Dans le cadre de l’enquête sur l’insurrection populaire qui a fait une trentaine de morts et de nombreux blessés, les ministres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré étaient convoqués, le 6 septembre dernier, à la Gendarmerie nationale, pour être entendus sur leur rôle dans le projet de modification constitutionnelle qui a entraîné la révolte populaire de fin octobre 2014. L’on se rappelle qu’ils avaient été mis en accusation sous la Transition, avec leur ancien mentor, Blaise Compaoré, pour répondre devant la Haute Cour de justice de « haute trahison et attentat à la Constitution » et de faits de « coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures, assassinats et complicité d’assassinat ». Quand on sait qu’il y a un bon nombre de ces ministres qui sont toujours en cavale, il va sans dire que les Pandores n’ont eu à entendre que ceux qui sont encore au pays. Mais il y a lieu de croire que les absents seront aussi entendus, car non seulement, l’on n’en est qu’au début de la procédure, mais aussi en matière de poursuites judiciaires, une fois que la machine est lancée, il est difficile de l’arrêter.
D’ores et déjà, l’on peut constater que la procédure, lancée sous la Transition, se poursuit. Pour ne pas obérer l’avenir, il est peut-être bon de solder tous les comptes de ces folles journées qui ont coûté la vie à d’innocentes personnes, afin de poser les jalons d’une vraie réconciliation et se tourner sereinement vers de meilleurs lendemains. Et en la matière, il est important de situer les responsabilités, de savoir qui a fait quoi et que chacun réponde de ses actes, sans pour autant que cela ne prenne la tournure d’une chasse aux sorcières. En tout état de cause, une chose est de se tromper, une autre est de reconnaître que l’on s’est trompé. A ce propos, ces auditions des derniers serviteurs de l’exilé de Cocody intéressent au plus haut point les Burkinabè qui sont curieux de savoir, avec le recul, s’ils sont prêts à faire amende honorable, ou s’ils assument encore pleinement leur acte. Car, pour bien des Burkinabè, ce qui manquait le plus à certains de ces ex-dignitaires qui ont été embarqués dans cette affaire, peut-être à leur corps défendant, c’était le courage de s’élever contre la volonté du prince. Et c’est un secret de Polichinelle de dire que l’homme était fortement craint par ses plus proches collaborateurs dont très peu osaient lui porter la moindre contradiction. Par conséquent, bien plus que la conviction, c’était une question de courage.
Il faut espérer que cette action judiciaire se passe dans le strict respect des procédures
Aussi est-on porté à croire que c’est parce qu’ils n’ont pas eu suffisamment de cran pour se démarquer à l’époque du projet de Blaise Compaoré dont tout le monde savait qu’il n’avait pas l’adhésion populaire, qu’ils se retrouvent aujourd’hui à devoir répondre devant la Justice. Certainement à cause de ce fameux Conseil des ministres du mardi 21 octobre 2014 qui a approuvé ledit projet de loi et marqué son accord pour sa transmission à l’Assemblée nationale ; toute chose qui a déclenché le compte à rebours de ce qui devait se révéler comme un tournant décisif de l’Histoire du Burkina, et qui engage leur responsabilité. Pourtant, Dieu seul sait, si du fond de leur cœur, certains réprouvaient le projet. Aujourd’hui il faut croire qu’ils ressentent dans le comportement de certains de leurs compatriotes, une espèce de rejet. Hier, tout puissants ministres et aujourd’hui réduits, pour certains, à avoir le profil bas, les voies de la politique sont vraiment insondables et inextricables. En tout cas, c’est une situation peu enviable qui peut être triste à en pleurer, mais c’est la rançon du manque d’audace. Ces événements ont, d’une certaine façon, entamé l’image de ces personnalités et leur dignité aux yeux du peuple insurgé. Si c’était à recommencer, pas sûr que tous auraient refait la même chose. Comme quoi, l’histoire de chacun finit toujours par le rattraper. Puisse cela servir à l’avenir de leçon à tous ceux-là qui seront appelés à servir la Nation, mais qui, par leurs actes et leurs comportements, donneront plutôt l’impression d’être au service d’un individu et non d’un peuple. Dans le cas présent, Blaise Compaoré a agi pour ses propres intérêts d’abord. La mayonnaise n’a pas pris et il a réussi à trouver refuge à l’extérieur du pays. Ce qui n’est pas le cas pour certains de ses ministres qui pourraient hélas, boire le calice de l’humiliation jusqu’à la lie si un procès avait lieu.
Cela dit, il faut espérer que cette action judiciaire se passe dans le strict respect des procédures et que si procès il y a, il se déroule dans les règles de l’art. C’est à ce prix que l’on pourra espérer refermer la douloureuse parenthèse de ces folles journées d’octobre 2014 qui ont emporté avant l’heure, des Burkinabè qui n’aspiraient qu’à de meilleures conditions de vie et qui croyaient en l’avenir de leur pays.
Puissent nos dirigeants d’aujourd’hui et de demain, ne plus s’aviser de raidir la nuque au point d’oublier que leur mandat est un sacerdoce et non une rente viagère.
Outélé KEITA