De simple marchand ambulant, Boureima Tapsoba est devenu aujourd'hui un grand homme d’affaires aux multiples casquettes : consultant, analyste, lobbyiste international et expert du développement personnel. Représentant Afrique de « New star republic Inc. », un réseau de bailleurs de fonds basé aux Etats-Unis et qui « intervient dans le Plan national de développement économique et social (PNDES) à hauteur de 1 000 milliards de francs CFA », il se prononce ici sur les chances de réussite du nouveau référentiel de développement du Burkina. A quelques semaines de la rencontre de Paris avec les partenaires, il propose quelques suggestions pour mieux faire vendre le PNDES aux bailleurs de fonds.
Quand on parcourt un peu votre CV, on constate que vous êtes passé de simple marchand ambulant à un homme d’affaires ; comment s’est passé cette ascension fulgurante ?
En 1986, après l’obtention mon Certificat d’études primaires, j’ai quitté le village (Toécé) pour Ouagadougou. Le but était d’y poursuivre mes études. Mais les moyens étaient limités et mes parents m’ont inscrit dans une école privée. Là, j’ai fréquenté une année le Collège d’enseignement technique C.E.T. mais malheureusement, ça n’a pas marché. Après cela, c’était le sauve-qui-peut. Et c'est ainsi que je me suis retrouvé marchand ambulant.
Que vendiez-vous exactement ?
Au départ, je vendais des porte-clés, des albums-photos, ensuite des cassettes. Par la suite, le patron de la boutique de cassettes a eu confiance en moi et m’a donc confié la gestion de ses affaires.
De vendeur de cassettes à homme d’affaires accompli, il y a certainement eu un déclic à un moment donné.
Dans mon cas, c’est la volonté. Partout où je vais, j’arrive toujours à me faire remarquer par mon sens du travail bien fait. C’est ce qui a fait la différence avec les autres jeunes de la boutique dont je vous ai parlé.
Dans quel domaine évoluez-vous exactement aujourd’hui ?
Comme je l'ai dit, le parcours est un peu long. En 1998, je suis allé aux Etats-Unis. Là, j’ai eu le sens des affaires, j’ai travaillé comme tous les migrants africains qui arrivaient là-bas. J’ai eu des opportunités qui m’ont amené à y rester. J’ai su m’intégrer, je me suis formé auprès de certaines firmes à New York comme au Texas. Ma spécialité, c’est la finance surtout dans le cadre du partenariat public-privé (PPP). C’est un domaine très important pour le développement des pays africains.
En tant que représentant de « New Star Republic Inc. », ce réseau de bailleurs de fonds et d’investisseurs basés aux Etats-Unis, vous suivez certainement le débat sur le Plan national de développement économique et social (PNDES) : 15 000 milliards FCFA, 50 000 emplois par an, réduction de la pauvreté de 50%, taux de croissance économique de 8,7%. Est-ce réaliste ?
Je dirais oui. Mais permettez-moi d’abord de présenter ce que nous faisons à « New Star Republic Inc. » pour mieux vous donner une idée de ce que nous avons pour le Burkina.
Comme vous l’avez dit, nous sommes basés aux Etats-Unis, dans un réseau de bailleurs de fonds, d’institutions financières, d’investisseurs, d’hommes d’affaires, de consultants et d’experts. Nous sommes un groupe international de facilitation d’affaires, une firme d’ingénierie d’expertise financière, de recherches de financements et de partenaires techniques pour le secteur privé et les Etats. C’est ce qui nous a conduits depuis 2007 à prospecter le Burkina afin de mieux « vendre » les projets du pays aux bailleurs de fonds à travers les Etats-Unis et le monde.
Je reviens sur ma question : le PNDES est-il réaliste ?
Oui, ça l’est pour ceux qui ont des ambitions. Quand on est ambitieux, rien n’est impossible. Seulement, il faut mettre des stratégies pour atteindre les objectifs de ce plan. Pour cela, il faut un double attelage : d’un côté, le gouvernement qui doit mobiliser les financements bilatéraux et multilatéraux et de l’autre, le secteur privé du Burkina qui doit contribuer à hauteur de 4 000 milliards FCFA comme c’est prévu dans le PNDES.
Dans le cadre du financement du PNDES, une délégation burkinabè va se rendre à Paris pour une table ronde avec les partenaires. Avez-vous des pistes de négociation à suggérer ?
Je vais prendre un exemple de pratique aux USA. Là-bas, il y a une institution financière appelée Exim-Bank. Elle fait la promotion des produits et des services des Américains à l’étranger. Si le secteur privé burkinabè lui présente des projets crédibles, il peut obtenir 3 à 150 milliards CFA de financement par projet.
