Secrétaire général de la Fédération burkinabè de football (FBF) présidée par le colonel Sita Sangaré (candidat à sa propre succession), Bertrand Kaboré, on se rappelle, est la personnalité qui a présenté sa démission le 15 septembre dernier. Quelques jours après, il annonce officiellement sa candidature à la présidence de la FBF. Footballeur qui n’a pas fait une grande carrière et entraîneur, Bertrand Kaboré n’est tout de même pas un inconnu dans le milieu du sport roi burkinabè, pour avoir été membre de la FBF, président de la ligue du Centre et récemment secrétaire général de la FBF. Alors qu’il est en pleine campagne, Bertrand Kaboré, entre deux expéditions en province, a accepté de s’entretenir avec nous.
« Le Pays » : Quelles sont les raisons qui ont motivé votre candidature à la tête de la FBF ?
Bertrand Kaboré : L’une des raisons fondamentales, c’est que nous avons constaté que le football burkinabè accuse un retard, en termes de développement. Lorsque vous regardez autour de nous, il y a des pays comme le Mali, la Côte d’Ivoire et le Ghana qui ont réussi à atteindre un niveau de développement qui fait que leurs équipes de petites catégories et leur équipe nationale A, ont un niveau élevé et constant. Au Burkina, c’est vrai que nous avons souvent une embellie au niveau de notre football, mais on enregistre beaucoup plus de déceptions. Donc, nous pensons que nous pouvons réussir à combler ce retard, grâce à une révolution dans le domaine du football. C’est cette révolution que je propose aux acteurs du football.
Qu’est-ce que vous comptez apporter de nouveau au football burkinabè, pour qu’il compte parmi les meilleurs de la sous-région comme vous le dites ?
Si nous sommes élu, nous allons d’abord revoir la question de l’organisation des compétitions au niveau national. On parle de championnat national au Burkina, mais j’estime que ce n’est pas d’abord le cas. Et cela, parce que le championnat se limite pratiquement à deux villes que sont Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Pourtant, dans certains pays, lorsqu’on parle de championnat national, il y a une bonne partie du territoire national qui est concernée. Ici, sur les 13 régions, on peut considérer que le championnat se déroule essentiellement dans 3 régions. Donc, nous entendons procéder à des réformes qui seront proposées aux acteurs du football, et ce sera suite aux états généraux du football que nous comptons organiser. Ces réformes permettront aux régions et aux provinces de participer au championnat de 1re division. Il est essentiel que nous puissions reposer le socle de notre football sur la Nation entière. Lorsqu’il n’y a qu’une partie des acteurs qui est concernée et que l’autre est reléguée au rang de spectatrice, cela ne nous fait pas honneur et ne peut pas nous permettre d’assurer un développement durable. Nous ferons donc cette révolution qui consistera à démocratiser et à décentraliser le championnat, pour qu’il soit véritablement national. Cela demande des réflexions approfondies pour voir d’abord quel type de championnat correspond à notre économie et aux aspirations de notre peuple.
Ils sont nombreux aujourd’hui, ceux qui suggèrent qu’il y ait une relève dans le football. A votre niveau, qu’entendez-vous faire de mieux ?
J’avoue que personnellement, je suis bien outillé pour régler ce problème de relève car, lorsque j’ai commencé à être entraîneur, j’avais sous mon aile, de jeunes enfants de 12 à 14 ans. Je sais bien comment nous avions pu, en son temps, développer des pôles pour permettre au football des jeunes de pouvoir monter au niveau des quartiers populaires. Aujourd’hui, nous avons l’OSEP (Organisation du sport à l’école primaire), l’USSU-BF (Union des sports scolaires et universitaires). Mais, en plus de cela, il va falloir organiser des championnats de petites catégories inter-clubs et qui soient de vrais championnats. Il ne s’agit pas de ces espèces de « un coup K.-O » qu’on réalise juste pour dire qu’on a organisé un championnat. Nous entendons donner de la visibilité aux petites catégories. Lorsqu’il y a une rencontre entre deux équipes de 1re division d’une même localité, on peut faire jouer leurs catégories cadettes ou juniors en levée de rideau, pour permettre au public de découvrir les jeunes talents et les encourager. Ainsi, il ne sera pas étonnant de retrouver un jour ces enfants dans le gotha du football burkinabè. Malheureusement, aujourd’hui, le championnat des petites catégories est tellement banalisé qu’on se demande vraiment ce qui fait défaut. C’est pourquoi nous voulons y mettre plus de moyens pour une visibilité de cette compétition.
Certains observateurs disent que c’est parce que vous avez un compte à régler avec le président sortant, que vous vous êtes séparé de lui pour finalement vous porter candidat. Quels commentaires faites-vous de ces affirmations ?
