Le Syndicat burkinabè des Orpailleurs artisanaux et traditionnels (SYNORARTRAB) souhaite que l’Etat accompagne les travailleurs des sites aurifères par une "réelle politique d’encadrement" du secteur qui emploient environ "six millions de personnes", selon son vice-président Moustapha Souly, dans une interview à ALERTE INFO.
Quand a été créé votre syndicat et qu’est-ce qui explique la mise en place d’une telle organisation dans ce secteur artisanal ?
Le Syndicat des orpailleurs a été créé en 2008. On a été obligé de le créer parce qu’on subissait beaucoup d’injustice. On considérait, à certain moment, les orpailleurs comme des esclaves. On ne comptait pas. Nous n’avions pas de répondant face à nos multiples préoccupations. Les détenteurs des permis d’exploitation artisanale ne faisaient pas bon ménage avec les orpailleurs. Ils nous faisaient de la force car une fois que tu retrouves l’or, tu n’avais plus aucun droit sur le métal.
Donc les orpailleurs se sont d’abord affiliés à l’ONSL (Organisation des Syndicats libres du Burkina) qui nous a aidés à avoir le récépissé. Après l’obtention du récépissé, les membres vivaient toujours dans la clandestinité. Moi j’ai été mis en prison deux fois. Ceux qui ont commis ce forfait voulaient m’obliger à démissionner. Or sans ce syndicat, il valait mieux que nous, orpailleurs, cessions notre travail parce que nous n’allions pas nous en sortir.
Quelles sont les injustices dont vous venez de dénoncer ?
Il n’y avait pas de consensus en ce qui concerne le marché de l’or. Les acheteurs fixent leur prix en ne respectant aucune logique. Cela sous le couvert de la loi. Et nous ne comprenions pas le code minier à l’époque qui stipulait que le propriétaire du permis d’exploitation était propriétaire de tout sur son aire d’exploitation. Alors sur cet exemple et bien d’autres qui ne prenaient pas les préoccupations des orpailleurs qui sont les acteurs au premier plan, nous avions initié des rencontres avec les autorités depuis l’ère du régime de Blaise de Compaoré (évincé du pouvoir le 31 octobre 2014 à la suite d’une manifestation violente) d’abord avec le ministre des Mines Kader Cissé. Après nous avons continué les négociations avec le ministre Salif Lamoussa Kaboré qui a abouti à un protocole d’accord.
Chez nous au Burkina, la loi est trop sévère pour les orpailleurs. Il faut que les autorités assouplissent les lois autour de l’exploitation artisanale.
Et dans ce protocole d’accord, on n’a pas traité la question des produits chimique comme le cyanure qu’on utilise pour extraire les débris qu’on jetait. Et cela parce qu’on a découvert que ces débris contenaient les 75% de l’or que nous sortons de terre et qu’on n’exploitait pas. Les autorités et des organismes non gouvernementaux ont dénoncé cette pratique car elle empoisonnait l’environnement, en l’occurrence les eaux des fleuves. Ce qui nous a amené à reconnaitre que cette pratique était dangereuse pour nous même d’abord et à demander que les autorités nous aident par un encadrement conséquent. Nous avions même proposé au ministère d’envoyer au moins cinq personnes par province (avec un total de 45 provinces au Burkina) pour être former par des techniciens du domaine.
La loi interdit l’utilisation du cyanure, c’est vrai, mais si on encadre les orpailleurs vous allez voir qu’il n’y aura pas de risque. Par exemple les produits chimiques entrant dans le cadre de la culture du coton sont plus dangereux que ceux que nous utilisons, mais les encadreurs agricoles ont pu avec une bonne politique encadrer des milliers de cultivateurs qui font la culture du coton sans problème. Donc il faut une réelle politique d’encadrement pour aider les orpailleurs. Et nous estimons cela super nécessaire car il y a environ six millions de personnes qui pratiquent l’orpaillage. Même la plupart des cultivateurs se sont convertir maintenant dans cette pratique. Sur ce chiffre des six millions de personnes vous pouvez faire un sondage sur terrain et constater avec d’autres confrères qu’il pourrait être même dépassé. Si dans une province il y a 100.000 habitants, c’est que les 70.000 sont des orpailleurs.
Quel est l’impact des activités de l’orpaillage sur la vie socio-économique du pays ?
Les impacts sont énormes. Vous avez toutes les catégories de personnes: analphabètes naturellement, des lettrés ou diplômés ayant le baccalauréat et même plus. On a eu des inspecteurs qui ont démissionné et venir travailler sur les sites. Nous pouvons donc dire avec force que l’orpaillage contribue fortement à la vie socio-économique des Burkinabè. Il contribue largement à la diminution du chômage des jeunes. Nous sommes en train de préparer des documents qui seront bientôt mis à votre disposition sur ce point.
