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Putsch 16 septembre 2015 au Burkina : Un Conseiller à la présidence plaide pour la "prise en charge des enfants des victimes" (ITW)
Publié le mardi 20 septembre 2016  |  Alerte Info
Politique
© aOuaga.com par Séni Dabo
Politique : l`AJIR face à la presse
Lundi 25 avril 2016. Ouagadougou. Les premiers responsables de l`Alliance des jeunes pour l`indépendance et la république (AJIR) ont animé une conférence de presse sur les élections municipales du 22 mai prochain et l`actualité socio-politique nationale. Photo : Adama kanazoé, président de l`AJIR




Adama Kanazoé, Conseiller spécial du chef de l’Etat burkinabè Roch Kaboré, par ailleurs président de l’Alliance des Jeunes pour l’Indépendance et la République (AJIR) plaide pour la "prise en charge des enfants des victimes" décédées à la suite du putsch manqué de l’ex-garde présidentielle (RSP), survenu le 16 septembre 2015, "jusqu’à ce qu’ils deviennent des hommes", dans un entretien à Alerte Info.

Que représente la date du 16 septembre 2015 pour vous ?

C’est une date qui me procure beaucoup d’émotion. Aujourd’hui nos premières pensées sont vraiment pour nos sœurs et nos frères qui sont tombés sur le champ d’honneur pour la défense de la mère patrie, de la démocratie et de la liberté. Nos prières sont que leurs âmes reposent en paix et que nous puissions ici-bas continuer de fortifier ce qui a constitué pour eux un rêve pour lequel, ils ont consenti un sacrifice suprême.

C’est une date qui fait partie du patrimoine national. C’est une date qui doit être commémorée chaque année parce que ça marque définitivement la décision du peuple burkinabè de faire de la démocratie une réalité. Ça marque la résistance d’un peuple face à une forfaiture, face à des forces rétrogrades, nostalgiques d’un passé à jamais révolu, qui par tous les moyens ont essayé à travers leur bras armé qui était l’ex-RSP de ramener au pouvoir un clan. L’attitude du RSP face à l’armée républicaine, loyaliste a clairement montré que nous avons à faire à des renégats. C’est une date qui mérite une commémoration des plus sincères, sobres mais surtout avec une grosse pensée pour ceux-là d’entre nous qui ont consenti un sacrifice suprême.

Comment avez-vous appris le coup d’Etat et où étiez-vous en ce moment ?

Ce jour-là j’étais avec un autre chef de parti de l’ex-opposition. Nous étions en train de nous entretenir sur les élections qui étaient prévues dans les jours qui devaient suivre. Moi, je l’ai appris au téléphone. J’ai été informé de ce qui se passait au niveau de Kossyam (palais présidentiel) et toute suite on a pris des dispositions pour essayer d’avoir le maximum d’informations et mobiliser les camarades.

On a tenu une réunion au siège du parti, à la recherche rapide de réponse adéquate, parce qu’en son temps nous considérions cela comme quelque chose d’inacceptable, surtout pour un peuple qui s’est battu les 30 et 31 octobre (2014) pour obtenir le départ d’une dictature de 27 ans, un peuple qui aspire désormais à la justice à la liberté. Il était impossible pour nous d’accepter de telle situation. Il y a eu ce préparatif au niveau du parti et ensuite nous avons pris les dispositions pour mettre à l’abri le chef de parti, mettre à l’abri tout ce qui devait l’être et organisé la résistance par tous les moyens.

Selon vous ce coup d’Etat était-il prévisible et évitable comme le disent certaines personnes ?

Ce coup d’Etat était prévisible. Prévisible dans le sens où on était tous d’accord sur une chose. Quand le peuple a fait tomber le régime Compaoré qui avait trois profils différents qui sont l’aspect politique, financier et militaire, on savait qu’il existait encore au niveau militaire une force, le RSP, qui était fidèle à ce régime. Plusieurs voix s’étaient levées, d’ailleurs, pour qu’on trouve solution à cette unité (d’élite) qui n’avait vraiment pas beaucoup de chose à avoir avec la République. Tout le monde savait que si coup d’Etat devait y avoir un jour, s’il pouvait y avoir un brin d’espoir des nostalgiques de l’ancien régime de revenir aux affaires, c’était forcément à travers un coup de force du RSP.

