Le Groupe de haut niveau du Secrétaire général des Nations Unies sur l’accès aux médicaments demande une nouvelle approche pour réduire l’écart entre les innovations médicales et l’accès aux médicaments
Qu’il s’agisse de l’augmentation du prix de l’EpiPen ou de l'apparition de maladies comme l’Ébola, le Zika ou la fièvre jaune, le coût croissant des technologies médicales et l'absence de nouveaux outils pour s’attaquer aux problèmes médicaux comme la résistance antimicrobienne, est un problème que connaissent aussi bien les pays riches que les pays pauvres.
Selon le Groupe de haut niveau qui conseille le Secrétaire général des Nations Unies pour améliorer l’accès aux médicaments, le monde doit adopter de nouvelles et ambitieuses approches en ce qui concerne l’innovation dans les technologies médicales, et en garantir l'accès pour faire en sorte que tous les individus puissent bénéficier des avancées médicales ayant considérablement amélioré la vie de millions de personnes à travers le monde au siècle dernier.
Pendant des décennies, de nombreux traités et constitutions nationales ont garanti le droit fondamental à la santé et le droit de partager les avantages des progrès scientifiques. Pourtant, alors que le monde est témoin de l’immense potentiel de la science et de la technologie pour faire progresser les soins médicaux, il reste encore des lacunes et des échecs au niveau de la charge de morbidité et de la lutte contre les maladies émergentes dans de nombreux pays et communautés. Ce décalage entre d’un côté le droit à la santé, et de l’autre la propriété intellectuelle et le commerce exacerbe cette tension.
Le Secrétaire général des Nations Unies a créé le Groupe de haut niveau pour proposer des solutions visant à résoudre les disparités entre les droits humains internationaux, le commerce, les droits de propriété intellectuelle et les objectifs de santé publique. Les recommandations du rapport sont l’aboutissement d’un processus de dix mois pour le Groupe, sous la direction de Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération suisse, et de Festus Mogae, ancien président de la République du Botswana.
« Les disparités en termes de politiques adviennent lorsque des intérêts économiques, sociaux et politiques légitimes sont incompatibles ou en conflit avec le droit à la santé », a déclaré l’ancienne présidente Ruth Dreifuss. « D’un côté, les gouvernements recherchent les bénéfices économiques découlant d'une augmentation des activités commerciales, tandis que de l’autre côté, la nécessité de respecter les brevets sur les technologies médicales pourrait, dans certains cas, créer des obstacles aux objectifs de santé publique et au droit à la santé. »
Le Groupe a formulé une série de recommandations concrètes visant à améliorer la recherche et le développement des technologies médicales, ainsi que l’accès des populations à des traitements vitaux qui sont actuellement hors de prix, aussi bien pour les patients que pour les gouvernements. Le rapport du Groupe indique que le coût des technologies médicales grève les budgets des pays riches comme des pays pauvres.
« En l’absence d’incitations commerciales, nous sommes en présence d’un écart entre les innovations permettant de traiter les maladies qui touchent principalement les populations négligées, ainsi que les maladies rares, et d’une situation de crise, notamment la résistance antimicrobienne qui pose une menace pour l’humanité », a déclaré Malebona Precious Matsoso, Directeur général du Ministère de la Santé d’Afrique du Sud. « Notre rapport exhorte les gouvernements à négocier des accords internationaux sur la coordination, le financement et le développement de technologies médicales qui complètent les modèles d’innovation déjà en place, y compris une convention contraignante sur la recherche et le développement qui découple les coûts de R&D du prix final. »
Le Groupe a suggéré qu'au départ, les gouvernements pourraient créer un groupe de travail pour commencer à négocier un Code de principes pour la R&D biomédicale, et présenter un rapport annuel sur le progrès des négociations et de la mise en œuvre du Code, en préparation des négociations sur la Convention.
Le Groupe a examiné la façon dont l’application des flexibilités de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’OMC a facilité l’accès aux technologies médicales, et comment les membres de l’OMC peuvent adapter leurs lois sur la propriété intellectuelle et sur la concurrence, ainsi que les lois et réglementations relatives aux achats de médicaments par les gouvernements afin de répondre aux obligations de la santé publique.
Le nouveau rapport note avec une vive inquiétude des rapports selon lesquels certains gouvernants sont soumis à des pressions politiques et économiques indues pour qu’ils s’abstiennent de faire usage des flexibilités de l'ADPIC. Le Groupe est fermement convaincu que ces pressions portent atteinte aux efforts des gouvernements visant à respecter leurs obligations en termes de droits humains et de santé publique, et qu’elles enfreignent la légitimité et l’intégrité de la Déclaration de Doha.
« Les membres de l’OMC doivent faire plein usage des flexibilités de l'ADPIC, telles qu'elles ont été réaffirmées par la Déclaration de Doha sur l'ADPIC et la santé publique. Ceci est essentiel pour promouvoir l’accès aux technologies médicales », a déclaré Michael Kirby, membre du Groupe de haut niveau et président du Groupe consultatif d’experts. « En particulier, les gouvernements et le secteur privé doivent éviter les menaces explicites ou implicites, ainsi que les tactiques et stratégies qui compromettent le droit des membres de l’OMC à utiliser les flexibilités de l’ADPIC. Les membres de l’OMC doivent soumettre des plaintes contre les pressions politiques et économiques indues. Ils doivent prendre des mesures énergiques et efficaces contre les membres contrevenants. »
La transparence est un thème qui revient constamment dans le rapport du Groupe de haut niveau. Le Groupe a mentionné à plusieurs reprises ses inquiétudes concernant l'impact négatif d'une transparence inadéquate sur les innovations technologiques et leur accès. Le Groupe a également critiqué le manque de transparence dans le cadre des négociations bilatérales sur le libre-échange et les investissements. Le Groupe considère que la transparence est un élément essentiel d’un cadre de responsabilisation qui est nécessaire pour que toutes les parties prenantes soient tenues responsables de l’effet de leurs actions sur l’innovation et l’accès.
« Un changement de paradigme est nécessaire pour faire en sorte que les coûts de R&D, de production, de marketing et de distribution, ainsi que le prix final des technologies médicales soient clairement compris par les consommateurs et les gouvernements », a déclaré l’ancien président Festus Mogae. « Les gouvernements doivent exiger que les fabricants et distributeurs de technologies médicales divulguent ces coûts, ainsi que les détails de tout financement public reçu pour le développement de ces technologies, y compris les crédits d'impôt et les subventions. »
Le Groupe a également recommandé que l’Assemblée générale des Nations Unies convoque, avant 2018 au plus tard, une session extraordinaire sur l’innovation en matière de technologies médicales et leur accès, afin de s’entendre sur des stratégies et un cadre de responsabilisation qui accéléreront les efforts visant à promouvoir et garantir l'accès, conformément au Programme sur le développement durable à l'horizon 2030.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(Le Groupe de haut niveau du Secrétaire général des Nations Unies)