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Ambassade du Burkina Faso à Pretoria ; l’ambassadeur Fabré fait perdre à l’Etat 300 millions
Publié le lundi 12 septembre 2016  |  Mutations
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© Mutations par D.R
Une vue du bâtiment de l`ambassade à problème du Burkina à Pretoria en Afrique du Sud




L’ambassade du Burkina Faso à Pretoria (Afrique du Sud) est sans domicile fixe. Pourtant, l’ex-ambassadeur Moumouni Fabré avait demandé et obtenu du ministère en charge de l’économie et des finances, la somme de 300 millions de Fcfa en 2010 pour l’achat d’un immeuble devant abriter la chancellerie. Mais cette opération s’est révélée être un véritable scandale financier. Par la faute de l’ambassadeur indélicat et de ses complices, l’Etat burkinabè se voit obligé de débourser à nouveau de l’argent pour racheter une deuxième fois le même immeuble. Le Conseil des ministres du 11 août a marqué son accord pour l’achat - à nouveau - d’un immeuble qui abrite déjà les bureaux de l’ambassade. Retour sur une affaire domaniale où se mêlent corruption, détournement et escroquerie.
Le limogeage de l’aide de camp du Premier ministre Thièba en lien vraisemblablement avec l’affaire de la disparition des 25 millions constatée lors de son dernier voyage en Chine Taiwan semble avoir éclipsé le coup de gueule du ministère des Affaires étrangères au sujet de l’ambassade du Burkina Faso à Pretoria. En effet, au titre du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur, le Conseil des ministres du 11 août 2016 a marqué son accord pour l’achat d’un immeuble au profit de la chancellerie du Burkina Faso à Pretoria en Afrique du Sud pour un montant de trois cent vingt et un millions cent quatre-vingt-six mille cinq cent dix (321 186 510) francs CFA. Le compte rendu n’a pas manqué de souligner que « cette opération fait suite à la procédure d’acquisition inachevée engagée depuis 2010 et qui s’est soldée par une importante perte financière pour l’Etat ».
Rappel des faits : l’achat frauduleux de l’immeuble
Mutations avait publié une enquête au sujet de ce scandale domanial dans son édition n° 58 du 1er août 2014 sous le titre « Ambassade du Burkina Faso en Afrique du Sud : détournement de 300 millions de Fcfa ».
L’affaire date de 2009. L’ex-ministre de l’Administration territoriale entre 2002-2006, Moumouni Fabré, est en fonction depuis août 2008 comme ambassadeur du Burkina Faso à Prétoria (il a été nommé le 16 avril 2008). Il demande au ministère des Affaires étrangères l’inscription d’une ligne budgétaire pour l’acquisition d’une propriété servant pour la chancellerie. Sa requête est acceptée et par décision n°2010-0624/MEF/CAB, le ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du budget de l’époque, François Marie Didier Zoundi, autorise le virement de la somme de 300 millions de FCFA pour l’acquisition d’une chancellerie au titre de l’année 2010.
Pour l’achat, l’ambassadeur Fabré prend attache avec une proche amie du nom de Venetia Cohen. Elle prétend avoir une agence immobilière dénommée « Diplomatic support services ». Le nom de l’agence laisse supposer en effet qu’elle dispose d’un statut diplomatique ou qu’elle a un lien avec les Affaires étrangères. Mais ce ne sont que des apparences. Assurée d’avoir la confiance de l’ambassadeur, la dame identifie un immeuble vétuste et délabré par endroits sis 49 Charles Street, Baileys Muckleneuck, Pretoria. L’affaire intéresse l’ambassade qui décide de conclure un contrat pour l’acquisition dudit immeuble devant servir de chancellerie en date du 4 mars 2010 avec la société Interclaim Investments (PTY) LTD.
Pour la conclusion de l’achat, l’ambassadeur Fabré se fait accompagner par son trésorier-précepteur, Florent Désiré Paré (inspecteur du Trésor). La dame de l’agence est, elle, avec le propriétaire du terrain. Sans se douter de rien ( ?), ils signent comme garantie une attestation de vente et un procès-verbal qui autorisent d’occuper les lieux. Mais c’est là que la partie burkinabè va cumuler des impairs qui frisent le détournement et l’arnaque. En effet, l’ambassadeur et sa suite ont royalement ignoré la réglementation en vigueur qui fait obligation à l’acquéreur de conclure le contrat avec l’assistance d’un notaire ou, à défaut, d’un avocat. L’ambassade n’a même pas informé le ministère des Affaires étrangères de la République d’Afrique du Sud de son projet d’achat, violant de ce fait la Convention de Vienne de 1963. C’est sur le tard, soit longtemps après l’opération, que l’ambassade a enfin daigné adresser au ministère en charge des Affaires étrangères du pays hôte une demande d’autorisation et d’information sur la procédure d’acquisition de l’immeuble devant servir de chancellerie suivant note verbale n° 2010-124/ABF/RAS/MC/Tr du 28 mai 2010.
