L’Assemblée nationale du Gabon à Libreville a été incendiée mercredi par des manifestants, point culminant des émeutes qui ont éclaté dès l’annonce de la réélection du président Ali Bongo Ondimba par la commission électorale.
"Tout le bâtiment est en train de prendre feu", a indiqué à l’AFP Yannick, un Librevillois présent devant l’Assemblée. Un panache rouge et noir se dégageait dans la nuit au-dessus du palais Léon Mba, selon des journalistes de l’AFP qui se trouvaient à distance.
"Ils sont entrés, ils ont brûlé", selon le même témoin affirmant que les forces de sécurité avaient reculé.
Selon la commission électorale, le président sortant, 57 ans, a été réélu pour un deuxième septennat avec 49,80% des suffrages devant son rival Jean Ping (48,23%), 73 ans, ex-cacique du régime du défunt Omar Bongo, le père d’Ali.
Cet écart marginal représente une différence de voix de 5.594 voix, sur un total de 627.805 inscrits, dans ce petit pays pétrolier d’à peine 1,8 million d’habitants.
Le président sortant devrait sa réélection grâce à son score écrasant dans son fief familial, le Haut-Ogooué, où il aurait obtenu 95,46% pour plus de 99% de participation.
Un score contesté par l’opposition qui a réclamé un recomptage bureau par bureau de vote et dont les partisans sont massivement descendus dans la rue.
Protégée par des grilles, l’Assemblée nationale se trouve sur le prestigieux boulevard Triomphal, siège de grandes institutions (télévision d’Etat Gabon Télévision, Sénat, Hôtel de Ville, Centre culturel français, ministère du Pétrole, ambassades de Chine, de Russie et du Liban...).
Dans l’anticipation de violences, les forces de sécurité s’étaient déployées à titre préventif aux points stratégiques de la capitale dès mardi, à la veille de la proclamation des résultats du scrutin de samedi.
- Haute tension -
Mercredi soir, la ville était toujours sous très haute tension: check points, grands axes coupés sur le front de mer, véhicules blindés aux carrefours, commerces fermés depuis mardi midi, grande majorité des habitants cloîtrés chez eux. L’ambassade de France a appelé ses ressortissants à éviter tout déplacement jusqu’à nouvel ordre.
Dès l’annonce de la victoire controversée de M. Bongo, des troubles ont éclaté sur les grandes artères entre les forces de l’ordre et des opposants criant "Ali doit partir".
"Jean Ping président", "On nous a volé les élections", criaient aussi les manifestants, qui accusent Ali Bongo de perpétuer la dynastie installée par son père, président pendant 41 ans jusqu’à sa mort en 2009, et perpétuée par l’élection de son fils la même année.
Des hélicoptères tournaient dans le ciel et des colonnes de fumée s’échappaient de plusieurs quartiers populaires.
"Nous déplorons lors de la manifestation de ce jour 3 morts et plusieurs blessés", a accusé sur son compte Twitter Jean Ping. En début de soirée, le porte-parole du gouvernement démentait qu’il y ait des victimes.
Au moment même des troubles, Ali Bongo s’est félicité d’une élection "exemplaire", "dans la paix et la transparence", dans son premier discours après l’annonce de sa victoire.
Ex-puissance coloniale, la France a demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon (environ 2.500), relayant une demande de l’Union européenne (UE) - et de l’opposition.
"M. Jean Ping réaffirme vigoureusement, en accord avec l’Union européenne et les Etats-Unis, que le recomptage bureau par bureau, devient le seul moyen de garantir désormais la loyauté du scrutin", ont indiqué son chargé de communication au Gabon, Jean-Gasaprd Ntoutoume Ayi, et son avocat à Paris, Me Eric Moutet.
Fait unique dans l’histoire politique du pays, le secrétaire général du Parti démocratique du Gabon (PDG), au pouvoir depuis des décennies, avait aussi pris ses distances avec le président sortant.
Le numéro deux du parti, Faustin Boukoubi, a encouragé la commission "à prendre toutes les dispositions idoines afin de publier des résultats fondamentalement crédibles".
Depuis le vote dans la sérénité samedi, les deux candidats ou leur entourage s’étaient auto-proclamés vainqueurs.
Ex-baron du régime du président Omar Bongo, opposant tardif après l’élection de son fils Ali en 2009, Jean Ping prétend mettre fin au règne de la famille au pouvoir depuis 1967.
Ali Bongo a défendu son bilan avec des "investissements sans précédent" et la diversification de l’économie, en promettant "l’égalité des chances" et de faire mieux pour le logement.
La campagne s’était déroulée dans un climat délétère, l’opposition affirmant que M. Bongo est de fait un enfant du Nigéria adopté par son père Omar, et qu’il ne peut exercer à ce titre le pouvoir selon la Constitution.
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