L’opération « mains propres », qui a déjà écourté l’expérience diplomatique de l’ex-ambassadeur Jo-Paresse, va-t-elle avoir des effets sur les décaissements occultes qui alimentent le budget électoral de certains candidats du giga-parti au pouvoir ? En attendant la publication de la liste exhaustive des auteurs de malversations et autres gestions opaques, il ne fait pas bon plonger ses gros doigts dans les caisses de l’Etat en ce moment au Faso...
La menace plane sur les têtes déjà connues par les différents rapports de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat ainsi que des résultats des dernières enquêtes parlementaires. D’autres commis se laisseront-ils prendre à ce jeu de détournements de deniers publics pour lequel ils disent parfois recevoir l’ordre d’en haut ? Pour prévenir ce mal qui plombe la morale et le développement du Faso, c’est maintenant que Lucky Luc doit agir. Mais le Premier sinistre a-t-il les moyens de cette nécessaire prévention de la corruption et de la malgouvernance des finances publiques ? Lui-même n’en est-il pas déjà un acteur, à travers les interventions qu’il fait çà et là ?
A priori, on peut croire que, cette fois-ci, le gouverne-et-ment a pris la mesure du phénomène et surtout de ses effets sur l’image du pays, mais aussi sur la répartition équitable des fruits de la croissance économique. Tous ces sous qui sont dilapidés ou détournés, ce sont des rendez-vous manqués avec l’amélioration, un tant soit peu, du niveau de vie des populations, des conditions de travail et de production, des chances d’éducation et d’innovation technologique. Il fallait donc taper du poing sur la table pour que ça cesse. Certes, la nouvelle dynamique que vient d’enclencher le PM arrive tard dans un monde trop vieux. Mais ne vaut-il pas mieux tard que jamais ?! Ce qui n’exclut pas la question de la marge de manœuvre dont dispose l’actuel chef du gouvernement pour traquer la malgouvernance jusqu’à son « dernier retranchement ».
Dans ce pays où tout semble permis à ceux qui sont au pouvoir, on se demande légitimement si Lucky Luc aura les coudées franches pour taper sur tous ceux qui ont quelque chose à se reprocher dans la gestion des deniers publics. Avec ses ambitions de briguer un mandat de député dans la province du Sanguié, on imagine que ses camarades du parti ne manqueront pas de lui apporter un coup de main pour réussir sa campagne électorale. Or, en politique, le soutien n’est jamais neutre. C’est connu, ceux qui donnent aujourd’hui espèrent toujours un retour d’ascenseur demain. Celui qui reçoit est quelque peu tenu d’être reconnaissant. Et c’est ainsi qu’on se retrouve dans le cercle vicieux du donnant-donnant qui ouvre la porte à toutes les dérives.
Le Premier sinistre candidat à la députation saura-t-il ménager la chèvre et le chou ? La question mérite d’être posée d’autant plus que ce qui est à l’origine de certaines mauvaises gestions, c’est bien ce jeu malsain de retour d’ascenseur. Il est clair que l’Administration publique est pourvoyeuse d’argent liquide et de marchés à gros sous. Ceux qui se plient en quatre pour que les ministres et les DG obtiennent ce qu’ils veulent en termes de sièges à l’Assemblée nationale ou de fauteuils de maire ne le font jamais pour rien. « Souviens-toi de celui qui t’a fait roi », rappelle bien à propos cette injonction qui tient certains ministres et DG.
Plus que quiconque, Lucky Luc sait qu’il ne faut pas mettre une chèvre face à un chou. Ou, lorsqu’on n’a pas d’autre choix que de le faire, comme c’est parfois le cas pour certaines nominations, voire des élections, il faut avoir l’habileté d’obtenir que le chou reste intact malgré la convoitise irrépressible de la chèvre. C’est tout l’enjeu du combat contre la malgouvernance dans ce pays aux ressources limitées et très dépendant de l’aide extérieure.
C’est bien beau de publier maintenant une liste de personnes qui auraient dû être jugées depuis longtemps. Mais l’essentiel, c’est de faire en sorte que le réflexe de détournement et de mauvaise gestion ne soit plus la règle ici au Faso. Et pour cela, la période préélectorale est un bon moment pour amener les candidats ayant une responsabilité publique à montrer patte blanche avant de se jeter dans la bataille. Cela passerait, par exemple, par un contrôle des comptes dont ils ont la gestion avant même qu’ils ne prennent la fameuse disponibilité qui leur permet d’aller battre campagne. Le but de cette opération est d’arriver à une certaine transparence du « trésor » dont ils vont se servir pour leur élection. Une exigence qui doit être aussi valable pour le Premier ministre lui-même puisqu’il est candidat. Ainsi, on ferait œuvre utile en préservant les finances publiques de la tentation de les voir dilapidées d’une manière ou d’une autre dans la prochaine campagne électorale ou dans des opérations politiques à venir.
Il faut faire en sorte que le contenu des v’loppes qui vont arroser la chasse aux voix, il n’y ait point de sous soutirés à un ministère, à une société d’Etat ou à un projet. Si Lucky Luc réussit ce pari, ce serait un pas qualitatif en avant pour la prévention aussi bien de la corruption électorale que de la malgouvernance. Ce serait déjà ça de gagné, en attendant de traduire les incriminés devant la justice.