Le paiement du prix d’acquisition de l’immeuble a été fait en devise (euros) et non en monnaie locale. Et le comble, le paiement s’est effectué auprès de Venetia Cohen, la représentante de l’agence immobilière « Diplomatic Support Services » en cash (avec de simples décharges) et par virements bancaires dans des comptes domiciliés à Genève, Zurich en Suisse, à Guangzhou en Chine populaire et à Hong Kong. Une source sûre affirme que le terrain et la maison n’auraient coûté en tout et pour tout que 100 millions de FCFA. Les 200 autres millions ne seraient que de la surfacturation. Ils auraient été partagés par les quatre complices. C’est ce qui expliquerait le versement de l’argent dans des comptes à l’étranger et en cash. A titre illustratif, la représentante de l’agence immobilière a perçu d’importantes sommes d’argent au mois de juin 2010 de la part du trésorier-précepteur, Florent Désiré Paré. De multiples décharges de 100.000 euros entre autres, établis les 17 et 18 juin de la même année, l’attestent.
Bien que ne disposant que d’un procès verbal pour tout titre de propriété, l’ambassade aménagera effectivement dans « ses » nouveaux locaux en 2010. Vanetia Cohen de l’agence immobilière rassure l’ambassadeur que le dossier pour l’acquisition du titre de propriété sera traité sans problème. Toutefois, les années passent, mais les garanties de Mme Vanetia ne sont suivies d’aucun effet. Le flou a été entretenu jusqu’en 2014. Depuis 2010, l’ambassade ne s’est pas non plus référée à un service domanial sud-africain pour un éventuel transfert de propriété ou pour, au moins, savoir quelle est la situation du domaine. Au résultat, quatre ans après, l’ambassade court toujours après un document juridique de propriété pour parer à toute éventualité. Entre temps, la représentante de l’agence immobilière, Vénétia Cohen, s’est montrée introuvable et injoignable. Elle a disparu des radars de l’ambassade. Mais comme nous l’écrivions dans Mutations n° 58 du 1er aout 2014-, « ce que certains craignaient a fini par arriver en avril 2014. Un monsieur du nom de Krog accompagné d’un huissier se pointe dans les locaux de l’ambassade avec des documents de droit. Il déclare qu’il veut prendre possession de sa propriété. A la lumière des documents brandis par le huissier, il s’avère que la maison était sous hypothèque bancaire et la banque l’a vendue légalement à ce monsieur. La banque ABSA ignorait tout de l’existence de la transaction illégale faite avec l’ambassade du Burkina. Le nouvel acquéreur non plus n’en a cure de cette vente frauduleuse. Alors l’ambassade est invitée à libérer les lieux ou à fournir les preuves légales de sa propriété des lieux. Elle ne peut évidemment fournir aucune preuve valable. »
Les déboires de l’ambassade
L’ambassadrice Salamata Sawadogo arrivée à Pretoria en début 2014 (elle a présenté ses lettres de créances le 6 mars 2014) en remplacement de Fabré hérite de cette situation rocambolesque. Elle aurait naturellement saisi confidentiellement la Présidence du Faso et le ministère des Affaires étrangères.
Car, malgré le versement total du montant de la vente, l’ambassade n’ayant pas acquis de titre de propriété et occupant l’immeuble s’est retrouvée face au véritable acquéreur qui a le titre de propriété en son nom. Il s’agit en l’occurrence de la société Panzacloc (PTY) LTD. Cette société va ainsi exercer de multiples pressions (coupures de la fourniture en électricité, saisine du ministère des Affaires étrangères du pays hôte…) sur l’ambassade tendant soit à lui faire payer un loyer mensuel de 45.000 rands (2.655.000 Fcfa), soit à racheter - pour la deuxième fois - l’immeuble à un prix qui s’élève à la somme de 8.000.000 de rands (400.000.000 de F CFA).
Le Conseil des ministres vient de faire l’option du double rachat. Il a marqué son accord pour décaisser 321 186 510 francs CFA du budget de l’Etat pour réparer ces impairs créés par des autorités qui, jusque-là, se la coulent douce en toute impunité.
Dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources et l’imposition de nouvelles taxes, de nombreuses interrogations taraudent l’esprit du contribuable sur les conditions d’utilisation de ses cotisations…

