Le Burkina Faso ne se porte pas bien. Et c’est un euphémisme, car il suffit de regarder le front social qui est en ébullition depuis plusieurs mois, avec des revendications syndicales tous azimuts, pour s’en convaincre. En effet, les mouvements d’humeur se succèdent à un rythme tellement effréné, qu’ils ne sont pas loin de donner le tournis à l’enfant de Tuiré dans le Ganzourgou, et à son bras droit du Sourou/Nayala nommé à la primature depuis le 7 janvier 2016, pour insuffler une nouvelle dynamique à une économie convalescente, après les tourments de la période de Transition. Mais très vite, cette tâche va se révéler herculéenne. Car, à peine le duo Roch-Kaba s’était-il remis des émotions de l’attaque djihadiste, qu’il a été pris à la gorge par la grève des magistrats. C’était en début d’année, précisément en fin février début mars. Avec le recul, tout porte à croire que l’étreinte était si forte que le pouvoir n’avait trouvé, à l’époque, de meilleure solution que d’accéder aux requêtes des hommes en noir, espérant sans doute se donner un bol d’air afin de repartir du bon pied. Mais, en fait de répit, l’on assistera plutôt à une multiplication des grèves pour « exiger de meilleures conditions de vie et de travail », dans plusieurs secteurs. Et pour cause. Beaucoup de travailleurs se sont mis à espérer, à juste titre, que leurs revendications seraient enfin prises en compte. Car, en toute logique et à leurs yeux, il n’y avait pas de raison que le pouvoir fît des concessions aux uns sans le faire à eux.
Ainsi, en mi-avril, les gardes de sécurité pénitentiaires vont entrer dans la danse en se faisant entendre bruyamment. Ils seront suivis des agents des impôts et des domaines en mai, puis des travailleurs des boulangeries en juin, des informaticiens de l’Administration publique en juillet. En début septembre, ce sont les contrôleurs et les inspecteurs du travail qui vont descendre dans l’arène, suivis quelque deux, trois semaines plus tard par les agents de l’Office national des télécommunications. Et on en oublie. Depuis le 3 octobre dernier et ce jusqu’au 5 du même mois, ce sont les travailleurs des médias publics qui ont élu domicile à la Bourse du travail pendant que le Syndicat des travailleurs du ministère des Sports et des loisirs s’est positionné dans les starting-blocks, en annonçant un débrayage pour les 6 et 7 octobre prochains. Pendant ce temps, certaines informations font état d’une dizaine de préavis de grève qui attendraient d’être déposés dans les semaines et mois à venir.
Chaque camp doit se fixer des limites à ne pas franchir
Tout cela a de quoi faire pousser « prématurément » des cheveux blancs au président Roch Marc Christian Kaboré et à son Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, même si, en matière de look capillaire, ils sont pratiquement logés à la même enseigne que l’ex-président sénégalais, Abdoulaye Wade.
A la décharge des syndicats, il faut dire que la plupart de leurs revendications ne datent pas d’hier ni d’aujourd’hui. D’où la nécessité de trouver un modus vivendi entre le pouvoir et les syndicats, pour sauver la maison commune. Car, c’est un secret de polichinelle, que la situation économique du pays n’est pas rose. Le Burkina a indubitablement besoin d’argent frais pour relancer la machine de l’économie qui est fortement grippée. Or, à trop tirer sur la corde, dans un camp comme dans l’autre, on risque de la casser. On pourrait aussi effaroucher les partenaires au développement et encore plus, les investisseurs étrangers potentiels, en offrant du Burkina, l’image d’un peuple trop revendicateur. C’est pourquoi il faut savoir raison garder de part et d’autre, et engager un dialogue franc et sincère entre les deux parties. On ne peut pas dire des revendications des travailleurs qu’elles ne sont pas justes et légitimes. Si tout ne peut pas être satisfait ici et maintenant, il faut que le gouvernement le dise et donne un chronogramme clair et précis de résolution des différentes plateformes revendicatives des syndicats. A ce propos, et si donc Roch négociait une trêve sociale ? Seulement, au stade où on en est, le peut-il encore ? En tout cas, cela s’avère aujourd’hui nécessaire, ne serait-ce que pour permettre à l’économie burkinabè dont tous les voyants sont pratiquement au rouge, de reprendre du souffle. Il y va de l’intérêt de la Nation entière.
D’autant plus que, comme on le sait, le Burkinabè n’a pas la propension à travailler lorsqu’il va en grève.
Plutôt que de montrer qu’il mérite mieux en renflouant les caisses de l’Etat, comme cela se voit en Asie, l’employé a tendance à cesser le travail, ce qui entraîne immanquablement des manques à gagner dans le Trésor public. Or, pour tous les jours non œuvrés, il faudra après travailler à combler le gap pour satisfaire aux revendications dont une bonne partie est liée à la question salariale. L’employé qui va en grève ne devrait pas non plus perdre de cela de vue. En clair, chaque camp doit se fixer des limites à ne pas franchir au risque que la Nation en sorte perdante. L’agent doit également prendre constamment conscience qu’il a une obligation de résultats, ce qui n’est malheureusement pas toujours bien perçu de tout le monde. Car, il faut dire que pendant que certains fonctionnaires se tuent à la tâche, d’autres ne font rien pour être productifs. En somme, les partenaires sociaux doivent toujours se serrer les coudes pour une bonne marche du travail de sorte que cela profite à tous, employeurs comme employés.
Outélé KEITA