L’angoisse est au plus haut point chez beaucoup de chauffeurs du Burkina Faso, notamment de Ouagadougou, qui ont modifié le moteur de leurs véhicules pour qu’ils consomment du gaz butane à la place de l’essence.
Un souci d’économie est à la base de cette pratique dans la mesure où le gaz est nettement moins cher que l’essence, mais il se trouve que l’Etat qui subventionne le gaz pour seulement son usage domestique s’est senti floué et a enjoint les conducteurs de cesser de ruser avec lui en retournant à l’essence.
Après plusieurs rounds de négociations et des reports, l’Etat s’est montré intransigeant en décidant d’appliquer le retour à l’essence à la date du 30 octobre prochain. Une perspective peu réjouissante pour les chauffeurs qui s’étaient détournés de l’essence et du gasoil dont le litre coûte respectivement 602 et 526 FCFA pour le gaz butane dont la bombonne de 2kg coûte 2000 FCFA et celle 12 kg 5000 FCFA.
Ces prix abordables s’expliquent par la subvention opérée sur ces deux produits par l’Etat, soucieux de préserver le maigre couvert végétal du pays et d’améliorer le portefeuille des ménages. Roublards et imaginatifs, certains conducteurs ont profité de l’occasion en modifiant leurs moteurs pour qu’ils consomment du butane.
Le jeu en vaut la chandelle, à en croire Abdoulaye Gassabé, chauffeur de taxi. «Mon véhicule avait un moteur diesel. J’ai constaté que ça n’allait pas du tout, parce que je ne parvenais pas à faire de recettes, raison pour laquelle j’ai opté pour le gaz », confesse-t-il, assurant qu’avec une bombonne de gaz de 12kg (5000 FCFA) il peut rouler deux à trois jours là où il lui aurait fallu dépenser quatre à cinq fois plus d’argent si c’était de l’essence pour faire le même kilométrage.
Si Abdoulaye Gassabé s’est mis au gaz butane depuis six ans, Léonard Yaméogo, un chauffeur de taxi, sillonne depuis 10 ans les rues de la capitale burkinabé avec son véhicule au moteur "modifié''.
L’opération n’a pas de secret pour certains chauffeurs comme Abdoulaye Gassabé qui dit s’en être lui-même acquitté. La recette ? Il la donne en mille : « Il suffit de connecter le moteur du véhicule avec un petit appareil. Ainsi une fois en marche, c’est la vapeur de l’eau chauffée par le gaz qui fait fonctionner le véhicule ».
Moins ingénieux que Abdoulaye, d’autres chauffeurs sont voir leur mécanicien dont Idrissa Compaoré qui réclame 100.000 FCFA à 225.000 FCFA pour traficoter un moteur.
Tous les véhicules qui circulent avec de l’essence peuvent s’adapter au gaz butane, assure-t-il avant d’expliquer que «pour le montage, il y un raccord armé avec le clapet de chauffage qui communique avec le courant de la batterie (…) » et que c’est là qu’il faut agir.
Jaloux de sa recette, il n’en dira pas plus, ajoutant seulement que «quand on monte dans un taxi et que l’on sent l’odeur du gaz (la bombonne est placée dans le coffre à bagages), c’est que le clapet et défaillant».
Le seul problème dans cette opération réside dans le fait qu’un moteur modifié ne peut plus revenir à l’essence et que pour ce faire « il faut carrément changer le moteur». Foi de ce chauffeur d’après qui le coût d’un moteur tourne autour de 750.000 FCFA.
Face à ce casse-tête pour certains de leurs collègues, disant être dans l’incapacité de débourser pareille somme, des responsables syndicaux des taximètres ont suggéré à l’Etat de leur faire des prêts. Une perspective peu appréciée de certains taximen qui veulent qu’on leur laisse avec leur moteur à gaz butane.
Niet a dit l’Etat, au motif que d’une part le gaz c’est pour les ménages et, d’autre part, son usage dans un véhicule expose les passagers à des « dangers multiples ». D’où, il n’est plus question de laisser circuler au Burkina Faso les voitures à gaz butane.
ALK/cat/APA