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Jean Martin Coulibaly: si nous voulons le réel changement ...
Publié le mardi 27 septembre 2016  |  Sidwaya
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© aOuaga.com par A.O
Les ministres de la Santé, Smaïla Ouédraogo; de l`Education nationale et de l`Alphabétisation, Jean Martin Coulibaly, et celui en charge de la communication, Rémis Dandjinou, étaient face aux journalistes en début d`après-midi du 17 mars 2016 à Ouagadougou dans le cadre du point de presse du gouvernement. Photo : Jean Martin Coulibaly




Comment préparer une rentrée sereine et une année scolaire apaisée, dans un contexte de remous divers ? Les retards dans le mandatement des nouvelles recrues, dans le payement des vacations des enseignants, ou de la subvention aux établissements privés, les conférences pédagogiques, les nominations contestées… sont les sujets qui fâchent au ministère de l’éducation nationale à l’orée de la rentrée scolaire 2016-2017. Le ministre Jean Martin Coulibaly explique, rassure et invite les acteurs au dialogue.

Sidwaya (S.) : Comment se prépare la rentrée scolaire ?

Jean-Martin Coulibaly (J.M.C.): La rentrée administrative a eu lieu, le 15 septembre 2016. Globalement, l’ensemble des acteurs s’attellent à préparer de façon efficace cette rentrée. Parce que nous avons tous pris conscience que l’année scolaire 2015-2016 a été une année très particulière, avec les différents évènements (la Transition, le coup d’Etat de septembre 2015, les attentats de janvier 2016, ndlr) qui se sont produits dans notre pays. Cela a d’ailleurs amené le gouvernement à reculer la date de certains examens scolaires. Il faut féliciter l’ensemble des acteurs d’avoir bien terminé cette année. Tout le monde est engagé pour que tout se passe très bien dans l’intérêt général du pays. Parce qu’une année qui aurait des difficultés ne servirait pas du tout les objectifs de l’insurrection, de la résistance que nous avons opposée au coup d’Etat.

S. : Le gouvernement a entrepris depuis quelques années, de doter les élèves de fournitures scolaires, malheureusement il se trouve qu’elles arrivent tardivement. Cette année, faut-il s’attendre à des mesures particulières ?

J.M.C. : Nous avons effectivement pris quelques mesures, pour que tout se passe normalement. Mais, les acteurs doivent savoir que l’achat de fournitures ou d’autres éléments au profit de l’éducation, se fait dans le cadre des textes de la commande publique. Tous reconnaissent également que les procédures sont vraiment trop longues. Ce sont ces aspects qui expliquent parfois ce genre de situation. Quand nous sommes arrivés à la tête du département, il y avait un marché sur les manuels scolaires qui a malheureusement été attaqué par l’un des soumissionnaires. Dans ce cas, il est impossible de continuer le processus. Nous avons mis la période de février à juin, pour trancher cette situation. Un marché qui devait être exécuté depuis février-mars, l’a été finalement au mois d’août-septembre. Ce sont autant de difficultés qui nous font accuser des retards. Nous avons demandé à ce que nous sortions de ces genres de situation. Nous avons engagé un grand projet d’informatisation, d’intégration des technologies de l’information dans l’éducation. Le projet débute à partir de la rentrée prochaine.Il comprend un certain nombre de modules. Pour ce qui concerne les manuels, il s’agira de les numériser et de les rendre disponibles sur support. Nous allons ensuite communiquer ce support aux enseignants qui ont un ordinateur portable, ou à la direction régionale, provinciale ou même au niveau de la Circonscription d’éducation de base (CEB). Ce sont autant de mesures que nous avons prises pour réduire l’impact de ces difficultés qui sont incontournables dans le processus de mise à concurrence transparente, dans le cadre de la commande publique. Si les acteurs ne se retrouvent pas et portent plainte, nous ne pouvons que suivre les différents avis jusqu’à l’aboutissement du processus

S. : Pensez-vous que la numérisation est vraiment une solution avec des écoles où parfois on n’a pas accès à l’électricité encore moins à l’outil informatique ?

