Le conseil juridique de la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG), Jean-Charles Tougma, a animé une conférence de presse le 26 août 2016 dans les locaux de ladite structure à Ouagadougou. Face à la crise dont souffre cette structure depuis le 12 mai dernier, il l’a voulu, dit-il, pour donner «les vraies informations» à l’opinion nationale et commenter les récents développements qui ont eu lieu devant le Tribunal administratif de Ouagadougou. Le conférencier demeure convaincu que cette crise a été instaurée par le ministre de la Santé.
La Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG) vit une crise ouverte depuis le 12 mai 2016. La raison de cela : tout serait parti de la tenue d’un Conseil d’administration présidé par le Dr Bocar Kouyaté; lequel a décidé en divers du renouvellement du mandat de Jean Chrysostome Kadéba comme directeur général de l’association pour trois ans. «Le Président du conseil d’administration (PCA) l’a notifié comme par obligation au ministre de la Santé. Celui-ci ayant remarqué que la question a été traitée en divers a instruit le PCA d’annuler la décision », explique Jean-Charles Tougma, avocat de la CAMEG.
Selon ses propos, le PCA, dans sa réplique au ministre, l’a informé de son incapacité à remettre en cause cette décision qui a été prise à l’unanimité des membres du Conseil d’administration (CA). C’est en vue de se pencher à nouveau sur la question qu’un autre Conseil d’administration a eu lieu le 20 juin. En analysant les préoccupations du ministre, les membres du CA ont énuméré les raisons qui ont prévalu au choix du Dr Kadéba afin qu’il assure la continuité. Font partie de ces motivations le savoir-faire de «l’expert», l’assainissement des textes et les résultats financiers qui ont accru la capacité d’intervention de la structure.
Pour l’avocat-conseil de la CAMEG, les membres du CA étaient contents d’avoir motivé leur décision et pensaient qu’ils allaient être félicités. « Mais ayant appris l’information, le ministre a commencé à sauter le PCA, qui est aussi son conseiller technique. Il écrit au directeur général pour remplacer tous les administrateurs au titre de son ministère avec effet immédiat. Pour montrer ce caractère immédiat, il envoie un courrier disant que le PCA perd sa qualité d’administrateur et que désormais les missions à l’extérieur doivent requérir une autorisation préalable de sa personne», développe en substance Jean-Charles Tougma.
Il estime que la CAMEG n’est pas une société d’Etat et ne peut donc pas être dirigée par le ministre de la Santé. Et plus tard, dans le dessein de remettre en cause le renouvellement du mandat du Dr Kadéba, le patron de la Santé aurait indiqué que la décision a été prise hors mandat de certains administrateurs, donc est sans fondement. Dans la foulée, un autre Conseil d’administration est mis en place qui tient une session extraordinaire le 25 août dernier au ministère, et à travers cette occasion, un nouveau PCA est désigné.
«Quel intérêt le ministre a à nourrir cette crise ?»
C’est convaincu que la crise a été instaurée par le ministre de la Santé qu’un recours en annulation contre sa décision remplaçant les «anciens» administrateurs a été déposé au Tribunal administratif de Ouagadougou. A cela s’ajoute un recours en annulation pour «excès de pouvoir » et une requête aux fins de sursis à exécution, car, dit-il, la décision appliquée entraînerait de facto un total dysfonctionnement de l’association. Pour le tenant du crachoir, la décision du juge est assez claire : « Fort heureusement le juge a ordonné, pour ce qui est de la question du remplacement des administrateurs, un sursis. Cela veut dire autrement que les anciens sont toujours en fonction et qu’ils pouront exercer normalement.
Si le ministère est respectueux de la loi, son responsable va y veiller », précise-t-il avec satisfaction. Un sentiment éphémère à l’en croire parce que le nouveau PCA continue d’envoyer des lettres de demande d’explication au directeur général. « Ce n’est pas possible que le PCA installé par le fait du ministre continue à agir, alors que l’effet de sursis à exécution a un effet immédiat à compter du prononcé », renchérit-il. S’exprimant sur la durée du mandat des administrateurs, Me Tougouma de retracer les échanges entre le juge, le commissaire du gouvernement et les représentants du ministère. « Ils disent que selon les statuts de la CAMEG, le mandat des administrateurs est de 2 ans pour à la fin se convaincre qu’à partir de l’année 2000, cela est passé à 3 ans ».
A en croire le principal orateur, en admettant les deux ans, le mandat des administrateurs expirait le 9 avril 2016, alors que les sessions du CA se tenaient en «bonne et due forme » jusqu’en juin. «Qui désigne le directeur général de la CAMEG selon les textes et est-ce possible d’examiner la question en divers ? », demande un journaliste. Me Tougma rétorque que cette prérogative est dévolue au Conseil d’administration et non au ministre de la Santé. Concernant le deuxième volet de la préoccupation, il signifie que dans des P-V datant de 2000, la question du renouvellement du mandat des directeurs généraux a toujours été posée dans les divers.
Dans la situation actuelle, plus de la moitié des administrateurs l’ont demandé au conseil du 12 mai. Sur les «réelles motivations» du patron de la Santé, l’avocat d’affirmer qu’il n’a pas la capacité d’entrer dans le «mind» du ministre pour cerner ses intentions. Mais il soufflera plus tard dans la réponse à une autre préoccupation que «si le ministre veut faire nommer quelqu’un d’autre, qu’il patiente ». Jean-Charles Tougma pense qu’il n’y avait pas de début de crise qui imposait au responsable du département de la Santé d’intervenir. Pire, selon lui, ce dernier contribue à l’attiser au lieu de l’éteindre.
Aboubacar Dermé