La Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières a rendu publiques les conclusions de ses travaux le 25 octobre 2016, au cours d’une séance plénière de l’Assemblée nationale. Ce rapport s’annonce explosif. Il fait cas, entre autres, de fraude, d’indemnisations inéquitables des populations délocalisées par les sociétés minières, de spéculations sur les permis d’exploitation.
Au moins 551 163 803 556 F CFA, c’est le montant que le Burkina a perdu entre 2005 et 2015, à cause de la mauvaise gestion des titres miniers et des dommages causés à l’environnement par l’exploitation minière. C’est ce qui ressort du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières, qui a rendu publiques les conclusions de ses travaux le 25 octobre dernier. L’enquête de la commission a concerné douze mines, deux sites d’orpaillage, trois sites semi-mécanisés et deux sites de carrière. Environ 140 auditions ont été menées et ont concerné plus de 1 400 personnes. Dans le rapport, il ressort que l’Etat a perdu 101 2050 000 000 de F CFA dans l’exportation frauduleuse de l’or. A ce niveau, il a été relevé que les taxes sur l’exportation de l’or étant élevés au Burkina, les exportateurs d’or préfèrent frauder et par conséquent ne payent pas les taxes estimés à 450 000 F CFA le Kilogramme, alors que les préjudices de pollution de l’environnement s’élèvent à 11 milliards de F CFA. Et ce n’est pas tout car, en plus d’avoir perdu 14 840 758 312 de F CFA comme fonds de préservation et de réhabilitation de l’environnement, l’Etat a subi une perte de plus de 114 millions de F CFA au titre des exonérations. La Commission a constaté que certaines sociétés minières n’approvisionnent pas régulièrement le Fonds de préservation et de réhabilitation de l’environnement. Par exemple, la compagnie Nantou mining n’a cotisé que 100 millions de F CFA soit moins de 2 250 mille dollars US sur 7 millions de dollars US attendus.
Tambao ou le casse-tête burkinabè
Dans le projet de la mine de manganèse de Tambao, les pertes subies par l’Etat sont estimées au moins à 8 758 000 000 F CFA. Dans ce dossier, d’après un résumé des faits établis, plusieurs tentatives de réalisation du projet se sont révélées infructueuses et désastreuses pour les finances publiques et la crédibilité de l’Etat. Ainsi, avant l’octroi à PAT/PAB des droits sur le projet en 2012 et 2014, des protocoles d’accord ont été signés, selon le président de la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières, Ousseni Tamboura, avec la société Wadi Al Rawda le 3 avril 2007, ensuite avec la société GNI le 26 mars 2011, en remplacement d’un premier protocole daté d’octobre 2010. Les raisons pour lesquelles le projet a été retiré à Wadi Al Rawda et attribué à GNI, de même que les conditions dans lesquelles ce retrait est intervenu au profit de PAN/PAT/PAB, n’ont pas été élucidées. Mais toujours est-il que les raisons profondes laissent transparaître une forte odeur de corruption et de trafic d’influence. Des informations récurrentes sont parvenues à la commission sur des faits de corruption. Par exemple, il a été révélé que d’importantes sommes d’argent estimées à 5 milliards de F CFA ont été versées par Franck Timis, PDG de PAN/PAB/PAT au conseiller spécial du Président du Faso, François Compaoré, où à des ministres. De l’avis du président de la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières, Ousseni Tamboura, le temps a manqué à la commission pour approfondir cette affaire, mais les auditions avec les anciens ministres, sauf Salif Lamoussa Kaboré, les représentants de NGI, de PAN et de personnes d’intérêt, ont révélé le rôle actif et nuisible de la Présidence du Faso dans l’octroi des permis à PAN/PAB/PAT. Une audition d’anciens ministres révèle d’ailleurs que certains opérateurs sur le projet Tambao ont été introduits par le ministère des Affaires étrangères et Hadja Alizéta Ouédraogo. Convaincue que des faits de corruption