On n’a pas été surpris, surtout qu’il y a eu des prémisses. Il y a eu déjà plusieurs tentatives, irruptions dans de différents Conseils des ministres. Il y a eu des prétendues tentative d’arrestation du Premier ministre en son temps (le général Yacouba Isaac Zida). Dans ce contexte on pouvait s’attendre naturellement à ce que ces forces du mal, comme l’a su bien qualifié le président (de la transition) Michel Kafando, allait tôt ou tard passer à l’acte.

Je pense que c’est en désespoir de cause d’ailleurs que finalement le général (Gilbert) Diendéré et ses hommes sont passés à l’acte parce qu’il fallait bien qu’ils tentent quelque chose, mais en réalité le contexte ne s’y prêtait pas et les élections qui étaient prévues, le processus de la transition qui était bien apprécié de la communauté internationale, tout ça faisait que le coup d’Etat allait être une pilule difficile à avaler. Ça été quand même surprenant qu’il s’était engagé sur ce chemin-là. Mais c’était sa mission. Autant Blaise Compaoré était le patron politique du CDP autant Diendéré était le patron de l’aile militaire de ce régime.

Aujourd’hui il existe encore des patrons de l’aile économique qui sont encore là dans le système et continuent de vaquer librement à leurs occupations même si certains ont dû quitté le pays.

Ce patron de l’aile militaire n’avait pas d’autres choix. Je pense finalement que ses engagements avec ses amis étaient forcement d’agir à un moment donné. C’est pour cela qu’il est allé à ce coup d’Etat qui a été qualifié de "coup d’Etat le plus bête du monde".

Oui les prémisses étaient là, oui on pouvait prévoir tout cela mais est-ce qu’on pouvait empêcher ce général félon de tenter un coup de force. Tant qu’on n’avait pas des éléments c’était difficile d’anticiper tout ça, c’était difficile d’aller arrêter les gens au départ. Il fallait les surveiller de près et de s’assurer qu’il n’avait aucune chance que tout ça puisse aboutir si d’aventure ils tentaient le coup de force.

Quelle lecture faite vous de la position de la Communauté internationale et l’issue même de la crise ?

Il faut saluer la communauté internationale qui toute suite a été au chevet du Burkina Faso et a fait en sorte que les choses ont été rapidement prises en main. Ça permis au moins de baliser les choses et de faire en sorte que les choses n’aillent pas dans tous les sens. C’est une prise de position qui a été assez spontanée en termes de sollicitude vis-à-vis du peuple burkinabè.

Dans le traitement du dossier ce qu’il faut dire c’est que c’est un dossier complexe avec des implications pour certain assez visible mais aussi des implications qui peuvent être par moment souterraines et tout, qui peuvent influencer. N’oubliez pas que Blaise Compaoré a été 27 ans durant, président du Burkina. Il a été pendant longtemps un des acteurs clés de la sous-région ouest africaine, notamment avec quand même une ossature dans cette zone qui fait qu’il a ses réseaux, ses amitiés qui peuvent influencer, d’une façon ou d’une autre, un certain nombre de choses. Mais malgré tous ces facteurs, c’est au peuple de décider. Le peuple burkinabè s’étant érigé comme un seul homme pour dire non et finalement la forfaiture n’est pas passée.

Je pense que la communauté internationale a joué son rôle, celui d’assister les burkinabè. C’était au Burkinabè de décider ce qu’il fallait pour le Burkina et les Burkinabè ont décidé qu’il n’y aurait pas de dictature, pas de coup d’Etat et la liberté et la démocratie pour lesquelles les enfants sont tombés les 30 et 31 octobre devaient être protégées et les résultats vous les connaissez.