J.M.C. : Je pense qu’il faut relativiser. Une fois, j’étais à une cérémonie dans un petit village, non loin de Koupéla. J’ai été agréablement surpris de voir des dames qui avaient des portables et qui filmaient la cérémonie. Elles ne savent ni lire, ni écrire. C’est à nous de trouver le meilleur moyen qui soit compatible avec l’état actuel de notre système. Effectivement, il n’y a pas d’électricité. Mais, nous avons par exemple le projet « Une lampe pour l’Afrique » qui octroie des lampes solaires individuelles aux enfants. Ce sont des initiatives comme celle-là qu’il faut développer. Nous devons innover. Il ne faut pas avoir peur de se tromper. Nous devons juste y aller, tenter des choses. Si elles marchent, on les retient. Au cas contraire, nous corrigeons, nous réfléchissons à d’autres solutions.

S. : Les vivres arrivent au 2e voire au 3e trimestre chaque année. Quelles sont les dispositions prises pour éviter ces désagréments aux élèves cette année?

J.M.C. : C’est dans le même ordre d’idées que les fournitures, et c’est toujours le même système de commande publique. En janvier, nous avons voulu faire le point après notre prise de fonction. Il se trouve que le gouvernement de Transition avait fait une commande groupée de près de sept milliards de FCFA, qui devait être livrée dans des magasins. Après cette étape, il faut organiser le transfert vers les écoles. Ce qui est très complexe.
Nous avons des milliers d’écoles, et si nous devons centraliser les cantines à partir de Ouagadougou et ensuite les distribuer dans chaque village du Burkina Faso, nous ne pouvons qu’être en retard. A notre arrivée, les commandes n’étaient toujours pas livrées. Finalement, nous avons eu les vivres en avril et procédé au transfert en mai-juin. J’ai instruit la hiérarchie, de pré-positionner l’ensemble des cantines pour qu’elles servent pour cette rentrée. Dorénavant, il n’y aura plus de commande centralisée au niveau du ministère. Nous avons demandé que le transfert soit confié aux communes que nous assisterons. Par-là, nous voulons aussi valoriser l’agriculture burkinabè. Les communes ont été instruites de faire des commandes avec des groupements de producteurs. Nous les avons invitées à prioriser les commandes nationales. Si, les stocks nationaux ne sont pas suffisants, alors, on ira vers l’extérieur.
Pour montrer notre volonté à le faire, nous avons signé une première convention de près de 3 milliards de F CFA avec un groupement de producteurs de riz. Ils sont en train de les livrer dans les écoles. La raison est que le ministère n’est pas habilité à gérer les vivres. Nous n’avons pas de compétences, ni la logistique pour examiner la qualité phytosanitaire des aliments. Nous n’avons même pas de magasiniers.

S. : Pourtant vous avez un service chargé de ces questions. A quoi sert-il alors ?

J.M.C. : Les ressources humaines affectées au ministère sont principalement des enseignants, des inspecteurs et du personnel d’administration et de gestion. Nous avons d’ailleurs eu quelques problèmes. Nous avons très souvent des produits avariés, tout simplement parce que nous n’avons pas la compétence de gestion de stocks, si bien que nous enregistrons beaucoup de pertes. Or, les producteurs ont des compétences formées à la logistique, à la manipulation et au stockage des denrées. Cette mesure va réduire les frais de magasinage et de transport.
Le deuxième aspect intéressant, c’est le fait d’initier des contrats à ordre de commande. Cela veut dire que les producteurs ne nous livrent pas tout. Chaque école ira chercher ses vivres en fonction de ses besoins du moment. Ce sont les producteurs burkinabè qui vont livrer ces denrées directement aux écoles.

S. : Il semble que sur le terrain, cela pose problème, parce qu’on demande aux parents de s’associer pour le transport. Qu’en est-il ?