Il y a aussi le cas de l’OPIC qui accompagne les sociétés américaines et les Américains jusqu’à hauteur de 70% du coût du projet. A condition qu’elle soit assurée de la bonne gestion du projet par les promoteurs. Dans le cas contraire, c’est la société américaine ou l’Américain participant qui prend la direction du projet jusqu’à la fin du remboursement du crédit.
J’ai cité ces deux cas pour montrer qu’en matière de mobilisation de fonds, ces organismes privilégient le secteur privé. Pour cela, il faudra que le privé burkinabè sorte du carcan de l’établissement individuel, SARL ou SA. Il faut qu’il tende vers la constitution de consortiums pour mieux présenter des projets structurants à même de relancer l’économie et créer des emplois.
On sait que dans le cadre de la mise en œuvre du PNDES, il y a une part qui est prévue pour le secteur privé ; est-ce-que « New star Republic INC. » pourrait accompagner la mise en œuvre de ce plan ?
Bien sûr. A « New star Repubic INC. », nous avons des propositions intéressantes pour le secteur privé et que nous voulons soumettre au gouvernement. Je me garde pour le moment de les citer. Mais sachez qu’en termes de projet, ce que nous avons prévu pour le Burkina s'élève à 1 000 milliards de francs CFA.
Mais est-ce-que vous avez déjà mis quelque chose en place concernant le PNDES ?
Depuis janvier 2016, nous avons écrit aux premiers responsables du pays, notamment au chef de l’Etat, au président de l’Assemblée nationale, au Premier ministre, au ministre des Finances et aux ministères techniques. Nous leur avons fait savoir que nous sommes prêts à accompagner le Burkina Faso dans ce plan de développement.
Malheureusement, à cause du manque de volonté politique de certaines institutions, nous n’avons reçu jusque-là qu’une seule réponse. C’est celle du département des Finances.
Nous avons aussi approché d'autres structures sur des stratégies de mobilisation de fonds pour le Burkina. Là aussi, une seule d’entre elles, nous a répondu pour dire qu’au moment opportun elle verra comment cela va se faire.
Pensez-vous, comme certains, que lors de cette table ronde, la situation sécuritaire du pays pourrait être un handicap au financement du PNDES ?
Je ne vois pas les choses de cette façon. Je crois surtout que c’est dans les moments difficiles que les meilleurs amis doivent se manifester…
Mais vous êtes bien placé pour savoir que les financiers ne font pas dans les sentiments.
Oui, je suis de ce monde-là, et c’est pour ça que je le dis. L’insécurité, ce n’est pas un fléau propre au Burkina. C’est un problème mondial. Dans ce contexte, il faut savoir comment, malgré tout, parvenir à mieux vendre le Burkina et diversifier les sources de financement. Il ne faut surtout pas se contenter d’explorer au niveau des relations bilatérales, mais prendre en compte les opportunités au niveau des PPP.
Dans le PNDES, il y a eu au moins 69 projets qui ont été identifiés. Il faut y accorder une place de choix aux privés regroupés en consortiums et leur permettre de participer à la rencontre de Paris. A charge pour le gouvernement de se porter garant des propositions qu’ils feront aux partenaires. Cette conférence ne doit pas être une de plus, où des gens vont juste aller toucher des frais de mission, enrichir leurs carnets d'adresses et revenir vaquer à leurs activités quotidiennes qui n’auront rien à voir avec le PNDES.
Mais est-ce-que vous estimez que le privé n'est pas assez pris en compte dans la mise en œuvre du PNDES?
Oui, la faute est imputable au secteur privé. Quand vous prenez des grands pays comme les USA ou la France, il y a des firmes comme General Motors, Airbus ou Boeing, Air France, etc. qui symbolisent l’économie nationale. Mais chez nous, rien de tout cela. Nous pensons donc qu'il nous faut un autre type de secteur privé à même de porter de grands projets et programmes d’envergure nationale et capables de lever les fonds pour la réalisation des grands projets de développement afin de créer de la richesse pour la construction des infrastructures sociales comme des écoles, des hôpitaux, des infrastructures routières… Dans les ministères, il y a beaucoup de projets qui n'attendent que ça. Alors, nous devons prendre nos responsabilités.
Il nous faut donc réinventer un autre secteur privé et quitter définitivement le carcan de l'égoïsme et de l'individualisme. Et cela est réalisable. Par exemple, la Chambre de commerce doit tendre à inciter les opérateurs économiques vers cette voie. De nos jours, c’est l’une des principales conditions pour être compétitif. Nous sommes un pays enclavé, entouré par d'autres nations. Mais nous sommes bien placés pour être un pays de services. Pourquoi ne travaillerions-nous pas à ce que l'on retrouve chez nous les professionnels de tout domaine ; qu'il y ait de bons hôtels ou de bons hôpitaux de référence sous-régionale ? Et pour y arriver, il faut passer par le privé et avec l'accompagnement de l'Etat.
Entretien réalisé par
Zalissa Soré