D’abord, Sita Sangaré et moi, nous ne sommes pas mariés. Nous nous sommes rencontrés dans le domaine du football et avons essayé de construire quelque chose ensemble. Mais, je trouve aujourd’hui qu’entre nous, il y a une divergence profonde dans la vision du développement du football. Il y a une divergence de vision et personnellement, je pense que j’ai une expérience et un savoir-faire que je peux proposer aux acteurs du football. Comme je l’ai dit, il ne s’agit pas de problèmes personnels entre Sita Sangaré et moi mais, c’est ma manière de voir les choses qui ne correspond pas à la sienne. Lorsque c’est ainsi, il vaut mieux se quitter pendant qu’il est encore temps. Chacun, de son côté, peut alors proposer ce qu’il veut faire. Ce n’est pas une question de vengeance ou de revanche. Mais, je crois que j’ai simplement quelque chose à proposer aux acteurs du football.
En quoi les acteurs du football peuvent-ils penser que vous êtes l’homme de la situation ?
Je crois qu’ils le savent. Déjà, lorsque nous avons fait notre tournée avant de prendre la décision de nous porter candidat, les uns et les autres ont pu nous dire combien ils étaient assez contents de ma manière de les recevoir à la fédération, quand j’en étais le secrétaire général. J’étais un homme disponible et je resterai disponible pour le football. Si je deviens président, je m’attèlerai à décentraliser le football. Car, je le dis, il y a une forte concentration de cette gestion que je ne partage pas. Nous développerons également les infrastructures au niveau des localités du Burkina, pour permettre aux acteurs du football de ne plus avoir de problèmes à ce niveau. Lorsque nous parlons d’infrastructures, il ne s’agit pas forcément de construire de grands stades. C’est vrai, la fédération ne peut pas dégager ces moyens, mais il s’agit de s’assurer que chaque province peut disposer d’un terrain bien tracé, bien nivelé avec une clôture pour assurer la sécurité des acteurs, afin qu’on ne soit pas obligé de délocaliser des matchs comme ceux de la Coupe du Faso, qu’il a fallu jouer sur des terrains clôturés. Pour cela, il y a des équipes qui sont obligées de parcourir des centaines de kilomètres pour rien. La fédération peut se donner les moyens de résoudre ce problème. En quatre ans, nous ferons en sorte que chaque chef-lieu de province du Burkina ait une infrastructure correcte. Que ce soit au niveau des ligues et des clubs, nous nous attèlerons à leur donner suffisamment de moyens, pour leur permettre d’être autonomes. Nous nous proposons de donner un siège à chaque ligue, de la doter de véhicules de service, d’une ambulance et d’un minibus qui permettra de soutenir les équipes qui sont aussi au bas de l’échelle, dont celles de la D3 et de la D2. Je pense donc que le programme que nous avons et les solutions que nous proposons, sont véritablement des solutions révolutionnaires qui permettront au football burkinabè de bondir au moins de 10 ans.
Tout cela nécessite beaucoup de moyens, alors qu’on sait que les sponsors ne courent pas les rues. Est-ce à dire que le candidat Bertrand Kaboré a déjà des promesses fermes de financements pour la mise en œuvre de ce vaste programme ?
Je puis vous dire que nous avons déjà un carnet d’adresses et nous savons où trouver de l’argent. Lorsque nous étions à la fédération, nous avons joué un rôle déterminant dans la négociation et la conclusion de certains accords. Entre autres, l’accord avec la Fédération royale marocaine de football, la convention avec la Fédération gabonaise de football et bientôt la convention avec la Fédération française de football, qui n’avait pas été signée, mais qui était conclue au moment où je quittais la fédération. Ce sont des conventions dont j’ai eu à conduire les négociations. Si nous sommes élu à la tête de la fédération, nous irons vers des pays qui sont en mesure de nous aider dans le développement des infrastructures. Nous irons vers des institutions qui seront en mesure de nous donner les moyens. Notre action portera également sur la quête de sponsors au niveau international. De nos jours, grâce au satellite, les matchs de football sont suivis dans le monde et il faut aller chercher l’argent là où il se trouve. C’est dire que Bertrand Kaboré a déjà des idées et des pistes pour trouver l’argent pour financer ses projets.
Selon vous, dans quelle mesure le slogan « Plus rien ne sera comme avant » pourrait-il s’appliquer dans le football burkinabè ?
Lorsque je vous parle de révolution, c’est de cela qu’il s’agit. Le football doit aussi faire son insurrection. Les acteurs du football doivent se départir de la satisfaction des intérêts personnels, qui permet de renflouer la poche de certains dirigeants clientélistes, pour véritablement mettre l’accent sur l’avenir et le développement du football burkinabè. Je pense que le programme que je propose, est un programme d’audace et de vérité que le candidat Sita Sangaré n’osera pas proposer aux gens, car j’estime qu’il a déjà fait ce qu’il pouvait faire ; il n’est plus donc l’homme de la situation. Tout ce que je peux faire lorsque je serai élu, c’est de promouvoir Sita Sangaré auprès des institutions internationales pour qu’il puisse continuer à représenter le Burkina. Je pense que sa mission dans notre football est terminée.
