Soixante-douze heures après, on n’en finit pas de s’égosiller et de s’étonner de la victoire surprise de Donald Trump, qui a coiffé sa rivale démocrate, Hillary Clinton, au poteau, alors que tous les sondages donnaient cette dernière gagnante de la présidentielle américaine. En fait, il y a comme une sorte d’injustice dans cette affaire, car si grâce aux suffrages indirects le candidat républicain s’est adjugé une majorité confortable des grands électeurs (290 contre 228), du fait notamment du système des «Winner take all» (1), en vigueur dans plusieurs Etats, dans les faits, si on ne s’en tient qu’aux suffrages exprimés, Clinton l’emporte en réalité avec 200 000 voix de plus. C'est la quatrième fois que cela arrive dans l'histoire du pays.
Et chaque fois, le bénéficiaire est un républicain. Pourquoi ? A cause de ce fameux système des grands électeurs. Mais puisque les règles du jeu étaient connues d’avance et acceptées de tous, Hilary n’a que ses yeux pour pleurer, même si elle ne peut que s’en prendre à elle-même ; car elle représente tout ce que les Américains moyens abhorrent.
Place donc à la transition, en marche dès hier matin, et cela dans la plus pure tradition américaine, puisque le nouvel élu a tout de suite été reçu par le président sortant, Barack Obama. Et même si les deux hommes ne vont probablement pas passer les vacances ensemble, il faut bien que le témoin soit passé sans encombre. La nouvelle administration américaine a deux mois pour prendre ses repères et connaître des dossiers brûlants, voire secrets avant l’Inauguration Day le 20 janvier prochain. Donald Trump fera donc, le temps de cette transition, les rodages nécessaires pour entrer au fur et à mesure dans ses fonctions. Et cette phase est d’autant plus cruciale actuellement que le nouvel occupant du bureau ovale est réputé imprévisible, incontournable et ignorant des grands enjeux géopolitiques et géostratégiques internationaux. C’est dire que l’ancien animateur de téléréalité a besoin d’être coaché.
Au-delà des incantations qu’on entend depuis sur le continent africain, des peurs légitimes ou fantasmées, ou des espoirs de certains chefs d’Etat que demain sera meilleur avec Trump, tout le monde gagnerait à s’inspirer des leçons répétées de démocratie qu’offre chaque fois cet interrègne. Et ceux de nos dirigeants qui pensent que leur sort sera mieux parce qu’Obama aura été dur avec eux se fourrent le doigt dans l’œil. Pourquoi Trump serait-il d’ailleurs plus gentil et ferait-il plus copain avec Kabila ou Nkurunziza que ne l’a été notre frère Obama ? Démocrate ou Républicain, c’est avant tout une question de valeurs et de principes américains, voire universels. Et plutôt que de s’accrocher désespérément à leur fauteuil, les tripatouilleurs de Constitution feraient mieux de passer le témoin à un successeur élu, qu’il soit de leur propre parti ou leur ennemi juré.
Mohamed Arnaud Ouédraogo