Touwendinda Zongo

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Un rapport d’inspection interministériel confirme le scandale

Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Djibril Bassolet, et son cabinet avaient été fortement secoués par cette affaire domaniale. Le ministre semblait agacé - selon une source - par la légèreté avec laquelle l’ex-ambassadeur a géré l’affaire. Au cabinet du ministre, on se demandait comment un ambassadeur qui était à son troisième poste (après Bonn et Téhéran) pouvait-il ignorer les règles sécuritaires à prendre dans ce genre d’opération. Cela est d’autant plus surprenant qu’il était assisté par un trésorier, inspecteur du Trésor. Les doutes sur la bonne foi des deux se sont renforcés quand on a découvert le paiement en devises sur des comptes à l’étranger (Suisse et Chine). Pourquoi la transaction n’avait-elle pas été faite sur place en Afrique du Sud avec le rand, la monnaie sud-africaine ? Ce sont autant de questions qui éveillent des soupçons. Il avait été recommandé de poursuivre devant les tribunaux l’agence immobilière et l’ancien propriétaire, la société Interclaim Investments (PTY) LTD, créancière de la banque ASBA. Mais, selon nos informations, aucune plainte n’a été déposée pour le moment contre les « deux complices». « Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Craint-on que ces derniers ne dévoilent les dessous de la transaction, ce qui risque d’affecter l’honorabilité de l’ambassade toute entière »? demandions-nous dans Mutations n°58 du 1er aout 2014. A l’époque, le ministre Bassolet avait opté de traiter l’affaire dans la confidentialité voire la clandestinité. Mais le scandale était si rocambolesque que ses différents épisodes mouta mouta alimentaient les causeries dans les couloirs du ministère.
La publication de l’enquête dans Mutations n°58 du 1er août 2014 a suscité l’envoi d’une mission d’inspection et d’investigation sur la situation de la chancellerie de l’ambassade du Burkina Faso à Pretoria, République d’Afrique du Sud. Cette mission, qui a séjourné à Prétoria du 24 septembre au 3 octobre 2014, a confirmé les informations contenues dans le journal. En effet, la mission d’inspection avait décelé les irrégularités suivantes:
« - L’ambassade ne s’est pas faite assistée d’un conseil conformément aux recommandations du ministère de l’Economie et des Finances ;
- Les témoins mentionnés sur les signatures qui ont été apposées sur le contrat ne sont pas identifiables, voire inexistants ;
- Les paiements n’ont pas été faits directement au nom du vendeur ;
- Les paiements ont été effectués dans les comptes hors de la juridiction sur des comptes offshore et certains paiements ont été faits en liquide… »
Au regard de toutes ces irrégularités et ces impairs, elle a tiré toutes les conséquences et a conclu que « l’absence d’un avocat-conseil du côté de l’ambassade n’a pas permis de sécuriser la transaction. Dans ces conditions, l’acte de vente conclu est entaché de nullité, ce qui n’a pas permis le transfert de propriété au nom de l’acquéreur. En conséquence, la propriété de l’immeuble ne revient pas au Burkina Faso. »

