La multiplication par scissiparité des mouvements politicoarmés se poursuit dans le Nord Mali, avec la naissance du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), le 2 septembre dernier à TinFadimata, dans la région administrative de Ménaka. Portée sur les fonts baptismaux par deux anciens apparatchiks du
Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) que sont Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, cette organisation s’est fixé pour objectif de défendre les intérêts de toutes les populations du territoire azawadien qui regroupe les quatre régions du Nord (Kidal, Tombouctou, Gao et Ménaka) et le cercle de Douentza qui relève administrativement de la région de Mopti. En insistant sur la dimension inclusive de leur mouvement, les dissidents veulent justifier le principal motif de leur départ du MNLA par le fait que ce dernier, à leurs yeux, fait la part trop belle à une seule des nombreuses tribus touarègues, les Ifhogas en l’occurrence.
On comprend dès lors pourquoi dès le lendemain de la création de leur mouvement, les leaders du MSA se sont rapprochés du Général Ag Gamou, non pas parce qu’il est resté loyaliste durant toutes ces années de braise, bien au contraire, mais justement parce qu’il n’a cessé, depuis des années, de crier haro sur le baudet à cause du mépris supposé des membres de la tribu des Ifhogas et du MNLA visàvis de la tribu dont il est issu (les Imghad). C’est d’ailleurs cette perception des choses qui a prévalu à la création du Groupe d’autodéfense des touarègues Imghad et alliés (GATIA) par le général Ag Gamou, et c’est donc tout naturellement que ceux qui se sont pourtant combattus, nouent une alliance de circonstance pour réduire l’influence du MNLA et des ifhogas dans cette partie désertique du Mali. En tout état de cause, c’est un autre coup dur pour le MNLA, qui a vu ces derniers mois des figurent emblématiques comme Moussa Ag Assarid (exreprésentant du mouvement en Europe) et Nina Wellet Intallou prendre leurs distances visàvis de la direction du mouvement. Le récent départ de Ag Acharatoumane et de Ag Habi risque de sonner le glas du plus connu des groupes armés du Nord-Mali et du coup, de fragiliser toute la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) composée non seulement du MNLA, mais aussi du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad et d’une branche du mouvement arabe de l’Azawad. C’est donc une lutte d’influence politique et militaire dans la partie septentrionale du Mali, qui s’est engagée entre membres de la communauté touarègue, et il est fort probable que des affrontements meurtriers éclatent sur fond de vengeance tribale dans le Nord déjà instable du pays, à l’image de ce qui s’est passé vendredi dernier dans la localité d’Intachdayte, à quelques dizaines de kilomètres de Kidal, entre les miliciens du Gatia et leurs ennemis jurés de la CMA.
Le gouvernement du Mali pourrait, pour un temps, se frotter les mains Le tandem GATIAMSA risque d’être fatal au MNLA et à ses acolytes, car ils deviennent ainsi une puissance de feu qui pourrait balayer la CMA de Kidal et redistribuer ainsi les cartes dans cette partie éruptive du Mali.
Pour autant, la victoire de l’un des groupes sur l’autre ne résoudra pas la crise, puisque les vaincus n’hésiteront pas à s’allier même au diable (les terroristes en l’occurrence) pour renverser la situation. Quant au gouvernement du Mali, il pourrait, pour un temps, se frotter les mains en observant avec bienveillance l’éventuelle déroute des maîtres actuels de Kidal, tout en gardant à l’esprit qu’une paix véritable ne peut revenir au Nord sans la réconciliation de tous les fils de la région. Bamako devrait d’ailleurs rester d’autant moins enthousiaste que les responsables du MSA ont, tout en acceptant de lancer des patrouilles mixtes avec le groupe pro gouvernemental du Gatia, précisé qu’ils ne feraient pas ventouse dans la Plateforme, mais qu’au contraire, ils resteraient bien membres de la CMA. En clair, Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi ne renoncent pas à leur opposition au gouvernement du Mali, mais ont simplement noué une alliance stratégique avec le Gatia du général Ag Gamou pour faire entendre les voix de leurs tribus respectives que sont les Dawssahak et les Chamanamas, à l’occasion des élections locales à venir. Car, c’est un secret de polichinelle que Ag Acharatoumane qui est par ailleurs le chef de la tribu des Dawssahak, nourrit le rêve de devenir le président du conseil régional de Ménaka, sa région d’origine, tout comme son allié de circonstance, Ag Gamou, lorgne déjà le même fauteuil, mais dans la région de Kidal.
En un mot comme en mille, la création du dernierné des groupes politicoarmés sur une base tribale, compliquera davantage la tâche aux négociateurs et aux autorités de Bamako, en devenant en effet un énième interlocuteur dans cette interminable crise. Car, loin de contribuer au retour de la paix et de la sérénité dans le septentrion malien, le MSA cristallisera plutôt toutes les rancœurs et exacerbera les rivalités déjà connues entre les membres de la grande famille des touarègues. Donc, la naissance du MSA est certainement une mauvaise nouvelle pour le MNLA dont les leaders sont issus, mais elle pourrait également être un véritable coup de canif dans les accords déjà moribonds d’Alger. C’est dommage pour le Mali, mais c’est surtout dommage pour les populations innocentes de ces régions du Nord qui sont les victimes directes de ces jeux d’alliances sur fond de calculs politiciens et de rivalités entre individus souvent peu recommandables.
Hamadou GADIAGA