encore enregistrés.
Le peuple burkinabè, jaloux de sa démocratie et soutenu par une armée loyaliste arrive à faire barrage au coup de force. Cette page du coup d’Etat manqué tournée, une nouvelle date des élections couplées est fixée au 29 novembre 2015. Le jour J, dans un scrutin salué par la communauté internationale, les Burkinabè se rendent aux urnes et élisent Roch Marc Christian Kaboré à la magistrature suprême pour un mandat de cinq ans. Les autres candidats malheureux reconnaissent les résultats et félicitent le nouveau président du Faso. Ainsi, le Burkina Faso, dit pays très pauvre, mais riche de ses hommes, a donné une leçon de démocratie au monde entier.
La sécurité et le développement économique et social, autres défis
Le 29 décembre 2015, le PF reçoit pour la première fois de l’histoire politique du Burkina, le flambeau, des mains d’un autre civil, Michel Kafando. L’autre concept contenu dans le thème du 11-Décembre 2016 concerne les défis sécuritaires. En effet, la célébration du 56e anniversaire de l’indépendance du Burkina Faso se tient dans un contexte où la sécurité dans la sous-région et particulièrement dans la zone sahélo-saharienne est sujette à des menaces diverses. Le Burkina Faso qui est situé dans cette zone n’est pas épargné par ces menaces terroristes et le grand banditisme. De la région du Sahel (Déou, Djibo, Koutougou, Intangom, Tin-Abao, Markoye, Kerboulé, etc.), en passant par l’Ouest (Samoroguan) et le Centre (Ouagadougou), des attaques terroristes et de grand banditisme ont été enregistrées. Celle du 15 janvier 2016 à Ouagadougou a été la première attaque terroriste d’une grande ampleur au Burkina Faso avec un bilan de 32 morts et 71 blessés. Avec tous ces actes d’insécurité, l’ex- Haute-Volta est alors dans le viseur des forces du mal. Toute chose qui a amené l’armée burkinabè à commémorer son 56e anniversaire sous le thème : «Défis sécuritaires et développement socio-économique : contribution des forces armées nationales». Au regard de la question transversale des menaces terroristes et du grand banditisme, les Burkinabè sont appelés à collaborer avec les forces de défense et de sécurité afin de venir à bout de ces phénomènes.
L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et le coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 ont porté un coup dur à l’économie burkinabè. C’est pourquoi, le dernier volet du thème du 11-Décembre 2016 a trait au progrès économique et social. En effet, il est clair que toute société aspire à un développement économique et social pour un mieux-être. Et pour une relance de l’économie burkinabè, les «nouvelles» autorités ont décidé d’élaborer et de mettre en œuvre le Plan national de développement économique et social (PNDES) d’un coût de près de 15 400 milliards de F CFA pour la période 2016-2020.
Ce plan qui vise une croissance économique forte, durable et inclusive pour les cinq années, est basé sur trois axes principaux. Il s’agit de la qualité de la gouvernance, de la transformation structurelle de l’économie et de la valorisation du capital humain. «Tous les problèmes structurels qui bloquent le développement socioéconomique du ‘’pays des Hommes intègres’’ ont été identifiés dans le PNDES et des solutions seront apportées», a confié le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, lors de la campagne de vulgarisation du nouveau référentiel de développement.
Il avait confié que ces problèmes structurels sont entre autres, les questions de routes, d’énergie, de santé, d’éducation, d’agriculture, d’élevage, d’employabilité, de formation professionnelle et technique.
A en croire le député Maxime L. Koné qui a animé la conférence inaugurale sur le thème du 11-Décembre, la corrélation entre sécurité et développement est prouvée par les faits. «La pauvreté, le chômage, notamment celui de la jeunesse font le lit de l’insécurité. En effet, une jeunesse désœuvrée est une proie facile à la portée des recruteurs de tout genre aux fins de constituer des bandes de braqueurs, de trafiquants de drogue, ou encore de combattants djihadistes», avait-t-il indiqué.
De l’avis de M. Koné, dans le sens contraire, un contexte d’insécurité plombe à plusieurs égards les chances de développement des Etats car des pans entiers de territoires échappent de fait au plein exercice de la compétence étatique. «Par conséquent, aucun développement économique et social ne peut être envisagé dans ces zones», a-t-il soutenu. Pour illustrer ses propos, il a cité l’exemple du Nord Mali.
Timothée SOME
L’intérêt de la célébration tournante du 11-Décembre
En 2008, les plus hautes autorités burkinabè ont décidé d’une commémoration tournante de la fête nationale dans les chefs-lieux de région afin d’impliquer davantage les populations à la base dans les activités commémoratives. La cité de Yendabli, capitale régionale de l’Est a abrité, en 2008, la 1re commémoration tournante. Il en sera ainsi pour Ouahigouya, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Dori et Dédougou qui ont vibré respectivement aux rythmes des festivités du 11-Décembre en 2009, 2010, 2012, 2013 et 2014.
L’un des motifs qui a prévalu à l’instauration de cette commémoration tournante est la réalisation d’infrastructures socioéconomiques au profit des populations des villes et régions hôtes. Ainsi, d’importants investissements ont été faits dans les villes qui abritent les festivités du 11-Décembre. De Ouahigouya en passant par Fada N’Gourma, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Dori, Dédougou et Kaya, la dernière ville hôte, l’Etat et ses partenaires ont réalisé plusieurs infrastructures socioéconomiques. Il s’agit, entre autres, de la réalisation par l’Etat, de voiries (routes bitumées et en terre), de la place de la Nation, de la salle polyvalente, du stade régional omnisport. A cela, s’ajoutent les réalisations des partenaires de l’Etat comme les sociétés d’Etat et les collectivités territoriales. Les fils et filles des régions hôtes investissent également en réalisant la cité des forces vives. A Kaya par exemple, plus de 624 parcelles ont été dégagées et attribuées à des promoteurs privés pour la réalisation de villas et de duplex. D’autres investissements privés d’accueil et de loisir sont réalisés à l’occasion de la fête nationale. Toutes ces réalisations dans un laps de temps offrent un nouveau visage aux villes hôtes.
C’est pourquoi, dans la ‘’Cité du cuir et des brochettes au coura-coura’’, il n’est pas rare d’entendre que la ville a changé de look. En effet, l’Etat et ses partenaires ont investi une trentaine de milliards de F CFA dans la réalisation de voiries et d’infrastructures socioéconomiques.
De l’avis du haut-commissaire de la province du Sanmatenga, Bruce Emmanuel W. Sawadogo, son ressort administratif en général et en particulier le chef-lieu, n’a jamais bénéficié de tels investissements depuis l’indépendance du Burkina Faso. C’est pourquoi, il a invité les populations à prendre soin des infrastructures réalisées à leur profit.