J.M.C. : C’était seulement pour cette année, parce que nous avons reçu les vivres en gros. La Transition avait commandé les vivres, mais n’avait pas budgétisé le transport. Puisque les parents sont aussi des partenaires de l’éducation, de façon exceptionnelle, nous avons demandé aux APE qui ont les moyens de venir chercher leurs dotations. Nous n’avons pas de budget pour le transport des cantines. Dans cette situation, le bon sens veut que nous invitions les parents qui peuvent, à venir enlever des vivres pour leurs enfants.

S. : Concernant la gestion des flux, quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la répartition des élèves de la 6e et de la 2de ?

J.M.C. : Il n’y a pas eu de difficultés particulières. Notre dispositif n’a pas encore la capacité requise pour accueillir tous les flux de notre système. L’Etat a la vocation d’organiser un accès universel pour tout le monde, parce que l’éducation est un droit. C’est d’ailleurs ce qui nous conduit à des situations d’écoles sous paillote. Nous essayons de gérer au mieux pour que cela se passe dans les normes. Parfois, ce n’est pas le cas. Mais, nous travaillons à l’améliorer sur l’ensemble des classes de 6eet de 2de. Les répartitions sont faites par région, par province. Mais rien qu’à partir des chiffres globaux, nous savons qu’il nous manque des places. Il va falloir que nous déplacions certains dans d’autres communes, où il y a plus de places, mais peu d’élèves. Nous savons que ce sont des mesures qui réduisent les capacités de l’enfant à étudier, parce qu’il s’éloigne de ses parents. Mais nous n’avons pas le choix. Dans certaines régions comme le Centre où il y a beaucoup d’excès, nous sommes obligés de caser certains élèves en dehors de la région, sinon ils resteront sur le carreau.

S. : La région du Centre est-elle la seule concernée ?

J.M.C. : Non, pas seulement. C’est dans les régions où le taux de scolarisation est faible, qu’on a le plus de places. Sinon, dans la plupart des centres urbains, il y a des problèmes. La concentration est telle que l’offre éducative n’évolue pas au même rythme.

S. : Cette insuffisance de places ne va-t-elle pas favoriser un autre type d’écoles sous paillotte, surtout avec des privés?

J.M.C. : C’est le problème de sureffectif que cela engendre. Parce que nous les envoyons dans les écoles où il y a le minimum. Le gouvernement a pris l’engagement de résorber les classes sous paillotes. Cependant, la déclaration du président Roch Marc Christian Kaboré se base sur l’inventaire des 4 000 classes sous paillotes de l’année scolaire 2014-2015. Cela court jusqu’à la fin du quinquennat. Nous y travaillons. Un certain nombre d’infrastructures sont programmés. Des enseignants seront également recrutés. Tout cela vise à réduire progressivement les insuffisances du système éducatif. En attendant, les Burkinabè doivent accepter que ces problèmes ne se résolvent pas d’un coup de baguette magique.

S. : Un des palliatifs à cette situation, c’était le système de convention. Il se trouve qu’aujourd’hui les promoteurs privés ne sont pas contents de l’Etat. Pourquoi ne payez-vous pas vos factures ?

J.M.C. : L’Etat est une continuité. Nous avons hérité de dettes les concernant que nous avons déjà réglées, mais qu’on n’a jamais évoquées. Ils parlent seulement de ce qui ne va pas. Nous leur avons dit que l’Etat paye toujours ses dettes. Mais 2016 était une année particulièrement difficile. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons instruit nos services de payer, ne serait-ce qu’une partie de la dette pour les soulager à la rentrée. Les retards de paiement sont aussi dus à des lenteurs au niveau des procédures administratives que nous cherchons toujours à améliorer. Nous convenons avec tel ou tel promoteur à qui nous envoyons 100 enfants, mais dans la réalité, il en a reçu 80 ou 50. Certains ne sont pas du tout honnêtes et font croire qu’ils ont reçus les 100. Nous vérifions et corrigeons les imperfections. Et comme, ce sont des situations qui sont faites par région avec des lignes budgétaires aussi par région, on ne peut pas payer pour l’un si l’autre n’est pas en règle. C’est cela qui occasionne les retards. Il faut forcément que tous soient en règle pour qu’on puisse engager l’ensemble des coûts liés à la région sur la même ligne budgétaire. Ce sont ces procédures qui font parfois l’objet de ce genre de retard. Nous avons pris l’engagement de travailler autrement l’année prochaine.

