La chancelière allemande, Angela Merkel, a entamé le dimanche 9 octobre 2016, une tournée africaine qui doit la conduire respectivement au Mali, au Niger et en Ethiopie. Bamako, qui a eu l’honneur de la recevoir en premier, a fait sa toilette et les Maliens se sont parés de leurs plus beaux bazins, avec à leur tête, leur président, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), pour réserver à dame Merkel un accueil à la hauteur de son rang et de l’espoir qu’elle représente pour le peuple malien en termes de développement et de lutte contre le terrorisme. Par rapport au premier point, l’Allemagne semble ne pas s’encombrer de beaux discours à n’en pas finir, comme c’est le cas de bien d’autres partenaires européens du Mali. Elle s’illustre plutôt par le concret. En effet, déjà en 2013, Berlin a sorti de sa poche 100 millions d’euros soit l’équivalent de 65,5 milliards de F CFA sous forme d’aide pour accompagner le Mali dans les domaines de la décentralisation, de la bonne gouvernance, de l’agriculture, de l’eau et de l’assainissement. L’hôte du Mali devrait renforcer cette dynamique.
Angela Merkel a foulé le sol malien pendant que la polémique enflait autour de la mort d’un dignitaire du HCUA
Bamako avait donc des raisons majeures de l’accueillir avec faste non seulement pour lui signifier un tonitruant Anikié, mais aussi pour lui dire que le Mali attend davantage de sa visite pour sortir la tête de l’eau. Le seul point noir, si l’on peut le qualifier ainsi, de cette visite sur les bords du fleuve Djoliba, c’est qu’elle intervient à un moment où un acte susceptible de parasiter davantage l’accord de paix d’Alger, vient de se produire au Nord-Mali. En effet, Cheikh Ag Aoussa, un des principaux chefs militaires de l’ex-rébellion touareg, a été tué le samedi 8 octobre dernier aux abords de Kidal, dans l’explosion de sa voiture, alors qu’il venait de quitter le camp de la Minusma où il avait participé à une réunion de sécurité avec les forces onusiennes et Barkhane. Angela Merkel a foulé le sol malien pendant que la polémique enflait autour de la mort de ce dignitaire du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad, membre de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et signataire de l’accord de paix d’Alger. Une source africaine au sein de la Minusma, a avancé la thèse d’une mine. Mais le porte-parole de la CMA n’est pas de cet avis, puisqu’il dénonce un « assassinat ciblé ». En attendant que les jours à venir lèvent toutes les zones d’ombre sur la mort de ce chef militaire de l’ex-rébellion et par ailleurs ancien bras droit de Iyad Ag Ghali, chef du groupe terroriste Ansar Dine, l’on peut dire que le willkommen des Maliens à Angela Merkel, a été maculé de sang à Kidal. Ce willkommen sanglant peut également s’appliquer à toutes les étapes de sa tournée africaine. En effet, que ce soit au Niger ou en Ethiopie, la visite de la Chancelière allemande se passera dans un contexte où le sang vient de couler. Dans le premier pays cité, c’est-à-dire le Niger, les djihadistes viennent de s’illustrer par l’attaque d’une caserne militaire. Le bilan fait froid dans le dos : 22 soldats de l’armée nigérienne ont perdu la vie. L’Ethiopie n’est pas en reste, même si là-bas, les tueries ne sont pas liées au phénomène djihadiste. En effet, dans ce pays de la Corne de l’Afrique, le pouvoir fascisant d’Addis-Abeba est, peut-on dire, en train de se livrer à un nettoyage ethnique dont la cible sont les Oromo. De ce point de vue, l’on peut en déduire que la tournée africaine de la Chancelière allemande au Mali, au Niger et en Ethiopie, a le même dénominateur. Cela dit, l’on peut saluer le souci de l’Allemagne d’aider ces trois pays à traquer la misère. En effet, peu avant de prendre son avion pour se rendre en Afrique, la Chancelière allemande a laissé entendre ceci : « La population africaine va doubler d’ici 2035. » Et d’ajouter : « Du bien-être de l’Afrique dépendra la façon dont nous allons vivre en Allemagne. » Dame Merkel a eu la vision de mettre le curseur sur l’expression « bien-être de l’Afrique ». Et le moins que l’on puisse dire est que c’est une problématique à laquelle bien des pays africains pour ne pas dire tous les pays du continent noir, n’ont pas de réponses appropriées. Angela Merkel a donc été bien inspirée de placer sa tournée africaine sous le signe de la lutte contre la misère qui sévit sur ce continent. Car la pauvreté, et cela est un truisme, est l’une des causes qui poussent un nombre considérable de jeunes africains à défier au quotidien les vagues mortelles de la Méditerranée, pour gagner l’Europe qui, à leurs yeux, représente la « terre promise ».
Ce n’est pas pour des motivations exclusivement philanthropiques, que l’Allemagne d’Angela Merkel a décidé de voler au secours de l’Afrique
Et ni la mort, ni la fortification des frontières de l’Europe par des murs et autres ouvrages, aussi impressionnants soient-ils, ne peuvent dissuader « les cabris morts africains » à tenter leur chance de gagner l’Europe. Cette implacable vérité, la chancelière allemande l’a comprise. Angela Merkel, qui a déjà été échaudée par l’afflux de refugiés fuyant l’enfer syrien, et à propos desquels ses compatriotes sont remontés contre elle, est bien placée pour adopter, face au péril démographique qui se profile à l’horizon pour l’Afrique, une posture préventive. Et le sentiment d’envahissement de l’Europe par des hordes de gueux venus d’Afrique, n’est pas propre à l’Allemagne. Il est aussi partagé par la quasi-totalité des pays du Vieux continent. C’est ce qui explique d’ailleurs que tous les partis politiques, qui ont inscrit en lettres d’or dans leur programme, la tolérance zéro vis-à-vis des flux migratoires, font florès aujourd’hui en Europe. Ce n’est donc pas pour des motivations exclusivement philanthropiques, que l’Allemagne d’Angela Merkel a décidé de voler au secours de l’Afrique. Elle entend avant tout protéger son pays du trop-plein de l’Afrique. Et quand ce trop-plein est rongé par l’indigence et le manque de perspectives en Afrique, rien ne peut l’empêcher d’aller voir ailleurs. De ce point de vue, Angela Merkel a parfaitement raison quand elle affirme : « le meilleur moyen le lutter contre les flux migratoires est d’encourager la croissance économique en Afrique »
« Le Pays »