Une année après, on assiste à des libérations provisoires, le président de l’Assemblée nationale ivoirien Guillaume Soro cité dans le dossier du putsch n’est plus inquiété. Quelle appréciation faites-vous de la marche de la justice ?

Je me garde en général de juger les démarches de la justice parce que ce sont des rouages que nous ne maitrisons pas forcement. Il y a également ce principe de pouvoir qui veut que la justice ait une relative indépendance pour pouvoir mener à bien son travail. Il y a le secret d’instruction, aussi, qui peut faire que par moment nous n’avons pas le même niveau d’instruction que les professionnels de la justice.

A mon avis, ce qui est important dans tout ça, c’est qu’à la fin, il y ait effectivement des procès et qu’on puisse clairement situer les responsabilités, que ceux qui ont fauté puissent payer devant la société leur forfait et que ceux qui sont innocents soient libérés. Dans tous les cas il y a le principe de la présomption d’innocence qui est une réalité. Tous ceux qui, aujourd’hui sont incarcérés, sont présumés innocents. Ce n’est pas à eux de faire la preuve de leur innocence, c’est plutôt à la justice de faire la preuve de leur culpabilité. Si des personnes sont jugées pas assez dangereuses pour être maintenues en prison, moi je ne vois pas de problème particulier à ce que ces personnes soient libérées de façon provisoire. La liberté provisoire ne veut pas dire que les poursuites sont abandonnées. Donc il faut continuer tout simplement.

L’idée ce n’est pas d’aller dans une logique vindicative et que tous les visages qu’on a vu de par le passé, proches du président Compaoré, soient systématiquement emprisonnés, parce qu’à ce rythme-là on va trouver nous-mêmes nos cousins, nos frères qui seront emprisonnés. Il faut faire attention, il faut relativiser les choses. Il y a des gens qui ont travaillé avec le président Compaoré parce qu’ils n’avaient pas le choix. Il a été président pendant 27 ans au Burkina Faso. C’était difficile de ne pas travailler avec lui, sinon on ne travaille pas au Burkina. D’accord ? Maintenant, on peut travailler avec quelqu’un sans se compromettre. Il y en a qui sont particulièrement compromis, qui ont posé des actes qui sont répréhensibles, ils doivent répondre de leurs actes. Mais il ne faut pas que ça soit une espèce de vendetta systémique et systématique qui vise automatiquement toute personne qui a fleureté avec ce régime, sinon c’est la boite à pandore qu’on va ouvrir, je ne suis pas sûr qu’on puisse la refermer de sitôt.

Le Burkina compte à son actif plusieurs coups d’Etat, sept depuis son indépendance en 1960, aujourd’hui que faut-il pour ne plus revivre des coups d’Etat dans ce pays ?

Je pense que l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 est un signale fort. Ce qui s’est passé dans cette période, c’est la chute d’un dictateur de 27 ans, un mastodonte de la sous-région ouest africaine, quelqu’un qui a commencé à se créer une ossature internationale. Il est parti parce que le peuple a dit non. C’est un signale fort qui a été envoyé. Ce coup d’Etat qui a été mis en mal et quasiment annihilé par la population burkinabè prouve clairement que le peuple a déjà donné sa position par rapport aux coups d’Etat. C’est une position qui est claire, plus jamais de coup d’Etat au Burkina Faso.

Maintenant au niveau institutionnel, ce que nous devons faire c’est de faire en sorte que les institutions de la République, tous les instruments que nous allons mettre en place, que ça soit au plan légal, juridique, etc, soient des instruments corsés de telle sorte que le retour à une gouvernance anti-démocratique soit inimaginable et que dans la tête du commun des Burkinabè et chaque militaire burkinabè, l’idée même de faire un coup d’Etat ne puisse plus exister. Aujourd’hui en Europe vous ne verrai pas un général en train de chercher à faire un coup d’Etat en France. Ça n’a même pas de sens. Récemment vous avez vu en Turquie comment le peuple a dit non. C’est fini. Les peuples ne veulent plus voir cela.

