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Grogne social au Tchad :   Avis de tempête de sable sur N’Djamena
Publié le mercredi 23 novembre 2016  |  Le Pays




Hier, 22 novembre, l’opposition tchadienne regroupée au sein du Front de l’Opposition nouvelle pour l’alternance et le changement (FONAC) a appelé la population à observer une journée ville morte pour protester contre l’austérité et exiger du gouvernement l’ouverture sans délai de négociations avec les partenaires sociaux et les partis politiques, en vue de trouver une solution à la crise générale qui frappe le pays. Ce mot d’ordre intervient dans un contexte déjà marqué par de nombreux mouvements sociaux qui ont eu pour effet de paralyser de nombreux services publics : écoles toujours fermées alors que la rentrée scolaire était prévue pour la mi- septembre, service minimum dans les hôpitaux et tribunaux. Et demain ne semble pas être la veille d’une trêve sociale avec la marche annoncée pour la fin du mois, des femmes syndicalistes de l’Union des syndicats du Tchad, même si pour l’heure, les magistrats, après une grève sèche de deux semaines, ont décidé de desserrer l’étau pour donner au chef de l’Etat du temps pour examiner et donner une suite à leurs doléances.

Le miracle du désert tchadien est en train de se muer en un mirage

C’est dire donc que sur les dunes du désert tchadien, soufflent de violents alizés qui annoncent une forte tempête de sable sur N’Djamena. Tout se passe comme si le président Idriss Deby, depuis sa réélection controversée, s’était mis des braises sur la tête. Et pour montrer la gravité de la situation, il n’a pas osé faire le déplacement de Marrakech pour prendre part à la COP 22.
Mais cette situation sociopolitique au Tchad n’est pas le résultat d’un mauvais sort lancé par les djinns du désert. C’est plutôt le résultat de l’effet conjugué de circonstances qui sont, somme toute, rationnelles. D’abord, le pays subit de plein fouet la chute des prix du pétrole sur le marché mondial. Tout comme tous les autres pays qui avaient bâti leur essor économique sur la manne pétrolière, le Tchad est en butte aujourd’hui à l’effondrement de ses recettes d’exportations. Le miracle du désert tchadien, de ce fait, est en train de se muer en un mirage. Ensuite, le pays paie le prix de ses campagnes militaires tant au Nord malien qu’au Nigeria ou en République centrafricaine. Dire que la guerre coûte cher serait un truisme car la facture est d’autant plus salée pour le Trésor public tchadien que le régime en avait fait sa principale arme diplomatique sur le continent. C’est donc l’effet boomerang pour Deby qui, aux lendemains de son rêve hégémonique dans la bande sahélo- saharienne, se retrouve confronté au réveil d’une opinion interne qu’il avait mise sous sédatif par ses victoires militaires. A cela, il faut ajouter les coûts exorbitants de la sécurité interne, depuis que le pays, du fait de ses interventions externes, s’est installé dans l’œil du cyclone des mouvements terroristes, en l’occurrence de la secte islamiste Boko Haram. Mais en plus de ces raisons invoquées, il faut préciser que le pays paie pour sa mauvaise gouvernance politique et économique. « Gouverner, dit-on, c’est prévoir », mais cette maxime semble avoir été le cadet des soucis de
Deby qui s’est beaucoup plus préoccupé de l’achat de consciences de ses opposants et détracteurs que d’investir pour l’avenir dans des initiatives alternatives au pétrole. Ce faisant, il marque bien son appartenance au gotha des dirigeants africains qui, dans l’insouciance et l’inconscience, se sont laissés endormir par les immenses potentialités en matières premières de leur pays. Même si l’on ne peut pas charger Deby de tous les péchés du Tchad dans cette crise socio- économique qui menace d’étrangler le pays, on ne peut non plus le plaindre, tant sa responsabilité est grande après près de trois décennies de gestion du pouvoir d’Etat.
On est d’ailleurs tenté de dire qu’il en prend bien pour sa gueule. D’abord, parce qu’il paie le prix de sa longévité au pouvoir. Si en effet, il avait renoncé à ce dernier mandat, il aurait refilé cette patate chaude à son successeur et peut-être les Tchadiens se seraient-ils déjà mis à le regretter. Mais au lieu de cela, il a opté pour le mythe de l’indispensabilité. C’est pourquoi les Tchadiens attendent à présent de lui qu’il s’assume. L’opinion publique tchadienne garde encore bien en tête sa célèbre phrase du 11 août 2015, à l’occasion du 55e anniversaire de l’indépendance de son pays : «...Si j’avais la possibilité de m’assurer que le pays marchera après moi, je quitterais aujourd’hui même le pouvoir (…) Quitter pour quitter et laisser le Tchad dans le désordre, je ne le ferai pas. ». Mais le warrior du désert qui a réussi le pari de se tirer de bien des situations difficiles peut-il encore se tirer d’affaire, surtout qu’à force de taper sur les doigts de ses opposants, plus personne ne semble disposé à venir s’asseoir à sa place qui plus est, est dégarnie ?

Les Tchadiens doivent se mettre sous la même tente et redéfinir un nouveau contrat social

Il faut, en effet, craindre que la grogne n’aille crescendo. Si l’opposition politique interne reste ankylosée du fait de la répression qui n’a cessé de l’endolorir, lui ôtant tout véritable moyen d’action, il est à craindre que le marasme actuel du pays ne soit interprété par les nombreux groupes armés en exil dans les pays voisins, comme un signe d’affaiblissement du régime et qu’on note, de ce fait, de leur part, un regain d’activité. Toutefois, Deby peut toujours compter sur ses soutiens occidentaux aux yeux desquels il constitue un allié incontournable dans la lutte contre le terrorisme en Afrique subsaharienne.
Toutefois, les Tchadiens devraient bien se garder de trop se réjouir des déboires de leur président et de trop tirer sur la corde. Car, ils seront, en effet, les premiers à trinquer de la déliquescence de l’Etat, contrairement au satrape qui, quant à lui, même s’il reste un seul sou dans la tirelire, peut s’en emparer. On comprend bien que la grève est parfois la seule arme qui reste dans les mains des populations face à des gouvernements irresponsables. Mais à force de trop tirer sur la corde, elle peut se briser. Et qui plus que le peuple tchadien a souffert le martyre durant les longues et sombres années de la guerre civile ou des disettes ? C’est dire donc qu’il est impérieux que l’Etat puisse continuer d’être et s’acquitter de ses tâches régaliennes et pour ce faire, les Tchadiens doivent se mettre sous la même tente et redéfinir un nouveau contrat social. Et là, la partition que doit jouer Deby est des plus importantes car, dit-on, « quand la tête du troupeau n’est pas droite, le reste du peloton ne peut marcher en ligne droite ».

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