Est-ce que votre organisation a fait des réalisations précisément sur les villages où vous travaillez ?
Notre syndicat s’illustre par des dons d’ouvrages utiles aux populations. A titre d’exemple, notre Organisation a offert: des logements pour maîtres à Alga, des bornes fontaines (14 pompes et deux châteaux d’eau), une ambulance, des décortiqueuses à des associations féminines de Tikaré, dans la province du Bam (Centre-nord) et dans cette même province des motos (32) ont été données à des responsables des villages dont deux mises à la disposition du commissariat de Bourzanga.
On a réalisés trois forages et un pont pour les populations de Nafo, Manga, Ipalla, Nakombo et un Kongoussi toujours au Centre-nord, un puits à grand diamètre pour sécuriser les orpailleurs et une prise en charge de la cantine scolaire à Guikando à Gaoua (Sud-ouest), une école de quatre classes et deux forages à Mongnoré à Bittou (Centre-est). Dans les cascades à l’Ouest du pays, dans le village de Fougougouais, on a construit un Centre de Santé et de Protection sociale (CSPS) et un logement pour infirmiers en plus de deux classes pour l’éducation de nos enfants. En ce qui concerne le reboisement, on le réalise chaque an.
Que pensez-vous du travail des enfants sur les sites miniers, dénoncé à mainte reprise par des ONG ?
Nous ne rejetons pas systématiquement ce fait. Mais vous voyez tous les vices ont été importés sur les sites. Il faut savoir qu’actuellement bon nombre d’organisation ont mis le cap de leur lutte sur les sites miniers car le secteur est porteur et riche. Sinon même dans les villes il y a ces mêmes pratiques mais elles n’ont pas les mêmes échos que celles des sites aurifères. Le syndicat, à son niveau, peut organiser chaque an au moins une vingtaine de séances de sensibilisation de ses membres sur les aspects comme les pires formes de travail des enfants, le reboisement et bien d’autres maux.
D’abord sur cette question, ceux qui travaillent sur les sites ne sont pas nés sur ces lieux. Les parents amènent leurs enfants avec eux parce que là, ils sont sûrs de pouvoir les surveiller de près. Un enfant qui n’a pas plus de quinze ou seize ans, que peut-il faire comme travail rentable sur un site aurifère ? Est-ce qu’un tel enfant peut rentrer dans un trou de 50 à plus de 100 mètres de profondeur et creuser ? Les jeunes qui ont 20 à 25 ans ne peuvent même pas dépasser les 50 mètres à fortiori des enfants. C’est seulement un système commercial que des organisations, à travers des projets, mettent en place pour s’enrichir. Bon nombre de ces ONG font des montages, avec des complicités, ils installent par endroit des centres à l’aide de bâches où des constructions de fortunes sur les sites où ils envoient quelques enfants qu’ils photographient et partent montrer ça comme pièce à conviction. On en a vu plusieurs cas.
Si vous faites un tour sur les sites aurifères, vous allez vous rendre compte que chaque matin les enfants se rendent à l’école. Si l’école est loin, les parents achètent des vélos pour eux. Certains qui ont des véhicules accompagnent leur enfants jusqu’à leur établissement. Dans des sites nous avons fait même des garderies où c’est obligé que chaque femme laisse son enfant dans ce camp avant d’accéder au site. A certains endroits on a même fait des écoles mobiles avec des tentes déplaçables. L’exemple patent est Batié (au Sud-ouest) où d’écoles mobiles, on est arrivé à construire une vraie école sur place en 2010.
Combien de site d’orpaillage enregistre-t-on au Burkina ?
Il faut noter que les sites sauvages sont les plus nombreux. Si on fait une statistique en tenant compte des sites sauvages, on a environ 1.500 sites. C’est la lenteur où la difficulté de rentrer en possession d’un permis d’exploitation qui explique en partie cet état. Nous avions interpellé le gouvernement sur ce désordre. Et cela nécessite une franche collaboration entre les détenteurs de permis d’exploitation et les orpailleurs. En plus, cela encourage la fraude puisque sur ces sites il n’y a pas de responsable.
Depuis l’insurrection populaire (des 30 et 31 octobre), le travail se fait avec trop de désordre. Il n’y a pas d’organisation. De nos jours peut-être seulement 60 sur les 1.500 sites sont reconnus officiellement et légalisés. Donc vous voyez l’écart. Mais comme je l’avais dit, les conditions d’obtention des permis d’exploitation ne sont pas à la portée des orpailleurs. Et même ceux qui prennent leur courage à deux mains pour l’obtention de leur agrément sont souvent découragés par le long temps d’attente.