S. : Tout ceci a favorisé la poussée d’établissements privés de façon anarchique, des célibatorium, des salles qui ne sont pas adaptées, parfois même des écoles qui n’ont pas de reconnaissance officielle. Comment faites-vous face à cette situation au niveau du ministère ?

J.M.C. : C’est très difficile, parce que nous ne pouvons pas avoir un contrôle total et exhaustif. Nous faisons des contrôles pour nous assurer du respect et de l’application de la norme. Vu le nombre d’écoles que nous avons, si nous devons contrôler absolument chaque école cette année, nous ne ferons rien d’autre. Nous effectuons donc des sondages, et lorsque nous tombons sur ces cas, le rapport est forcément établi et la structure est fermée lorsque le cahier des charges n’est pas respecté. Mais pour cette question, il faut que les Burkinabè soient aussi plus vigilants.

S. : L’Etat n’ est pas présent partout, n’est-ce pas cela le problème?

J.M.C. : Oui, mais ça ne justifie pas tout. Nous avons des classes de 120 ou 200 élèves où les enseignants trouvent des mécanismes pour dédoubler ou faire des multigrades. Il ne faut pas avoir peur d’envoyer les enfants dans les dispositifs publics. Nous trouvons toujours des solutions parce que des enseignants sont formés pour cela. C’est vrai que ce ne sont pas des conditions idoines, mais ils ont quand même les compétences pour trouver des solutions lorsqu’ils sont confrontés à ce genre de difficultés. Il faudrait aussi que les parents que nous sommes, soyons aussi regardants sur ce que nous mettons en œuvre pour nos enfants. Nous voulons aussi les inviter à nous signaler ce genre de cas afin que nous puissions agir.

S. : Il y a également, les écoles privées de formation des enseignants qui se multiplient partout dans le pays. Le MENA a-t-il un droit de regard sur ces écoles de formation ?

J.M.C. : Le MENA a un droit de regard sur ces écoles de formation privées d’enseignants. Nous avons un cahier des charges. A ma prise de service, nous l’avons révisé pour le rendre plus contraignant. Effectivement, c’était une bonne initiative au départ d’accompagner l’Etat à former les ressources humaines qui vont animer l’enseignement dans les écoles. Mais, très rapidement nous, nous sommes rendu compte que certains l’ont pris comme une activité commerciale. Nous avons dû mettre le holà, en révisant le cahier des charges. Depuis lors, nous avons reçu quelques demandes, mais il n’y a qu’une ou deux autorisations réelles. Sinon en principe, ces promoteurs doivent avoir une autorisation du MENA. Je crois que les établissements qui existent aujourd’hui ont bel et bien une autorisation délivrée par l’administration. Nous allons voir comment celles qui existent vont se conformer au cahier des charges à l’horizon du délai qui a été donné et comment les nouvelles qui veulent se créer remplissent ou pas les conditions afin de leur donner ou pas l’autorisation.

S. : L’actualité au sein de votre département, est marquée par des revendications d’ordre financier, notamment les questions de mandatement et de vacation. Comment le ministère arrive à accumuler autant de dettes ?

