« Qui donc a abattu le conseiller municipal et son fils » lors de l’attaque du poste avancé de l’armée burkinabè le 12 octobre dernier par des individus armés non identifiés ? Telle est la question titre que nous posions à la Une de notre livraison. Si lors de la conférence de presse donnée lundi 17 octobre dernier en prélude aux festivités du 56e anniversaire des forces armées, le colonel-major Ousmane Sawadogo a botté en touche, El-Mamoun Ag Efferbi- Baye, le maire de Tin-Akoff, que nous avons joint au téléphone, est, lui, formel : aucun assaillant n’a été tué par nos soldats, c’est plutôt le conseiller du village et son fils qui ont été pris pour cibles par des militaires venus en renfort après l’acte terroriste des assaillants.
Comment avez-vous appris l’attaque d’Intangom ?
J’ai été réveillé par un coup de fil d’un habitant d’Intagom qui m’informait que des tirs se font entendre vers le poste avancé de l’armée burkinabè. Quelque temps après, un autre appel m’annonçait la même chose, et mon interlocuteur m’a signifié que cela ressemblait à une attaque.
Quel était votre premier réflexe ?
J’ai aussitôt fait remonter l’information aux différents chefs militaires à Tin-Akoff, Gorom-Gorom, Dori et Kaya. J’ai également saisi le haut-commissaire de l’Oudalan pour lui rendre compte des événements en cours. Quelques minutes plus tard, mon premier interlocuteur me revient au bout du fil pour dire qu’un véhicule militaire muni d’armes traversait le village sous bonne escorte d’hommes armés à motos. Je lui ai dit qu’il devait s’agir de nos soldats qui pourchassaient sans doute les assaillants. Il m’a précisé que le véhicule était chargé et roulait lentement, escorté par des éléments enturbannés. J’ai sur ce fait appelé le conseiller du village pour savoir ce qui s’y passe. Lui aussi m’a confirmé qu’il a entendu des coups de feu. Je lui ai fait des reproches en lui disant qu’il devait être le premier à me mettre au courant de cette affaire, étant donné qu’il est conseiller municipal. Il m’a expliqué qu’il était à cours de crédit pour appeler.
En lieu et place de deux assaillants tués comme on l’a d’abord entendu, c’est plutôt le conseiller en question et son fils qui ont été abattus. Dans quelles circonstances exactes ils ont trouvé la mort ?
C’est autour de 9 heures que le conseiller m’a rappelé pour me dire qu’il est sur les lieux et qu’il n’y avait pas de présence de vie humaine, mais qu’il voyait un véhicule avec une portière ouverte et un lit picot. Pendant qu’il me décrivait la scène, il m’a fait savoir qu’un véhicule se dirigeait vers lui avec des hommes armés qui ouvraient le feu. Je lui ai dit qu’il devait s’agir de nos militaires et lui ai demandé de lever les bras. Il m’a dit que ses mains étaient déjà levées, mais qu’ils continuaient de tirer. Subitement, je l’ai entendu crier : « C’est mon fils, c’est mon fils, ne tirez pas ». J’ai raccroché pour joindre immédiatement le capitaine Zongo à Kaya pour lui dire que nos soldats venus en renfort à Intangom tiraient sur les populations. Je rappelle ensuite le conseiller à plusieurs reprises en vain. Je rappelle de nouveau le capitaine Zongo qui me demande de lui envoyer par sms le nom du conseiller municipal en question.
C’est par la suite que j’ai appris que l’armée dit avoir tué deux assaillants ; pourtant c’est le conseiller du village et son fils qui se sont déplacés sur les lieux pour s’enquérir des nouvelles du poste de l’armée burkinabè où l’attaque a eu lieu au petit matin autour de 5 heures. Il y a même un agent de la mairie qui a appelé le conseiller et qui l’entendait crier au téléphone qu’il était conseiller municipal du village.
Qu’est-ce que les autorités, dont vous, avez fait quand vous êtes arrivés sur place ?
On n’est jamais arrivé sur place. Le haut-commissaire et moi avons tenté de le faire, mais l’accès était difficile parce que le chef d’état-major général des armées (NDLR : le général Pingrenoma Zagré) est arrivé sur les lieux. Ce n’est que le jour de l’inhumation que le haut-commissaire et nous sommes allés attendre jusqu’à ce que le corps du conseiller et de son fils arrivent. Ils ont été par la suite enterrés dans leur village.
Que pensez-vous du déploiement des forces de défense et de sécurité dans la localité ? Le dispositif permet-il vraiment de dissuader les terroristes ?
Si je vous dis quelque chose par rapport à ça, je vais mentir. Je n’ai pas vu le dispositif, donc je ne peux pas l’apprécier. Mais c’est déjà une bonne chose qu’ils soient là, dans la mesure où la population ne compte que sur cette armée pour se sentir en sécurité.
Entretien réalisé par
Adama Ouédraogo Damiss