ont existé à l’occasion de l’octroi des permis et à l’occasion des transactions pour résoudre les conflits sur l’affaire de la mine de manganèse de Tambao, la commission d’enquête recommande, entre autres, l’ouverture d’informations judiciaires contre les anciens ministres des mines et des finances, Abdoul Kader Cissé, Lucien Bembamba et François Compaoré, la mise en accusation de Salif Kaboré (ancien ministre des mines) pour sa responsabilité dans le dossier Tambao, des poursuites judiciaires contre Franck Timis, ancien PDG de Pan African pour faits de corruption. Outre cela, les députés recommandent au gouvernement le retrait du permis d’exploitation de Tambao à PAT/PAB. Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire fait également état d’une perte de 21 654 799 811 F CFA liées aux dividendes de l’Etat de 2010 à 2015. Ce manque à gagner correspond au non paiement ou non enregistrement des dividendes par 7 sociétés minières sur 12. Dans ce rapport, des soupçons de fraude sont à signaler au niveau comptoirs d’achat et d’exportation d’or. Sur les 105 comptoirs déclarés, 40 sont connus. 36 se sont présentés à la commission et il est à noter que le nom d’une personnalité politique a attiré l’attention de la commission. Il s’agit d’Eddie Komboïgo qui est détenteur d’un comptoir d’achat et d’exportation d’or. Les comptoirs déclarent une faible quantité d’or à l’exportation alors que leurs propriétaires sont très riches. Des informations, il ressort qu’un certain nombre de comptoirs doivent faire l’objet d’une attention particulière du ministère en charge des mines, des services de lutte contre la fraude et du service des impôts. Car, à en croire M. Tamboura, les responsables de ces comptoirs seraient détenteurs chacun de plus de 10 titres miniers et acculement, l’objet de redressements fiscaux à plusieurs milliards de F CFA. Leurs noms reviennent le plus souvent dans les auditions et les enquêtes de terrain. Il s’agit de SOMIKA appartenant à Adama Kindo qui possède 79 titres à lui seul, Saidou Pafadnam détenteur de 37 titres, Sayouba Sawadogo, propriétaire de 12 titres. Pour étayer la situation sur la fraude de l’or au Burkina, il ressort suite à un article de l’ONG suisse DNB que la BNAF a mené des enquêtes en avril 2016 sur le comptoir des métaux précieux appartenant à Adama Kindo et a retenu contre lui des faits de non enregistrement de 11 kg d’or. Par conséquent, il lui a été infligé une amende de 14 milliards de F CFA. « Il ne s’est pas acquitté et a demandé à payer 140 millions de F CFA », foi du président de la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières, Ousseni Tamboura. Pour lui, le niveau de la fraude de l’or pourrait être situé entre 15 et 309 tonnes d’or par an. Par conséquent, plus de 100 milliards de F CFA échappent au Trésor public par an. Dans le fonctionnement des compagnies minières, le rapport de la Commission d’enquête parlementaire révèle que dans le processus de production de l’or, les services de l’Etat burkinabè, notamment la douane, les impôts, le BUMIGEB n’ont pas accès aux opérations de la coulée d’or. Ils assistent cependant à la pesée.
Des spéculations des titres miniers
Depuis 2005, plus de 700 permis de recherche auraient été livrés. Même si le gouvernement a annulé une bonne partie au mois de février-mars 2016, il ressort du rapport de la commission d’enquête parlementaire que de nombreux non professionnels du secteur de l’or sont détenteurs de permis de recherche et la plupart des titulaires des mines actuellement en exploitation sont acquéreurs et non attributaires de permis. Au terme des auditions et des visites de terrain, la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières a été surprise de constater que les compagnies minières, au nombre de 12, n’employaient qu’environ 7 000 personnes dont 1 920 expatriés dont les salaires sont 3 à 10 fois plus élevés que ceux des nationaux.
Mamouda TANKOANO