J.M.C. : Le président du Faso lui-même l’a dit, le budget que nous avons trouvé n’est pas en phase avec la vision de l’exécutif. Le chef de l’Etat nous a demandé de voir ce qui peut être fait dans le sens du réaménagement budgétaire. Nous avons travaillé dans ce sens et cela a abouti à la première loi de finances rectificative. Quand on est dans un processus de loi de finances rectificative, certaines lignes sont forcément bloquées. On ne peut pas dépenser pendant qu’on réaménage, sinon à un moment donné on risque de ne plus se retrouver. Deuxième raison qui justifie ce retard, c’est la configuration du nouveau gouvernement. Ce ministère prend en charge six niveaux de notre système éducatif. Un travail administratif doit s’opérer, pour organiser la nouvelle structuration. Il faut relire l’organigramme, créer de nouvelles directions, aménager d’autres, faire bouger des agents, effectuer un mouvement sur les ressources, etc. Tout ce travail prend quand même un certain temps et pendant ce temps, les lignes budgétaires ne sont pas accessibles. Si nous prenons la question simple des examens scolaires, nous avions une ligne budgétaire qui s’appelait OCECOS, logé au MESSRS. Dans le nouvel organigramme, elle s’appelle direction générale des examens et concours. Il faut que le travail de modification se fasse, qu’on récupère l’argent qui était dans le budget de l’ex-MESSRS et qu’on l’inscrive dans celui du MENA, etc. Ce sont autant d’opérations qui mobilisent l’ensemble des fonctionnaires de notre ministère et de celui des finances. Toutes ces compétences doivent travailler en concertation pour que le résultat final tienne la route et qu’on ait une visibilité sur les ressources.Nous avons demandé l’indulgence des uns et des autres de nous permettre de conduire à terme cette année. S’ils ont des demandes, qu’ils les reconduisent pour l’année budgétaire 2017 qui est le budget de notre gouvernement et sur lequel nous allons être jugés de façon responsable.

S. : Comment le déblocage peut être aussi coincé pendant que le ministère a les moyens d’offrir 500 000 FCFA d’essence à des responsables syndicaux ?

J.M.C. : C’est parce que cela n’obéit pas aux mêmes procédures. Que nous recevions la ligne carburant du MESSRS ou pas, le MENA ancien avait déjà un budget carburant. Donc, en termes de réaménagements, une telle ligne ne bouge pas. Je vais prendre un exemple sur les cantines scolaires. Nous avions des cantines au niveau du secondaire. Mais cette ligne a été longtemps bloquée, parce que ces cantines ne portent pas le même nom et les contrôleurs financiers n’exécutent pas. S’ils exécutent, c’est comme du détournement puisque vous n’avez pas d’argent correspondant à ce libellé. Mais vous avez fait la dépense. Ce sont de petites questions mais qui font partie de la procédure administrative d’engagement de la dépense de l’Etat. Tant que vous ne changez pas les textes et les règles, vous ne pouvez pas agir car cela vous conduit dans l’illégalité. Vous êtes obligés de vous conformer aux textes. C’est d’ailleurs pourquoi, le parlement a adopté sur demande du gouvernement une mesure dérogatoire de six mois pour simplifier la procédure en attendant de nouveaux textes.

S. : Un des discours que vous avez tenu à votre prise de service, c’est la rationalisation des ressources. N’est ce pas ce qui donne l’impression que vous avez tendance à trop serrer?

J.M.C. : Les Burkinabè doivent savoir que nous avons fait l’insurrection populaire et dit que « plus rien ne sera comme avant », cela ne doit pas être qu’un slogan. Par exemple, pour élaborer les termes de référence, on veut organiser un atelier. Nous disons non, parce que c’est leur responsabilité et ils sont payés chaque mois pour cela. C’est comme si un enseignant demande du carburant pour aller en classe. Il y a des pratiques que nous avons estimées anormales. Là où c’est nécessaire, je l’autorise, au cas contraire non. C’est la même chose pour la répartition du carburant. Si nous voulons le réel changement, nous devons accepter qu’il s’applique en priorité à nous.

S. : Un autre constat est qu’il y a des pléthores d’enseignants dans l’administration, et dans les centres urbains, pendant qu’à l’intérieur du pays, il y a insuffisance de personnel. Peut-on espérer une gestion plus rationnelle du personnel ?

J.M.C. : Le premier défi de notre département dans son envergure actuelle, c’est la gestion des ressources humaines. Ce que vous dites est juste. Mais j’utilise plus le terme de mauvaise répartition. A mon arrivée, j’ai commandité un audit sur les effectifs d’enseignants dans la région du Centre. Il est ressorti que c’est la répartition qui n’est pas bonne. Si l’on prend une CEB donnée, il y a des écoles à une classe avec 2 enseignants. Dans la même zone, vous trouvez une autre qui a six classes, mais où il manque 2 ou 3 enseignants. La bonne répartition voudrait que l’enseignant qui est de trop de l’autre côté, soit affecté là où il y a un déficit. L’autre problème est que tout le monde veut être affecté au Centre. Ceux qui dénoncent les pléthores, ne veulent pas être affectés ailleurs.

