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Vide juridique constaté dans les poursuites contre Blaise Compaoré pour haute trahison: « Il est juridiquement et politiquement incorrect de faire du CNT un bouc émissaire »
Publié le mercredi 5 octobre 2016  |  Le Pays
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© aOuaga.com par A.O
Politique : les députés adoptent le nouveau code électoral
Mardi 7 avril 2015. Ouagadougou. Conseil national de la transition (CNT). Les députés ont voté par 75 voix pour, 10 contre et 3 abstentions le projet de loi portant modification du code électoral. Photo : Wilfried Zoundi, rapporteur de la Commission des affaires institutionnelles, de la gouvernance et des droits humains (CAIGDH) du CNT




A travers l’analyse ci-dessous, Wilfried Zoundi, ex-député du CNT, vice-président de la Haute cour de Justice, puisque c’en est lui l’auteur, estime que le vide juridique constaté dans les poursuites contre l’ancien président Blaise Compaoré, n’est pas imputable au Conseil national de la Transition (CNT) qui, dit-il, a fait ce qu’il pouvait. Lisez plutôt !

Suite au point de presse animé par le procureur général près la Haute cour de Justice, nous avons assisté à une salve d’interrogations et de commentaires allant jusqu’aux invectives à l’endroit des auteurs de la mise en accusation, d’où la nécessité de la mise au point suivante.

Les fondements juridiques de la mise en accusation contre Blaise Compaoré

« La trahison de la patrie et l’atteinte à la Constitution constituent les crimes les plus grave commis à l’encontre du peuple », énonce l’article 166 de la Constitution burkinabè.

La Constitution attribue à son article 138, compétence spéciale à la Haute cour de Justice pour connaître des actes commis par le président du Faso dans l’exercice de ses fonctions et constitutifs de haute trahison, d’attentat à la Constitution ou de détournement de deniers publics. Ce sont ces deux dispositions qui précisent les infractions pour lesquelles le président du Faso est passible de poursuites si 4/5 des députés composant l’Assemblée nationale donnent les quitus à cet effet.

Dans ce sens, l’article 17 de la loi organique portant modification de la loi organique n°017-2015/CNT précise que « la résolution portant mise en accusation devant la Haute cour de Justice contient l’identité de l’accusé, l’énoncé sommaire des faits reprochés et le visa des dispositions légales en vertu desquelles est exercée la poursuite ».

Le visa des dispositions légales en l’occurrence sont celles de la loi constitutionnelle dont les bases légales sont précédemment citées. Après donc son adoption, la mise en accusation est transmise sans délai au procureur général qui, à son tour, la transmet dans les 24 heures au président de la commission d’instruction qui convoque la commission d’instruction, seule chargée d’accomplir tous les actes utiles à la manifestation de la vérité pouvant donc aboutir, soit à une ordonnance de non-lieu en cas d’insuffisance de charges, défaut de base légale ...ou à une ordonnance de renvoi en cas de preuves suffisantes des faits énoncés.

La mission du CNT, en l’espèce, prend donc fin dès la transmission du dossier au procureur général. Le CNT n’est pas une commission d’instruction. Il a fait ce qu’il avait à faire.

Quid du vide juridique ?

Selon l’article 140 de la Constitution, la Haute cour de Justice est liée par la définition des crimes et délits et par la détermination de peines résultant des lois pénales en vigueur à l’époque où les faits ont été commis. Or le code pénal ne prévoit ni l’infraction de haute trahison, ni celle d’attentat à la Constitution. C’est pourquoi l’on dit qu’il y a un vide juridique. Il convient de préciser que le code pénal burkinabè date de 1996. Il n’est donc point le fruit des législateurs de la Transition. Toutefois, les infractions prévues dans la Constitution relèvent du droit pénal constitutionnel. Les dispositions constitutionnelles qui les prévoient peuvent donc tenir lieu de visa dans les mises en accusation.

Dès lors, l’hypothèse selon laquelle « le législateur sous le Conseil national de la Transition (CNT) qui, par fébrilité, dans la précipitation, par esprit de vengeance idéologique, par zèle ou sous la pression des insurgés qui avaient déjà désigné leurs coupables, est à l’origine de ces légèretés dans ces dossiers judiciaires médiatisés » (extrait de L’Observateur 9212 du 03/10/2016, p. 5), n’est qu’un procès d’intention et ne saurait tenir la route. Il est incontesté que les mises en accusation du CNT ont eu le mérite de mettre à nu un système judiciaire jadis truffé de défaillances de bas en haut et de haut en bas. Faut-il le rappeler, la Haute cour de Justice, depuis son existence en 1995, n’a jamais fonctionné et n’était pas faite pour fonctionner. C’est le CNT qui l’a rendue opérationnelle. C’est à l’épreuve de la pratique que le droit se corrige, s’édifie et se bonifie. Il serait donc juridiquement et politiquement incorrect, intellectuellement infondé de faire du CNT un bouc émissaire quant à l’existence et aux conséquences d’un vide juridique.

Montesquieu dans son Esprit des lois, parlant du principe de la légalité, affirmait que « les juges de la Nation ne sont que la bouche qui prononce la parole de la loi ». L’occasion faisant le larron, il est donc temps de tirer la leçon. Le droit pénal est d’interprétation stricte, le juge pénal ne peut donc pas le créer. Les législateurs de la IVe République, dans le cadre de la réforme du code pénal et le constituant de la Ve République, sont donc interpellés. En tout état de cause, comme l’écrivait un chancelier tombé sur le champ d’honneur à titre d’épitaphe gravé sur sa tombe, le CNT a fait ce qu’il a pu et a dû. Il appartient à la postérité d’en faire le reste.

Et ce serait tout à son honneur.

Wilfried ZOUNDI Ex-député CNT

Ex-Vice-président de la Haute cour de Justice

Membre de la Commission constitutionnelle
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