L’ancien Premier ministre du gouvernement de Blaise Luc Adolphe Tiao est rentré le 9 septembre 2016 d’Abidjan où il s’était exilé. Il a même déjà été entendu par la gendarmerie dans le cadre de l’enquête sur l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Depuis cet interrogatoire, l’ex-chef de l’exécutif séjourne à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).
Le directeur de publication de L’Observateur paalga, Edouard Ouédraogo, nous livre un témoignage sur le retour de LAT au bercail.
Par ces quelques lignes, je voudrais témoigner qu’à mon humble avis, ce n’est pas la convocation de la gendarmerie qui a généré le processus de retour au pays de l’ancien Premier ministre Luc Adolphe Tiao.
Pour ce que j’en sais, et si mes souvenirs ne me trahissent pas, c’est dès le 5 août 2016 en début d’après-midi qu’il m’a fait l’amitié confraternelle de m’appeler d’Abidjan pour me parler de son projet de regagner le bercail dans les deux semaines qui suivraient.
Il me priait instamment d’en informer le cardinal-archevêque de Ouagadougou, S.E.M. Philippe Ouédraogo, et surtout le chef de l’Etat, le président Roch Marc Christian Kaboré. Luc Adolphe Tiao a insisté sur ce dernier point en m’expliquant qu’il ne voulait pas rentrer à l’improviste, mettant les plus hautes autorités devant le fait accompli.
Pour la démarche auprès du Cardinal, je n’ai éprouvé aucun cas de conscience parce que je me suis tout de suite convaincu que malgré ses lourdes charges ecclésiales, il restait d’abord un pasteur accessible à tout moment, ce dont j’avais eu auparavant des preuves éloquentes.
Sans désemparer, je me suis donc rendu le même jour à l’archevêché de Ouagadougou ; malheureusement le cardinal était absent et on m’indiqua qu’il en avait encore pour une bonne semaine à l’étranger.
Autrement plus corsée m’a d’emblée paru la «saisine» du chef de l’Etat. Pendant notre conversation téléphonique, j’ai fait comprendre à Luc Adolphe Tiao que contrairement à ce qu’il a pu penser, je n’ai pas de relations suivies avec l’hôte de Kosyam et que, depuis son accession à la plus haute charge, c’est une seule fois (1) qu’à ma sollicitation, j’ai eu l’occasion de le rencontrer pour lui présenter mes civilités. Si je devais donc passer par la voie protocolaire, autant parler d’un parcours du combattant dont je n’aurais pas franchi tous les obstacles avant que le confrère exilé à Abidjan ne mette à exécution son projet.
Vu cependant l’urgence que le cas revêtait à mes yeux, je suis passé par un raccourci en m’en ouvrant à un des collaborateurs de Roch dont je sais qu’il le voit régulièrement, pour ne pas dire quotidiennement, toutes les fois qu’ils sont l’un et l’autre sur le sol national.
Ce collaborateur présidentiel m’a honoré, comme on dit dans nos langues, puisqu’il s’est déplacé à domicile pour m’écouter alors qu’en tant que demandeur, c’est moi qui me disposais à me rendre chez lui. On était, je crois, le samedi 6 matin.
Quand j’eus fini de lui parler du projet de retour de l’ancien Premier ministre, il m’en remercia et me tint à peu près ce langage : « Ça tombe bien. Je devais voir le président ce matin même. Je lui en parle et je vous en fais aussitôt le retour. »
Promesse tenue. En fin de matinée en effet, l’émissaire diligent m’appelait pour me dire en substance : « J’ai informé le président du projet de retour de l’ancien chef du gouvernement. Il a répondu qu’il n’avait pas de commentaire à faire. »
Dans la même matinée, j’en ai touché un mot à Luc Adolphe Tiao. Il m’a écouté sans faire lui non plus de commentaire.
Quelque une semaine plus tard, je l’ai rappelé pour savoir si son projet tenait toujours. Il a répondu par l’affirmative, précisant toutefois qu’il était sous suivi médical et que tout dépendait des résultats du contrôle qu’il attendait de subir.
« Ne t’en fais pas, me dit-il, je te préviendrai dès que je serai situé sur la date de mon retour. »
Après cette brève conversation, plus rien jusqu’à ce vendredi 9 septembre quand sur mon portable tombe à 07h 19 ce SMS : « Bonjour Edouard. Comment vas-tu ? Moi, bien. Juste t’informer que je viens de quitter Abidjan pour le Burkina. Bonne journée. A bientôt. »
J’ai tout bêtement pensé que c’était de l’aéroport de Port-Bouet que ce texto avait été rédigé. Ce n’est que bien après, soit aux environs de 13h 00, que j’ai appris qu’il avait quitté Abidjan par la route et qu’il avait déjà atteint Yamoussoukro.
Je m’en doute bien, je n’ai certainement pas été le seul à partager avec l’ancien Premier ministre son projet de retour. Bien d’autres, tant au pays qu’en Côte d’Ivoire, devaient être dans le secret de LAT puisque bien de ses amis et parents ont tenté de le dissuader de franchir le Rubicon.
Quand fut connue la nouvelle de l’interpellation des membres de son gouvernement par la gendarmerie, beaucoup ont pensé qu’il trouverait là motif à différer son retour, vu les risques quasi certains au-devant desquels il allait.
Nonobstant cela, nous savons maintenant qu’il a décidé courageusement de rentrer pour assumer ce qu’on lui reproche. Son geste n’en revêt que plus de noblesse.
Je l’ai eu au téléphone le vendredi 16 septembre en début d’après-midi, quelque temps avant sa mise sous écrou à la MACO (Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou). Il m’a paru serein. Je lui ai prodigué mes encouragements malgré le déficit de mots appropriés en pareilles circonstances.
Combien de très hautes personnalités de l’histoire de ce pays – de Maurice Yaméogo à Sangoulé Lamizana et tant d’autres – n’ont-elles pas connu les rigueurs de l’emprisonnement, même si ce ne fut pas toujours les affres d’un pénitencier de droit commun ? Lui, Luc Adolphe Tiao, n’en mourra pas non plus. Je suis disciple comme lui de Baden Powell pour avoir été de très très loin son aîné dans le scoutisme, ce mouvement d’éveil où l’on éduque les adolescents non seulement à aider le prochain en toute circonstance, mais aussi et surtout à savoir s’adapter à toutes les situations, si dures soient-elles.
Que le lecteur veuille bien ne pas me tenir rigueur de la tonalité affective de ce témoignage.
N’y voyez rien d’autre que des marques d’empathie que je ne pouvais m’empêcher d’exprimer pour un confrère dans l’épreuve ; un grand journaliste qui a beaucoup donné à la profession.
Edouard Ouédraogo