S. : La conférence pédagogique a lieu. Est-ce que vous aviez reçu l’engagement de tous les acteurs à y participer?

J.M.C. : Il faut nuancer, parce que jusqu’à vendredi (16 septembre) soir, j’ai reçu le Syndicat des encadreurs pédagogiques (SNEP). Je leur ai témoigné toute ma disponibilité à accompagner la satisfaction de leurs revendications. Seulement, il y a une question simple sur laquelle nous n’avons pas la même vision. Quand je suis arrivé, il n’y avait presque pas de budget pour ces conférences (qui concernent les enseignants, les directeurs et conseillers, le personnel administratif…). Ce sont des mesures de formation continue qui vont améliorer le professionnalisme des ressources humaines. Nous nous sommes battus pour avoir une dotation avec la loi de finances rectificative. Cette allocation ne permettait pas de tenir toutes les conférences telles qu’elles étaient prévues. Nous avons demandé au directeur concerné, de discuter avec les partenaires sociaux pour ce que nous pouvons faire avec les moyens du moment. Leur réponse a été que c’est de la responsabilité de l’autorité. Donc, j’ai pris mes responsabilités. J’ai échangé avec mes services pour connaître les points utiles. Nous avons convenu de la tenue de la conférence des enseignants. La raison est que, quand on est encadreur on a un certain niveau. Ce n’est pas parce qu’on a été privé une seule année scolaire des bénéfices d’un renforcement de capacités que cela devient un problème insurmontable. La réponse du SNEP a été que, dans une famille, s’il n’y a pas à manger, tout le monde est à jeun. Ma conception est que s’il n’y a pas à manger, le père de famille que je suis, priorise ses enfants. Je les ai invités à nous accompagner. J’attends de voir si le message est entendu. Si ce n’est pas le cas, j’en tirerai toutes les conséquences. De toute façon, je les réinviterai au dialogue. L’éducation ne peut pas être de qualité sans eux. Nous avons besoin de tous les acteurs. Un ministre n’a aucun intérêt à ne pas tenir une conférence. Cela ne peut que m’apporter des problèmes et à titre personnel, ce n’est pas important. C’est le déficit d’instruction que cela apporte à nos enfants.

S. : Les récentes nominations ont créé des mécontentements, des conflits de compétences sur le terrain. L’organigramme du département est indexé, jugé « inadapté, inopérant, conflitogène, et en contradiction avec la loi d’orientation » par certains syndicats. Partagez-vous cette opinion ?

J.M.C. : Je ne partage pas tout à fait cet avis, parce qu’ils ne disent pas concrètement en quoi et à quel niveau cet organigramme pose problème. Beaucoup nous ont écrit, envoyé des lettres ouvertes, mais sans propositions concrètes et sans préciser là où ça coince. J’ai mis en place un comité de façon informelle afin d’identifier les points qui posent problème. Mais ce qui est quand même surprenant, c’est que tous les organigrammes sont complétés par ceux dits spécifiques, sur lesquels nous sommes en train de travailler. Ce travail prend du temps. Ces organigrammes spécifiques n’ayant pas encore été publiés, je ne sais pas sur quelle base ils disent que l’organigramme global pose problème. J’invite tous ceux qui ont exprimé ce type d’observation à apporter leur contribution et à nous signaler très concrètement à quel niveau, il y a problème. Il me suffira alors de ramener le dossier en Conseil des ministres. Le gouvernement prendra le décret qui l’organise conformément aux améliorations souhaitées.

