On aurait pu passer sous silence ce que d’aucuns n’hésiteront pas à qualifier d’épiphénomène. Mais au regard de la personnalité de l’homme et du moment choisi, on ne peut s’empêcher de piper mot. De quoi est-il question exactement ? Il s’agit de la rencontre entre l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire et Henri Konan Bédié (HKB). C’était hier, 10 octobre 2016, à la résidence de HKB à Cocody. Première du genre, cette rencontre entre les deux hommes a duré une vingtaine de minutes, loin des regards indiscrets des hommes de médias qui, c’est peu de le dire, s’étaient fortement mobilisés pour la circonstance. De quoi ont bien pu parler les deux hommes qui, faut-il le rappeler, sont des voisins de quartier, puisque tous habitent Cocody ? Difficile pour l’instant de répondre à cette question, étant donné qu’il n’y a pas eu de déclaration officielle. Pourquoi ce silence? Chacun y va de ses analyses. Mais à ce qu’on dit, des instructions ont été données en haut lieu à Abidjan peu avant le début du tête-à-tête entre les deux anciens chefs d’Etat. Sans doute les autorités ivoiriennes craignent-elles tout propos déplacé à même de raviver les tensions à peine apaisées entre Ouagadougou et Abidjan. Quoi de plus normal quand on sait que les relations entre les deux capitales se sont fortement dégradées depuis le coup de force manqué de septembre 2015 où certains officiels ivoiriens étaient accusés à tort ou à raison d’être de mèche avec les putschistes qui, face à la résistance populaire, avaient fini par plier l’échine ? Les autorités d’Abidjan ont donc vu juste, en parant à toute éventualité. Peut-être, et ce n’est pas absurde de le penser, que cette sortie officielle de Blaise Compaoré a été elle-même rendue possible grâce à l’évolution de la situation sociopolitique au Burkina, notamment l’annonce par le procureur général près la Haute cour de justice, de l’abandon des poursuites judiciaires contre lui pour « haute trahison et attentat à la Constitution ». C’est ceci donc qui pourrait expliquer cela. Car cela fera bientôt deux ans que Blaise Compaoré n’avait jamais fait d’apparition publique, alimentant parfois les débats sur son état de santé.
En rendant visite à HKB à la veille du vote du projet de révision constitutionnelle, d’aucuns n’hésiteront pas à établir un lien de cause à effet
Le moment choisi n’est donc pas un simple fait de hasard même si, analysant l’actualité politique en Côte d’Ivoire, l’ex-président burkinabè aurait dû différer le rendez-vous pris avec HKB. Surtout que c’est aujourd’hui même 11 octobre, que les députés ivoiriens se prononceront sur le projet de révision constitutionnelle que le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) appelle de tous ses vœux. En rendant visite à HKB à la veille d’un tel événement crucial, d’aucuns n’hésiteront pas à établir un lien de cause à effet. Soit, par expérience, Blaise Compaoré veut demander à HKB de dissuader ADO de renoncer à son projet de révision constitutionnelle. Soit, il cherche à convaincre Bédié de laisser son mentor ADO rempiler pour un troisième mandat à l’issue des réformes en cours ; histoire de lui assurer l’impunité. Cette deuxième hypothèse est d’autant plus plausible qu’ADO a déjà lui-même annoncé la couleur en levant la limite d’âge fixée pour briguer la magistrature suprême.
B.O