Touwendinda Zongo
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L’ex ambassadeur, les juges et nous

« Ambassade du Burkina Faso en Afrique du sud: détournement de 300 millions de Fcfa ». C’est sous ce titre que le journal Mutations, sous la plume d’Abdoulaye Ly, avait traité le scandale du siège de l’ambassade du Burkina Faso à Pretoria dans son édition n°58 du 1er août 2014. Nous ne nous doutions pas que cette enquête allait secouer des intérêts qui sont visiblement aux antipodes des intérêts du pays. Le fait que le scandale ait été mis à nu sur l’espace public allait bouleverser des habitudes, voire des certitudes. Et comme il fallait s’y attendre, l’ex ambassadeur du Burkina Faso à Pretoria qui a conduit les opérations d’achat de l’immeuble, Moumouni Fabré, a intenté un procès contre le journal pour « diffamation ». Le 13 octobre 2014, Monsieur Moumouni Fabré servait citation directe au Directeur de publication du journal, d’avoir à comparaitre et se trouver devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou siégeant en matière correctionnelle pour répondre des faits de « diffamations publiques ».
Fondé en août 2011, Mutations venait d’enregistrer ainsi son premier procès. Le 19 janvier 2015, les juges Romuald Yaméogo, Assane Thiombiano, Aly Son (juges au siège au TGI ) et Simon Gnanou, substitut du procureur du Faso près le TGI, ont rendu le jugement n°5/2015 dans l’affaire Fabré Moumouni et Ministère public contre Zongo Touwendinda et Abdoulaye Ly. Le prévenu que nous étions a été condamné par le dit tribunal pour « diffamation » à l’encontre de Moumouni Fabré.
Nous interjetions Appel de la décision le 4 février 2015. La grosse du jugement sera disponible 11 mois après. Le jugement a été rédigé et signé le 22 décembre 2015.
L’audience de l’appel a eu lieu le 11 mars 2016 à la Chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Ouagadougou. Par arrêt n° 40/16 du 11 mars 2016, les juges Sanogo Mahamoudou, Ouattara San Louis et Daboné Ervé et le substitut général à la Cour d’Appel Kanzié Antoinette ont confirmé la décision du jugement intervenue en première instance.
Suite à cette décision, nous avons introduit un pourvoi en cassation dans les délais requis auprès de la Cour de cassation.
Le lundi 23 mai 2016, l’ex-ambassadeur Moumouni Fabré et son conseil, Me Issouf Baadhio munis de l’arrêt n° 40/16 du 11 mars 2016 dressaient un procès verbal de « Saisie attribution des créances » pour recouvrer auprès du Directeur de publication du journal la somme de 5.880.854,5. Fcfa au titre des réparations du « préjudice subi » par Fabré suite à la publication de l’article dans le journal. Sûr de ses appuis et profitant des prérogatives que lui confère la loi en la matière, Moumouni Fabré -par l’entremise de l’huissier de justice Me Oumarou Sawadogo- a saisi les comptes bancaires libellés en notre nom pour faire exécuter la décision de justice qui lui est jusque-là favorable. Et depuis lors, l’intéressé (l’ex ambassadeur et fonctionnaire à la retraite Moumouni Fabré) siphonne lesdits comptes bancaires en y opérant des retraits périodiques d’argent au gré des entrées.
Qu’à cela ne tienne ! Il reste seulement à espérer que le ministère des Affaires étrangères -qui a été témoin du coup de gueule du Conseil des ministres du 11 août 2016-sera prompt à témoigner à la barre du Tribunal de la Cour de cassation au moment venu, peut-être dans trois (3) ans au meilleur des cas, car de l’avis de certains avertis des arcanes judiciaires, certains dossiers y mettraient facilement entre 4 à 6 ans avant d’être vidés par cette juridiction supérieure.

La rédaction

In MUTATIONS n° 107 du 15 août 2016. Bimensuel burkinabè paraissant le 1er et le 15 du mois (contact : mutations.bf@gmail.com)
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