Comme on le redoutait, la journée du 19 septembre dernier s’est révélée celle de tous les dangers en RD Congo où l’opposition avait appelé ses militants à des manifestations dans plusieurs villes du pays pour appeler au respect des délais constitutionnels pour l’organisation des élections. En effet, de violents heurts ont opposé les manifestants aux forces de l’ordre, occasionnant des pertes en vies humaines dans les deux camps, selon plusieurs témoignages recueillis sur place. Le ministre de l’Intérieur dresse un bilan provisoire de 17 morts dont trois policiers, alors que l’opposition avance le chiffre de 35 morts. Pour l’heure, et comme il est de coutume dans pareille situation, les deux camps se rejettent la balle. Mais au-delà de savoir comment ces manifestations censées être pacifiques, ont pu dégénérer au point d’entraîner un tel bilan macabre, la question que l’on pourrait se poser est de savoir si Joseph Kabila saura tirer toutes les leçons de cette forte mobilisation de l’opposition contre son éventuel candidature pour un troisième mandat, lui qui est constitutionnellement disqualifié pour se succéder à lui-même, au terme de son deuxième et dernier mandat. Va-t-il enfin faire preuve de sagesse et assouvir la soif d’alternance des Congolais, ou bien va-t-il s’accrocher à son fauteuil contre vents et marées ?
En choisissant la répression féroce, Kabila dévoile encore un peu plus, ses intentions de ne pas quitter le pouvoir au terme de son mandat
En tout cas, tout porte à croire que le président congolais est dans la deuxième hypothèse, c’est-à-dire celle de la logique de confiscation du pouvoir et qu’il est prêt à utiliser tous les moyens de répression possibles pour parvenir à ses fins. Pour s’en convaincre, il suffit de constater ce qui a été servi ce lundi noir aux manifestants qui voulaient simplement lui rappeler, en cette date symbolique, que son mandat légal finissait dans quatre-vingt-dix jours et qu’il avait le devoir de travailler à passer la main et à respecter la Constitution, comme il s’était juré de le faire à sa prise de fonction. Mais en choisissant la répression féroce, Kabila dévoile encore un peu plus, ses intentions de ne pas quitter le pouvoir au terme de son mandat. D’autant plus qu’à la lecture des derniers événements, il semble marcher dans les pas de tous ses pairs qui ont jusqu’ici usé des mêmes stratagèmes pour se maintenir indûment au pouvoir, et qui se particularisent par leur caractère taiseux. Or, en la matière, Joseph Kabila est pratiquement muet comme une tombe, esquivant soigneusement la question (sera-t-il candidat à la prochaine présidentielle ?) pour ne pas tomber le masque avant l’heure. Et c’est ce silence assourdissant qui trahit sa volonté de ne pas respecter son serment vis-à-vis de la loi fondamentale de son pays. Malheureusement, aidé dans son aventure périlleuse par des Raspoutine qui ne sont mus que par des intérêts œsophagiques. Et laissant le soin à ses officines et aux institutions qui lui sont inféodées, de faire la sale besogne à sa place. Aussi, malgré les mises en garde de la Communauté internationale, notamment l’Oncle Sam, sur le recours à la violence lors des manifestations, ou encore Amnesty International qui dénonce une « répression systématique » des opposants au maintien au pouvoir de Joseph Kabila au-delà de la fin de son mandat, ce dernier ne s’est pas embarrassé de fioritures pour faire couler le sang d’innocentes personnes dont le seul tort aura été de lui demander le respect strict de la Constitution de son pays. C’est tout dire de l’homme et de ses ambitions. Et pour ceux qui en doutaient encore, Joseph Kabila vient de faire la preuve qu’il est tout, sauf un démocrate, et qu’il est prêt à marcher sur les cadavres de ses compatriotes et de quiconque voudrait contrarier ses plans, pour sauvegarder son fauteuil.
Le peuple congolais est loin d’avoir dit son dernier mot
Comme Pierre Nkurunziza au Burundi, comme son voisin Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville, Joseph Kabila a choisi la force pour se maintenir au pouvoir en RD Congo. L’opposition congolaise est avertie. Et à travers la répression du 19 septembre dernier, elle doit mesurer toute la dimension de sa tâche, si elle veut réussir à déboulonner Joseph Kabila de son piédestal. Car, en plus du courage, il lui faudra un véritable engagement patriotique pour réussir à barrer la route aux velléités monarchiques d’un Kabila qui a définitivement opté pour le pis-aller. Pour cela, l’opposition devrait compter d’abord et avant tout sur elle-même et s’organiser en conséquence. Car, Kabila semble avoir une longueur d’avance sur elle, dans l’exécution de son plan machiavélique dont la première phase a consisté à se faire octroyer une certaine légitimité par la Cour constitutionnelle, en s’attribuant en l’occurrence un bonus. Après cela, l’on ne sera pas étonné qu’il en arrive à une modification constitutionnelle pour s’ouvrir le chemin d’un troisième mandat, après son pseudo-dialogue que beaucoup de ses compatriotes rejettent comme une potion amère. D’autant plus qu’il ne fait plus l’ombre d’un doute, que le glissement électoral qu’il recherchait pour se remettre en selle, est désormais un acquis pour lui. Mais Kabila aurait tort de penser qu’il a partie gagnée. Car, le peuple congolais est loin d’avoir dit son dernier mot. Il a ouvert les hostilités, mais bien malin qui saurait en prédire l’issue. Car, quelle que soit la force d’un dictateur, il n’a jamais pu venir à bout d’un peuple déterminé. Le peuple a toujours le dernier mot. C’est une question de temps. Et avec les événements d’hier, l’on peut dire que le compte à rebours a commencé en RD Congo.
« Le Pays »