C’est la « guerre des avocats » à la Centrale des achats des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG). En effet, après les sorties médiatiques de l’avocat-conseil du Conseil d’administration dirigé par Dr Bocar Kouyaté, c’est au tour des avocats-conseils du « nouveau » Directeur général (DG), Damien Koussoubé, nommé par le Conseil d’administration présidé par Dr Salifou Konfé, d’animer une conférence de presse le 10 septembre dernier à Ouagadougou, pour défendre « la légalité et la légitimité de la nomination de leur client».
La crise qui prévaut à la CAMEG est loin de connaître son épilogue. Après l’installation avortée, le 8 septembre 2016, du « nouveau » Directeur général (DG), Damien Koussoubé, nommé par le Conseil d’administration (CA) présidé par Dr Salifou Konfé, ses avocats-conseils ont, à leur tour, rencontré les journalistes, le 10 septembre dernier, pour éclairer ce qu’ils ont qualifié de « faits tronqués » par l’équipe « sortante », notamment le camp du Dr Bocar Kouyaté (Président du Conseil d’administration) et de Jean Chrysostome Kadéba (Directeur général). Me Alexandre Sandwidi et Me Edasso Rodrigue Bayala, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont accusé l’équipe de Dr Bocar Kouyaté et de Jean Chrysostome Kadéba « d’indiscipline, de faux et usage de faux ». A en croire Me Alexandre Sandwidi, avocat collaborateur au cabinet Sawadogo Harouna, à la CAMEG, il n’a jamais été question d’un mandat de 3 ans, ni pour les membres du Conseil d’administration, ni pour le Directeur général. Brandissant les textes, il a laissé entendre que c’est le 23 janvier 1998 que la CAMEG a été érigée en association en se dotant de statuts et d’un règlement intérieur. « Dans ces textes, tout est clair, les mandats des membres du Conseil d’administration et du Directeur général sont de deux ans renouvelables une fois », a-t-il soutenu. Selon ses explications, les textes que le CA présidé par Bocar Kouyaté brandit aujourd’hui pour justifier la légalité de son mandat et celui du DG, Jean Chrysostome Kadéba, sont du « faux ». Pour Me Sandwidi, ces textes qui fixent la durée des mandats des membres du CA et du DG à 3 ans, renouvelables une fois, ne sont pas juridiquement fondés puisque n’ayant pas été apportés au ministre en charge de l’Administration territoriale, après leur modification en 2000. « Les textes fondamentaux qui auraient ramené les mandats de 2 ans à 3 n’existent nulle part. Alors que quand vous modifiez les textes fondamentaux d’une association, vous avez obligation de déposer, conformément à la loi relative à la liberté d’association, une copie de cette modification au ministère en charge de l’Administration territoriale », a fait savoir Me Edasso Rodrigue Bayala, avocat à la société civile professionnelle d’avocat « Trustway ». A l’en croire, les seuls statuts et règlement intérieur de la CAMEG dont le ministère en charge de l’Administration territoriale a connaissance sont ceux de 1998. Outre cela, Me Edasso Rodrigue Bayala a soutenu que les « prétendus » statuts et règlement intérieur de la CAMEG que Me Jean Charles Tougma, avocat-
conseil du CA dirigé par Bocar Kouyaté, a apportés au juge, comporteraient des irrégularités. A ses dires, sur les copies de ces textes, notamment les statuts qui datent de 1998, « on a conservé les signatures de 1998 (sur les statuts), mais la page comportant l’article 9 qui prévoit le mandat des administrateurs de 2 ans renouvelables une fois a été changée et sur celle-ci, on retrouve un mandat de 3 ans, avec les signatures de 1998 ». Ce qui s’apparente, à son avis, à du « faux ». Pour cela, Me Alexandre Sandwidi a souligné que la CAMEG ne répond aujourd’hui que du PCA, Salifou Konfé et du DG, Damien Koussoubé puisque, selon les textes de 1998, le mandat des membres du CA présidé par Bocar Kouyaté a expiré depuis avril 2016 et celui du DG, Jean Chrysostome Kadéba depuis le 30 juin 2016. Revenant sur la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, Me Alexandre Sandwidi a expliqué que l’« ancien DG », Jean Chrysostome Kadéba, avait été désigné pour un intérim de 3 mois sous la Transition. Par la suite, a-t-il poursuivi, M. Kadéba a bénéficié d’un contrat de travail d’un an qui a expiré le 30 juin dernier. Malgré cela, a soutenu Me Sandwidi, le Conseil d’administration a décidé, en divers, lors d’une Assemblée générale tenue bien avant le 30 juin, de renouveler le contrat de travail du DG, Jean Chrysostome Kadéba, pour trois ans, sans procéder à un appel à candidatures, comme le demandent les statuts et règlement intérieur de la CAMEG et pis, a-t-il renchéri, en violant les textes du Code du travail qui limitent les Contrats à durée déterminée (CDD) à 2 ans. « Ce n’est pas sérieux », a fulminé Me E. Rodrigue Bayala, pour qui, dans une institution de la trempe de la CAMEG, le mandat d’un DG ne peut pas être inscrit en divers.
« Il n’y pas deux CAMEG, il n’y a pas deux récépissés »
Selon les explications de Me Alexandre Sandwidi, c’est après cela qu’il a été décidé lors d’une assemblée générale extraordinaire, qui a réuni les membres fondateurs de la CAMEG et les partenaires techniques et financiers, de renouveler le mandat de l’ancien DG, Jean Chrysostome Kadéba, pour un intérim de 3 mois en entendant le remplacement des administrateurs en Conseil de ministres et du recrutement d’un nouveau DG par appel à candidature comme le veulent les statuts et règlement intérieur. En sus, ce sont ces décisions qui ont été portées devant le Tribunal administratif. Et le juge, statuant le 25 août dernier, a demandé au ministre de la Santé de sursoir à sa décision de remplacer les membres du CA en déclarant par ailleurs, sans objet le recours portant renouvèlement du mandat du DG, Jean Chrysostome Kadéba, pour un intérim de 3 mois. Et Me Sandwidi de préciser que le « sursis » du juge n’annule pas la décision du ministre de la Santé. « A la date d’aujourd’hui, il n’y a aucune décision de justice que le ministre de la santé refuse d’exécuter », a-t-il mentionné. Parlant du nouveau récépissé délivré par le ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure (MATDSI) à la CAMEG, les avocats-conseils du « nouveau » DG ont notifié que cet acte ne comporte aucune irrégularité. Mieux, ont-ils insisté, c’est pour se conformer à la nouvelle loi votée par le Conseil national de la Transition (CNT) en 2015, demandant à toutes les associations de déclarer leur existence. En conséquence, « il n’y pas deux CAMEG, il n’y a pas deux récépissés. C’est la même CAMEG », a précisé Me Bayala. Il faut noter qu’à la veille de la conférence de presse, soit le 9 septembre, le ministre de la Santé, Smaïla Ouédraogo et le PCA, Dr Salifou Konfé, ont été assignés à comparaître par procédure « d’urgence d’heure à heure » devant le juge des référés dans le cadre d’une procédure d’urgence introduite par Kadéba qui se prévaut toujours de la qualité de DG de la CAMEG, alors qu’il a été licencié le 6 septembre dernier pour fautes lourdes par le PCA, Dr Salifou Konfé. Les avocats-conseils du nouveau DG, Dr Damien Kousoubé, ont dit avoir contesté la qualité de Kadéba comme DG de la CAMEG devant les juridictions. Le délibéré de cette affaire est donc attendu aujourd’hui (NDLR : 13 septembre 2016 à 10 h).
Mamouda TANKOANO