Avez-vous été rencontrés par les nouvelles autorités ?
Les nouvelles autorités ne nous ont pas encore rencontrés. Nous-mêmes, nous cherchons à les rencontrer. C’est l’Assemblée nationale qui nous a rencontrés à propos du nouveau code minier afin que nous exposions les problèmes auxquels nous faisons face. Sous la transition, quand on élaboration le code minier, le Conseil national de la Transition (CNT, organe législatif) nous avait également reçu. Actuellement, on nous a associé pour l’élaboration des textes d’application du document. Pour ça déjà on remercie ces autorités parce que c’est souvent ce qui manque, et les lois sont décriées. Comme je vous l’avais cité ci-dessus.
Comment se font souvent les dédommagements des terrains que vous occupés ?
Quand nous découvrons l’or dans le champ ou la propriété d’autrui, avant même d’accéder à ces lieux, nous faisons allégeance au chef du village, au Comité villageois de Développement (CVD), le Conseiller du village et enfin le propriétaire terrien pour qu’on s’entende avant qu’on y accède au lieu. A partir de cette entente, nous dédommageons le propriétaire et la valeur de la donne peut évoluer en fonction de, si on n’a trouvé l’or ou pas. Il faut ajouter qu’on dédommage le propriétaire terrien soit en nature, c’est-à-dire l’or ou de l’argent. Deux mètres carré font 100.000 francs CFA pour le propriétaire terrien. Dans ces deux mètres carré la commune gagne 25.000 FCFA et les eaux et forêts 25.000 F également pour le fait qu’on utilise le bois. En plus de cela quand tu veux aller couper le bois tu dois avoir un papier d’autorisation qui limite ou précise les espèces et le nombre de bois que vous allez couper. Mais dans l’ensemble nous n’avons pas de problème avec les propriétaires terriens.
Qu’est-ce qui expliquent souvent les éboulements sur les sites aurifères ?
Cela est vrai, nous déplorons et le regrettons amèrement. Nous avons eu un nouveau système qui consiste à maintenir les trous avec du béton. Et cela depuis qu’on a initié ce système il n’y a pas eu d’éboulement. Généralement les éboulements surviennent dans les nouveaux parce que rien n’est bien organisé. Les trous à béton appelé puits à béton, non seulement cela sécurisent les trous et permettent une nette diminution des dépenses.
Les orpailleurs ont changé leur manière de travailler. Actuellement on ne creuse plus de façon sauge les trous. On les maintiens avec du béton désormais. Cela rend le travail moins couteux, nous protège et protège l’environnement. Donc nous modernisons au fur et à mesure les techniques que nous utilisons. Ce qui même nous encourage à scolariser nos enfants afin qu’ils ne connaissent pas les mêmes souffrances que leurs parents ont connu dans ce travail.
Sinon je peux dire que l’orpaillage est une pratique propre au Burkina. Si vous partez dans les pays de la sous-région comme le Niger, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, la Guinée Conakry, le Sénégal, le Libéria et même au Cameroun et au Congo Kinshasa, ce sont des milliers de Burkinabè qui y pratiquent l’orpaillage. Comme ils ont la maîtrise et le courage de faire ce travail-là, partout ils excellent. Dans ces pays, ce sont nos compatriotes qui sont mêmes les professionnels et arrivent à contribuer à la construction de notre nation.
Et la consommation des stupéfiants sur les sites ?
C’est comme ce que je vous le disais tous les vices (cigarettes, drogues, les liqueurs de toutes natures, la prostitution, entre autres) sont importés des villes (centres urbains). Les principaux acteurs y voient en ces lieux un marché florissant pour leurs affaires. Ce que nous pouvons faire, c’est de sensibiliser, éduquer et conscientiser. Nous leurs disons que leurs parents et proches seront fiers d’eux à condition qu’ils réussissent et leurs fassent des dons afin qu’ils les bénissent en retour. Aucun parent ne veut entendre que son enfant est allé sur un site aurifère et revenir en cadavre.
Alors, nous les sensibilisons à ce qu’ils s’entendent avec les autochtones des villages. C’est la même chose pour les autorités locales. Nous ne nous lasserons jamais, car ce sont nos enfants et nos frères. Nous demandons sur ce point que le gouvernement nous aide avec des moyens et de l’encadrement pour mieux réussir notre mission. Si on a ces deux éléments nous pouvons faire des exploits. Nous demandons au gouvernement de plus dialoguer avec le syndicat afin qu’on mette de l’ordre au désordre. Notre ministère à des techniciens qui peuvent considérablement nous apporter leur aide par l’encadrement que je réitère une fois de plus.
BBO