C’est là qu’il faudra clairement que dans la rédaction de la Constitution de la cinquième République, il va falloir absolument que nous puisons mettre assez de garde-fous. Il faut déjà avoir une Constitution qui soit une Constitution qui va permettre clairement de bien encadré tout ce qui concerne la question de la gestion de l’Etat, que ce soit les élections du président, etc. Je pense que l’article 37 de la Constitution sera définitivement verrouillé et il ne viendra jamais à l’esprit d’un fils du Burkina, aujourd’hui ou dans cent ans de modifier l’article 37 de la Constitution. Et la prérogative du chef de l’Etat par rapport aux autres pouvoirs soit clairement définie. Maintenant c’est à nous d’encrer tout ça parce qu’il y a des gens qui ont donné de leur sang, de leur vie et ça, nous ne devons pas l’oublier et dans l’esprit des Burkinabè ça doit être quelque chose d’inimaginable pour toujours. Je pense que dans le cadre de la prochaine rédaction de la Constitution il va falloir travailler très fort pour intégrer cela. Je pense aussi qu’il faut être très très clair au niveau des textes qui régissent l’armée de sorte que la séparation entre le métier de militaire et celui d’acteur politique soit claire et cela pour que les militaires ne soient plus en même temps des acteurs politiques. C’est cela aussi qui amène la boulimie du pouvoir et les tentatives de coup d’Etat.

Un mot à l’endroit des victimes du putsch ?

Oui, ça été ma première pensée, je vais terminer encore par là.

Très sincèrement je sais que la justice burkinabè fait le maximum, le temps de la justice n’est pas forcement le temps de nous les justiciable. Souvent on est très pressé. Naturellement parce que ce n’est pas vous qui êtes concernés. Si c’est vous qu’on juge de façon expéditive, qu’on vous accuse de quelque chose dont vous êtes vraiment innocent, en réalité vous aller trouver que la justice n’a pas pris son temps pour juger. Il faut que la justice aille à son terme et qu’elle soit rendue à ces victimes. C’est déjà une très bonne chose parce qu’il faut qu’il y ait la vérité.

La réconciliation c’est l’objectif de tous les Burkinabè. C’est l’objectif aujourd’hui du chef de l’Etat Roch Kaboré. Je pense qu’aux élections présidentielles passées tous les candidats avaient le même mot d’ordre, la réconciliation, parce qu’en réalité quand on n’a pas tout le monde autour du même objectif, on ne peut pas atteindre le but visé. S’il y a des gens qui rament à contre-courant, on n’atteindra jamais notre objectif. Donc la réconciliation est un impératif, mais la réconciliation sans la vérité c’est très compliqué parce qu’il y a toujours des ressentiments qui sont cachés au fond des gens. Il faut faire donc la vérité, il faut juger, situer rapidement les responsabilités pour que chaque parent qui a perdu quelqu’un dans cette affaire puisse faire le deuil définitivement.

Ensuite il faut penser à l’indemnisation de ces victimes. C’est vrai que l’argent ne peut pas ramener ces gens là. Mais quand quelqu’un est parti et que son enfant est là et qui part à l’école, il faut quelque chose de plus structurel pour que cet enfant soit prise en charge. Il faut que cet enfant soit pris en charge par la nation. C’est l’enfant d’un martyr. Il doit être pris en charge par la nation jusqu’à ce qu’il devient un homme. Il faut que nous engageons à ne pas uniquement célébrer ces personnes là à chaque anniversaire de l’événement et après ça les gens passent 364 jours de l’année dans la misère, il faut l’éviter donc. Il faut absolument faire en sorte qu’on puisse établir la vérité d’une part, réhabilité ceux qu’il faut réhabiliter, indemniser ceux qui doivent être indemnisé. Je pense qu’après tout ça on pourra objectivement espérer aller vers une réconciliation franche des fils et filles de ce pays.



DZO
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