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15e Assemblée de la CPI: Une introspection s’impose
Publié le jeudi 17 novembre 2016  |  Le Pays
La
© AFP par ROBIN VAN LONKHUIJSEN
La Cour Pénale Internationale (CPI)




Hier, mercredi 16 novembre, a eu lieu à la Haye l’ouverture de la 15e Assemblée des Etats parties au statut de Rome. Il faut rappeler que celui-ci, une fois ratifié et signé, place un Etat sous la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI), opérationnelle depuis 2003. En temps normal, cette Assemblée se serait passée, peut-on dire, dans l’anonymat puisque d’habitude, elle donne l’occasion de faire le bilan annuel des activités de la CPI, d’avaliser son budget et d’évoquer les perspectives. Mais cette fois-ci, le contexte risque de déteindre négativement sur la sérénité des débats. En effet, la bande des 3, c’est-à-dire la Gambie, le Burundi et l’Afrique du Sud, dont les dirigeants ont annoncé leur intention de se retirer du statut de Rome, à la grande indignation des démocrates d’Afrique, pourrait profiter de cette tribune, à coups d’apartés mesquins, pour débaucher d’autres membres africains à l’effet d’élargir leur cercle.
Et comme pour ne rien arranger, la Russie de Vladimir Poutine a décidé de leur emboîter le pas en estimant que la CPI n’est pas juste et équitable dans ses décisions.
Les arguments qu’ils ne manqueront pas de brandir pour rallier à leur cause, certains Etats qui sont encore parties au statut de Rome, peuvent facilement être imaginés. Toute honte bue, ils qualifieront à l’unisson la CPI d’institution néocoloniale et de justice de Toubab pour humilier les Africains. Et les esprits faibles pourraient se laisser séduire par de telles arguties.

Tout espoir n’est pas perdu

En effet, sur dix enquêtes de la CPI ayant débouché sur des inculpations, neuf concernaient des crimes commis en Afrique. Cette statistique sert de fondement à leur argumentaire tendant à se faire passer pour les défenseurs de la dignité et de l’honneur de l’Afrique. Cette logique, de toute évidence, relève de l’imposture et de la mauvaise foi. Et sur ce point, les anti-CPI sont en parfaite harmonie avec la ligne officielle affichée par l’Union africaine (UA). L’on se souvient, en effet, que la panafricaine des têtes couronnées avait appelé récemment, lors d’un de ses sommets, à un retrait en masse des 34 pays africains membres de la Cour. Cette attitude du syndicat des chefs d’Etat africains n’avait pas surpris outre mesure. Car, le divorce entre l’UA et les peuples africains a été consommé, il y a longtemps. Mais tout espoir n’est pas perdu, puisqu’en dépit de cet appel, les populations peuvent se réjouir du fait que certains présidents, en raison de leur hauteur de vue, ont refusé, de manière ferme, d’associer le nom de leur pays à ce complot ourdi par une poignée de présidents indélicats contre la CPI. Et c’est ce refus éclairé de se joindre à ce mouvement grégaire qui a contribué à sauver pour le moment la CPI. Les Africains épris de paix, de justice et de démocratie, doivent rendre hommage à tous les présidents qui ont travaillé à faire capoter l’idée d’un retrait en masse des 34 Etats parties au statut de Rome. En effet, la vraie question que les détracteurs de la CPI devraient se poser, est de savoir si oui ou non les inculpations dont ont déjà fait l’objet les Africains par le tribunal de La Haye, sont fondées. A cette bonne question et pour peu que l’on soit habité par une conscience, on ne peut que répondre par un oui franc et fort. Ce qui donne plus de vigueur à cette réponse, c’est que toutes les enquêtes ou presque, ont été ouvertes par la CPI à la demande des pays africains concernés. Les cas du Congolais Jean-Pierre Bemba et des Ivoiriens Blé Goudé et son mentor, le Christ de Mama, Laurent Gbagbo, peuvent être cités à titre d’illustration.

Les peuples d’Afrique ne doivent pas se tromper de combat

Il n’est pas superflu de rappeler aussi que ce n’est pas avec le pistolet sur la tempe que les 34 pays africains avaient adhéré au statut de Rome. Et quand tout un Etat pose un tel acte en toute conscience, il doit avoir le courage de l’assumer pleinement. C’est ce message que tous les gens de bien doivent adresser à tous ceux qui font des pieds et des mains aujourd’hui pour soustraire leurs pays respectifs de la CPI, au prétexte que celle-ci est un instrument au service des Blancs pour rouler dans la boue l’Afrique. Un contre-discours par conséquent s’impose. Et l’idéal serait qu’il soit porté par les organisations de la société civile africaine. L’erreur serait de croire au projet de l’institution d’une Cour pénale de l’UA. En effet, si un tel projet venait à voir le jour, la probabilité est forte que cela ne vienne conforter l’impunité dont jouissent déjà les princes qui nous gouvernent. Car, il faut le dire, le principe de l’indépendance de la Justice reste encore un mythe dans bien des pays africains. Dans ces conditions, les peuples d’Afrique ont tout à craindre de la mise en place d’une Cour pénale de l’UA. D’ailleurs, l’on peut se poser la question de savoir qui va financer une telle institution. Ce n’est certainement pas les Etats africains ; eux dont la majorité est atteinte par le virus qui consiste à toujours tendre la sébile aux autres pour faire fonctionner leurs propres institutions. L’exemple le plus parlant à ce sujet est l’UA elle-même. Un autre exemple qui peut être également évoqué est le cas des Chambres spéciales africaines, du nom de cette juridiction qui s’était occupée de l’affaire Hissène Habré. N’eût été la générosité de la communauté internationale, le despote tchadien n’aurait jamais été jugé. Et avec tout cela, il se trouve encore des gens sous nos tropiques, qui ont encore l’indécence de tirer à boulets rouges sur la CPI. En tout état de cause, les peuples d’Afrique ne doivent pas se tromper de combat, en souscrivant aux arguments développés par les satrapes pour saborder la CPI. La vérité est que cette institution les empêche de donner libre cours à leur instinct de tueurs. Mais, en même temps qu’il faut s’attaquer aux fossoyeurs de la CPI sous nos tropiques, il faut aussi avoir le courage de signifier au tribunal de La Haye qu’il doit profiter de cette 15e Assemblée pour faire son introspection, de manière à se positionner comme un instrument véritablement au service de la justice internationale. Car, comparaison n’est pas raison certes, mais quand l’on observe certains agissements des grands de ce monde, dans des pays comme l’Afghanistan, l’Irak ou la Syrie, l’on peut être choqué de savoir que les dirigeants qui sont derrière ces actes, ne sont pas inquiétés par la CPI. L’on pourra rétorquer que cela est dû au fait que ces pays ne sont pas signataires du traité de Rome. C’est justement à ce niveau que doit se poser la réflexion de manière à ce qu’aucun pays ne s’abrite derrière sa puissance économique et militaire et la force de son statut à l’ONU, pour commettre en toute impunité des actes dont certains pourraient être constitutifs de crimes contre l’humanité ou encore de crimes de guerre. C’est la prise en charge de tous ces crimes par la CPI, entre autres, qui peut contribuer à ôter tout argument aux satrapes d’Afrique qui veulent obstinément pourfendre l’institution de La Haye.

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Le Pays N° 5171 du 8/8/2012

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