S. : Mais de façon pratique, en quoi un inspecteur du secondaire par exemple, est supérieur à celui du primaire ?

J.M.C. : Vous ne pouvez pas faire des comparaisons, de choses qui ne sont pas comparables. Il n’y a pas de lien hiérarchique entre les deux, ce sont des niveaux différents. Ce qu’ils relèvent et qui est la réalité, c’est qu’en termes d’emploi, la fonction publique consacre des grades qui établissent une certaine hiérarchie. Mais dans le cadre d’une nomination, cela n’est pas opérant. Partout, la fonction prime sur le grade. Si ce n’était pas le cas, je ne serai pas ici, parce que je ne suis pas le plus gradé. J’estime que nous devons sortir de ces considérations. L’essentiel est que nous travaillions à mettre en place une éducation de qualité pour nos enfants. Ce sont des comités qui ont rédigé les organigrammes. Leur travail a été encadré par le décret portant organigramme du département ministériel. Maintenant, si l’on estime que la réflexion a été insuffisante, on peut l’améliorer ; il n’y a pas de tabou.

S. : Vous avez hérité du continuum qui est en œuvre depuis 2 ans. La politique du gouvernement actuel consiste-telle à continuer ou y a-t-il des recadrages ?

J.M.C. : Il y a nécessairement des recadrages qui ont été faits, parce que ce système nous a mis dans des situations déplorables. Ce n’est pas la finalité de la réforme qui est en cause, c’est plutôt sa mise en œuvre. Quand l’application n’est pas maîtrisée, on aboutit à des résultats contraires. L’idée du continuum est bonne, nous devons tirer les leçons du chemin parcouru, ayant en tête que tous les Burkinabè doivent achever le primaire et dessiner ensemble la solution.

S. : Qu’est-ce qui est fait pour qu’on ne vive plus les situations d’incivisme en milieu scolaire ?

J.M.C. : L’incivisme ne relève pas que de l’école.Toutefois, l’école fera sa part. Nous avons initié, en partenariat avec les ministères de la Culture et de la Communication, un projet visant à mettre en compétition les différents établissements d’enseignement post-primaire et secondaire. Nous allons inviter les enfants à faire des productions sur la question du civisme, l’éthique, le vivre- ensemble. Nous allons primer les meilleurs et diffuser les productions. Nous avons aussi recommandé aux directions, de réintroduire l’enseignement de cette question au niveau du post-primaire et du secondaire. En plus, je dis invariablement, qu’il faut que chacun prenne conscience que ce sont les exemples que nous donnons qui forgent l’incivisme ou le civisme. Si je brûle le feu, j’incite le jeune aussi à le faire.

S. : Quel est votre message à l’ensemble des acteurs du système éducatif à cette rentrée scolaire ?

J.M.C. : Je dis tout simplement que c’est ensemble que nous allons arriver à mettre en place et à réaliser une éducation de qualité pour tous les Burkinabè. Ce n’est pas la responsabilité du seul gouvernement, des seuls parents, ou d’un seul acteur. Je voudrais réitérer ma disponibilité entière et totale, à l’ensemble des acteurs afin que nous discutions toujours pour trouver des voies et moyens d’améliorer notre travail au service des Burkinabè. Je suis fier de ce qui se passe. Si vous regardez les Burkinabè à l’étranger, dans d’autres systèmes, ils se comportent plutôt très bien, à ce qu’on dise. Ils ne peuvent pas être bons à l’extérieur étant sortis d’un système médiocre. Nous avons des difficultés certes, mais il ne faut pas qu’on ait toujours le focus que sur nos problèmes. Nous devons aussi voir ce qui marche bien, rien que pour nous encourager nous-mêmes. Je voudrais dire aux acteurs que nous devons avoir confiance en nos capacités. Nous devons prendre des risques, nous engager à avoir le meilleur, ne pas se contenter de la routine. C’est ainsi que nous aurons le changement que nous appelons de tout cœur. Ce n’est pas dans l’immobilisme ou dans une concertation interminable que nous allons obtenir gain de cause. Il y a un moment où il faut agir. Je souhaite que l’ensemble de la communauté éducative accompagne cette façon de faire et attire l’attention lorsqu’il y a des difficultés, pour qu’ensemble nous les aplanissions. Il y va de l’avenir du pays.


Interview réalisée par :
Assétou BADOH
Djakaridia SIRIBIE
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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