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Laurent Poda, procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou : « Ousmane Guiro est coupable des infractions à lui reprochées »
Publié le vendredi 2 septembre 2016  |  Le Pays
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© Autre presse par DR
Le procureur général de la République du Burkina Faso, Laurent Poda




L’affaire Ousmane Guiro, du nom de l’ex-Directeur général des Douanes du Burkina Faso, qui a tant défrayé la chronique, refait surface. En effet, après le pourvoi en cassation formé par le ministère public, la Cour de cassation a estimé que la décision du 20 juin 2015, n’était pas conforme à la loi et qu’elle avait été rendue en méconnaissance et en violation flagrante de la règle de droit. Pour ce faire, l’affaire Ousmane Guiro sera réexaminée par la Cour d’appel. Pour savoir ce qu’il en est réellement, nous avons rencontré l’auteur du pourvoi en cassation, en la personne du Procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou, Laurent Poda. Lisez-plutôt !

Le Pays : Comment avez-vous accueilli le verdict de votre pourvoi en cassation dans le dossier Ousmane Guiro ?

Laurent Poda : C’est avec joie que j’ai accueilli ce verdict qui annule en réalité la décision rendue par la Cour d’appel de Ouagadougou et qui renvoie la procédure et les parties devant ladite Cour autrement composée. C’est avec joie que j’ai accueilli la nouvelle. C’est normal, puisque c’est moi qui ai formulé le pourvoi. J’étais sûr que la Cour allait me suivre.

La décision de la Cour d’appel a été annulée et le dossier renvoyé devant la Chambre criminelle de ladite Cour. Qu’est-ce que cela signifie en termes clairs ?
Cela signifie que la procédure et les parties sont renvoyés devant la Cour d’appel de Ouagadougou autrement composée. Cela veut dire que les juges qui ont pris part au premier procès, ne feront plus partie de la composition à laquelle sera soumis ce dossier.

Pourquoi faut-il remplacer les juges qui ont pris part au premier procès ?

On estime qu’on ne peut plus renvoyer le dossier devant les mêmes juges qui avaient en charge cette affaire. C’est pour cela que notre code de procédure dit qu’il y avait le choix entre renvoyer le dossier devant une juridiction du même degré telle la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso et le renvoyer à la Cour d’appel de Ouagadougou autrement constituée.

Vous aviez estimé que le droit n’a pas été dit après la décision en 2015. Que comptez-vous faire pour que le droit soit enfin dit ?

Nous n’avons pas de stratégie. Nous sommes convaincus d’une chose : Ousmane Guiro est coupable des infractions à lui reprochées. C’est notre position et nous allons toujours développer dans nos réquisitions nos arguments tendant à démontrer que M. Guiro est coupable. Nous n’allons pas changer de stratégie. C’est développer, argumenter davantage pour convaincre la Cour que Ousmane Guiro est coupable. Nos réquisitions, nous allons certainement les reprendre pour réclamer sa condamnation et tout ce que nous avions réclamé devant la Cour.

N’est-ce pas un acharnement ?
Pas du tout ! Nous estimons qu’il y a une infraction qui est commise et nous voulons que celle-ci soit sanctionnée. Il n’y a pas d’acharnement. D’ailleurs, ce n’est pas le seul dossier. Dans tous les dossiers où nous estimons que le droit n’a pas été dit, nous faisons toujours appel ou nous faisons un pourvoi pour que l’affaire soit réexaminée. Ce n’est donc pas un acharnement. Je vous signale que je ne connais pas Ousmane Guiro. Ce qui m’intéresse, c’est que lorsqu’il y a une infraction, elle soit sanctionnée en fonction de la gravité des faits.

Pensez-vous que lors du premier procès en juillet 2015, l’Etat a été bien défendu ?

En tant que Procureur général, je représente le ministère public devant la Chambre criminelle. Je représente donc les intérêts de la société et je les ai défendus comme je pouvais. Maintenant, il y a que sur le plan du droit, l’Etat pouvait prendre des avocats, tout comme Ousmane Guiro, pour se faire défendre. Ce qui n’a pas été le cas durant le premier procès car il n’y avait que l’Agence judiciaire du trésor (AJT) qui a défendu l’Etat comme il se devait et comme elle pouvait. On a alors abouti à la décision que vous savez. Maintenant, je ne sais pas si l’Etat va constituer des avocats pour la défense de ses intérêts. Je ne saurais le dire. C’est à l’Etat qu’il revient de prendre des dispositions.

Dans quel délai le dossier pourrait-il être rejugé ?

Cette année, nous avions, au programme, plus de cinq sessions de la Chambre criminelle. Mais en raison des différents mouvements de magistrats, de GSP, aucune session n’a pu être tenue. Espérons que les choses vont aller normalement et que les sessions vont être programmées et tenues. Il n’y a pas de délai. D’ailleurs, le dossier n’est pas encore arrivé à notre niveau. C’est clair qu’il y aura la rédaction de l’arrêt, les procédures de renvoi et c’est au regard de cela que nous allons voir au cours de quelle session, comment, nous allons organiser ce procès parce qu’à Ouaga, il y a quelques dossiers en l’état. Donc, on pourrait éventuellement le reprogrammer en temps opportun pour le faire juger.

Quelles conséquences de droit pourrait-on tirer de ce procès ?

Il n’y a pas de conséquences de droit. Tout reste en l’état. Nous attendons que le dossier soit reprogrammé et réexaminé par la Chambre criminelle et qu’une décision soit prise. C’est à ce moment que l’on parlera de conséquences de droit. Sinon, actuellement, c’est le statu quo.

Qu’est-ce que vous pensez de l’indépendance de la justice ?

L’indépendance se trouve dans la tête du juge. Quand vous voulez être indépendant, vous l’êtes et c’est tout. Et cela, quel que soit ce qu’il y a. Du reste, je voudrais dire que l’indépendance du juge profite d’abord aux justiciables parce que lorsque vous rendez une décision et que le justiciable suspecte que vous êtes pour l’autre partie, il y a un problème. Donc, un juge indépendant, c’est celui qui regarde les textes de loi, les faits et qui applique les textes relativement aux faits, avec toutes les conséquences. Donc, cela se passe d’abord dans la tête du juge. La justice est un sacerdoce. Seule la justice de Dieu est la vraie justice et nous, on nous demande de rendre une justice. Cela veut dire que c’est quelque chose qui n’est pas humain. Un juge doit être impartial, indépendant vis-à-vis des parties, de l’Etat et de toutes les puissances économiques. Le juge doit être libre dans sa tête. Il est vrai que lorsque vous avez des problèmes sociaux, des ordonnances que vous n’arrivez pas à honorer, des problèmes par-ci et par-là, vous ne pouvez pas être libre dans votre tête. Depuis que je suis entré dans le corps, je suis indépendant et je ne dois rien à personne.

Votre mot de la fin !

En tant que chef de juridiction, nous comprenons les préoccupations actuelles de la population. La justice est lente. C’est vrai. Mais actuellement, les réformes qui sont entreprises, vont dans le sens d’améliorer non seulement la qualité des décisions, mais aussi les délais de traitement et bien des choses. Je demande aux gens de se fier à la justice. Si des gens ont des problèmes, qu’ils viennent voir les chefs de juridiction, qu’ils expliquent pour qu’on puisse savoir ce qui ne va pas. Si on est au courant, on va y remédier et c’est tout. Il faut que le réflexe de saisir le juge soit partagé par tout le monde au lieu de chercher à se rendre justice. J’ai foi que la Justice burkinabè ira en s’améliorant.

Thierry Sami Sou
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Le Pays N° 5171 du 8/8/2012

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