Une certaine opinion soutient que vous vous êtes porté candidat pour vous servir du football, pour booster vos affaires. Que répondez-vous ?
Personnellement, je n’ai rien à me reprocher pour les 10 ans que j’ai passé à la fédération et ce, depuis le temps du colonel Souley Mohamed à ce jour. Bertrand Kaboré n’a jamais été pris dans une histoire de gestion d’argent et je n’ai jamais été taxé d’avoir construit une villa avec les moyens de la fédération. On ne m’a jamais taxé d’avoir acheté une voiture avec les moyens de la fédération et ce n’est pas aujourd’hui que je vais vouloir changer de comportement. Je suis un homme honnête et je le resterai ; j’entends servir le football burkinabè. J’ai d’ailleurs dit dans une radio, qu’à la prise de fonction du comité exécutif, tous ses membres feront la déclaration de leurs biens et qu’ils devront avoir le courage de le faire à la fin de leur mandat. Ensuite, j’ai pris l’engagement que le budget de la fédération sera mis en ligne, de sorte que tous les acteurs puissent le consulter et savoir ce qu’on fait de leur argent. C’est très important, si l’on veut restaurer la confiance entre les dirigeants, les autorités, les sponsors et les acteurs.
A qui faites-vous allusion lorsque vous dites tantôt que vous n’êtes pas allé à la fédération pour construire des villas et payer des voitures ?
Je ne fais allusion à personne. Je veux juste rassurer les uns et les autres que s’ils me confient la gestion de la fédération, je ne donnerai pas l’image de quelqu’un qui cherche à profiter du football.
Mais, d’aucuns pensent également qu’au regard de vos occupations personnelles, vous n’aurez pas le temps de vous occuper du football.
C’est vrai, je suis juriste de formation. Je suis également près du monde de l’audiovisuel, puisque je suis producteur de films. Je suis enseignant également et je suis membre d’une association de gestion de la cinématographie au Burkina. Mais, sachez déjà que lorsque j’avais été nommé secrétaire général de la FBF, j’avais abandonné mon poste d’enseignant à l’Institut supérieur de l’image et du son (ISIS). J’ai également renoncé à mon poste de secrétaire général de l’Association des producteurs des films à petit budget et je me suis concentré sur mon travail au niveau de la fédération. Si je suis élu président de la FBF, je vais davantage me consacrer à ma tâche, pour réussir mon mandat, afin que ceux qui ont placé leur confiance en moi, ne soient pas déçus. Quant à mes affaires, je dois dire que je suis dans un milieu privé, où je travaille avec des collaborateurs qui sont en mesure de pouvoir continuer à gérer les affaires, sans que cela ne puisse nuire à mon travail au niveau de la fédération.
Quel commentaire faites-vous de l’invalidation de la candidature de Amado Traoré ?
Je dois dire que j’ai été surpris de cette invalidation. Le président Amado et moi avons eu à discuter au moment où il voulait annoncer sa candidature. Il avait été question que nous puissions faire route ensemble. Les discussions n’étaient pas fermées, même si chacun avait décidé de présenter sa liste. Il n’était pas exclu que nous puissions collaborer à un moment donné. Lorsque la décision d’invalidation est tombée, j’ai tenté de le joindre pour comprendre ce qui s’est passé. Nous n’avons pas pu échanger directement, mais j’en ai eu quelques échos. Je pense qu’avec le recours qu’il a introduit, il aura peut-être gain de cause. A partir de ce moment, il pourra proposer aux acteurs du football ce qu’il a comme programme. Ce qui est essentiel, à mon avis, c’est que les acteurs puissent avoir le choix de désigner le programme qui fera leur affaire. Quant à l’invalidation du dossier, je n’ai pas eu tous les éléments d’appréciation pour savoir si elle est fondée ou pas.
Qu’auriez-vous aimé dire que nous n’avons pas pu aborder ?
Je souhaiterais que la campagne qui a commencé, puisse être une campagne sincère, honnête et où chaque candidat va respecter son adversaire. Il faut également que les moyens de la fédération ne soient pas utilisés par un candidat et que les acteurs du football soient à la disposition des candidats pour les écouter. Car, il faut éviter qu’il y ait des trafics d’influence. Nous avons le droit, en tant que candidat, de parler aussi aux acteurs du football. Les ligues ne doivent pas être mises à contribution pour soutenir un candidat au détriment d’un autre. Enfin, nous pensons également que les acteurs du football doivent prendre des décisions qui ne soient pas motivées par des enveloppes qu’ils auraient reçues.
Propos transcrits par Adama SIGUE