En me rendant le samedi 8 octobre 2016 en fin de journée au stade du 4-Août, j’étais habité par le doute et, certainement à l’image de tant d’autres supporters de notre onze national, hanté par cette interrogation : qu’est-ce qu’ils vont encore nous servir ? Tant ces garçons sont capables du meilleur comme du pire.
Un doute cependant très vite levé dès l’entame de la partie qui les opposait aux Bafana Bafana dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 2018 qui doit se jouer, rappelons-le, en Russie.
Il y a, en effet, longtemps que mes yeux de profane de la boule de cuir n’avaient pas vu des Etalons aussi bien dans leur peau et produire un jeu aussi plaisant à regarder.
Alors qu’ils nous ont parfois servi un football poussif et décousu que même sur les terrains poussiéreux de nos quartiers on ne pratique plus, samedi on les a vus construire quelque chose de digeste, de fluide, combinant bien, alignant quatre ou cinq passes, ce dont ils sont quelquefois incapables et changer de temps à autre de registre par une bonne occupation du rectangle vert. Bref, des joueurs très techniques.
Même Préjuce Nacoulma, d’habitude si désordonné dans ses courses nonobstant une pointe de vitesse qui ferait pâlir Pierre Emerick Obameyang, semblait avoir trouvé une certaine harmonie pédestre.
Mais comme sans la rigueur et la discipline le talent n’est rien, les poulains de Paulo Duarte ont pêché par défaut d’efficacité et de réalisme alors qu’ils auraient pu se mettre très rapidement à l’abri et gagner par un score conséquent. Au lieu de cela, ils ont gâché leurs nombreuses occasions, même celles gracieusement offertes par l’arbitre marocain, avant de courir après l’égalisation quand les Sud-Africains ont ouvert la marque.
Dans ces conditions, on aurait préféré que l’équipe gagne en jouant mal pour s’assurer les trois points de la victoire plutôt que de rendre une bonne mais infructueuse copie. Ah, les supporters ! Ils sont toujours comme ça, rarement contents. Quand on remporte une victoire sans la manière, ils râlent ; on joue bien sans gagner, c’est pareil.
Qu’on ne nous parle pas de chance, cet argument trop facilement brandi pour justifier les contre-performances mêmes les plus inexcusables, le problème est ailleurs. Les dribbles virevoltants de Jonathan Pitroipa, c’est bien. Les déboulés et les petits ponts de Bertrand Traoré, c’est très bien. Mais à quoi tout cela mène-t-il si ça ne va pas au fond des filets. Il faut d’abord assurer le résultat avant de s’amuser et faire le spectacle.
Est-ce normal et footballistiquement défendable qu’avec une bonne dizaine de corners, 3 coups francs dans les vingt-cinq derniers mètres et…deux pénalties, le résultat soit celui qu’on sait (1-1)? Assurément non.
Comme toujours on peut jeter l’anathème sur l’entraîneur et ses choix, se demander en l’espèce pourquoi il a laissé sur le banc des garçons tels Aristide Bancé (qui se donne toujours à fond malgré ses limites techniques objectives) et Banou Diawara qui ont apporté, il est vrai, du tonus à une attaque en manque de réussite ; alors qu’Alain, Pitroipa et quelques autres se sont éteints progressivement au fil des minutes ; mais les titulaires, pas toujours incontestables, auraient pu tuer le match s’ils avaient été plus lucides pour percer le double rideau défensif adverse et précis dans le dernier geste.
Il faut donc que ces athlètes se remettent en cause sur et en dehors du terrain. Ont-ils cette discipline de vie qui peut leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes à chaque sortie ? Font-ils tous les efforts physiques et techniques nécessaires pour être au top ou certains comptent-ils seulement sur leur « science infuse » ou encore leur statut de cadres des Etalons. On se pose forcément la question.
On adule aujourd’hui les Messi, Ronaldo, Neymar, Suarez, hier c’était les Zidane, mais les poulains du technicien portugais sont bien payés pour savoir que ces stars planétaires, pour briller chaque jour au firmament de la planète foot, sont de véritables esclaves du…sport-roi et que, malgré les dons naturels qu’ils possèdent, ils suent sang et eau, continuent en salle de musculation ou répètent seuls quand l’entraînement collectif est terminé. Les petits et grands plaisirs de la vie et les milliards gagnés à la force du jarret, ils auront tout le loisir d’en profiter quand ils auront raccroché les crampons.
Il est peut-être temps que nos professionnels que d’aucuns qualifient méchamment de «simples expatriés» ne dorment pas sur leur avoine quand ils ont empoché leur premier gros contrat s’ils ne veulent pas invariablement s’encroûter très rapidement et passer régulièrement à côté de matches pourtant à leur portée comme celui de l’autre jour.
Ousséni Ilboudo