Chaque deux ans, le groupe de la Banque mondiale répertorie de multiples obstacles juridiques empêchant les femmes d’améliorer leur situation économique dans un rapport intitulé : Les Femmes, l’Entreprise et le Droit. Le rapport 2016, publié en septembre 2015, sera discuté à Ouagadougou au cours d’un atelier régional les 10 et 11 novembre 2016. A cette occasion, Mme Tazeen Hasan, spécialiste du développement du secteur privé au département en charge de l’élaboration de ce rapport a dévoilé les grandes conclusions du document au cours d’un entretien accordé à la presse, le lundi 7 novembre 2016 à Ouagadougou
Sidwaya (S.) : Le 4e rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit, vient d’être publié par le groupe de la Banque mondiale. Quelles en sont les grandes articulations ?
Tazeen Hasan (T.H) : Depuis 2009, ce rapport constitue un projet pionnier qui recueille les obstacles juridiques à l’entreprenariat féminin et qui mesure les écarts entre les hommes et les femmes en matière d’intégration économique. L’objectif est d’éclairer le dialogue et de promouvoir les recherches sur les lois et les perspectives économiques des femmes.
S. : Quelles différences peut-on relever entre le rapport 2016 et les trois précédents ?
T.H : Ce dernier rapport présente des données sur un nombre plus élevé de pays (173) alors que nous avions à peu près 140 pays pour les rapports antérieurs. C’est une première différence. De nouveaux domaines sont aussi couverts par les indicateurs. Nous avons par exemple la législation sur des questions telles que les congés pour s’occuper d’un parent malade, l’âge légal du mariage et les ordonnances de protection pour les victimes de violences domestiques.
S. : Quels sont les critères que les données recueillies dans le 4e rapport ont pris en compte ?
T.H. : Les données portent sur 7 indicateurs. Il s’agit de l’accès aux institutions, la jouissance de la propriété, l’obtention d’un emploi, l’incitation au travail, les actions en justice, l’accès au crédit et la protection des femmes contre les violences à l’égard des femmes. L’égalité des chances permet aux femmes d’opérer les choix les plus judicieux pour elles-mêmes, pour la famille et pour la communauté. L’égalité des chances n’existe pas lorsque subsistent les nombreuses différences de traitement juridique entre les hommes et les femmes. De telles restrictions empêchent les femmes de prendre des décisions économiques à bien des égards et peuvent avoir des conséquences d’une portée considérable.
S. : Entre le 3e rapport et le dernier, est-ce-que les conditions économiques des femmes se sont améliorées ?
T.H. : Globalement, il y a eu 94 réformes adoptées, visant à améliorer les conditions économiques des femmes dans 65 économies étudiées. La plupart de ces réformes ont été introduites dans les économies en développement. Sur le total, 19 réformes ont été adoptées en Europe et en Asie centrale. 18 en Afrique subsaharienne, 16 dans la région Amérique latine et Caraïbes, 12 dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, 11 dans la région Asie de l’Est et Pacifique. L’Asie du Sud a le moins réformé avec seulement 3 réformes.
Cependant, globalement, 90% des économies étudiées avaient au moins une loi qui entravait la capacité des femmes à poursuivre des opportunités économiques selon l’édition précédente du rapport. Cela reste le cas aujourd’hui. Ce n’est pas une amélioration parce que nous avons les mêmes pourcentages d’un rapport à l’autre.
S. : Sur 173 économies étudiées, 90 ont au moins une loi qui entrave la capacité des femmes à poursuivre des opportunités économiques. Comment appréciez-vous cette situation ?
T.H. : On ne peut pas dire qu’on est satisfait même s’il y a des progrès car l’inégalité entre hommes et femmes dans le domaine économique a un coût.
S. : La situation des réformes en faveur de l’entreprenariat féminin est-elle plus acceptable en Afrique ?
T.H. : Historiquement, il y avait aussi des contraintes dans des pays européens comme l’Espagne et en Suisse où les lois obligeaient les femmes à obtenir l’autorisation de leurs maris pour travailler en dehors de leur foyer. Le problème n’est donc pas limité au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne. Il y a 18 économies où il n’existe aucune différence de traitement juridique entre hommes et femmes dans les domaines étudiés : Arménie, Canada, République Dominicaine, Estonie, Hongrie, Kossovo, Malte, Mexique, Namibie, Pays-Bas, Nouvelle Zélande….les cas de l’Afrique du Sud, de la Namibie et du Pérou sont surprenant car ils montrent que le cadre juridique ne dépende pas du développement économique.
S. : Le thème du rapport 2016 est « parvenir à l’égalité ». Qu’est ce qui justifierait ce choix ?
T.H. : Parce que cette année est une année exceptionnelle avec le lancement des Objectifs du développement durable (ODD) et le vingtième anniversaire de la plateforme de Beijing.
S. : Au-delà de la production du rapport, qu’est-ce que le groupe de la Banque mondiale fait pour encourager les pays à réformer pour permettre aux femmes d’entreprendre ?
Les recherches menées par le groupe de la Banque mondiale nous permettent de constituer les bases de données. Ces données sont utilisées par les gouvernements, les pays pour définir leurs priorités en la matière. D’autres projets du groupe de la Banque mondiale sur le genre soutiennent les pays.
S. : Un atelier est prévu à Ouagadougou sur le rapport 2016. « Les femmes, l’entreprise et le droit ». Quelles sont les attentes du groupe de la Banque mondiale au terme des travaux ?
C’est une opportunité pour tous les partenaires régionaux de discuter des progrès réaliser et des difficultés rencontrées. L’un des objectifs est d’avoir un dialogue continu sur les points-clés du rapport.
Propos recueillis par Mahamadi TIEGNA