Alors que se mènent de pénibles pourparlers pour tenter de trouver une issue au conflit inter-burundais sous la facilitation de l’ancien président tanzanien, Benjamin Mkapa, les autorités burundaises ont entamé, à l’interne, leur propre dialogue. Le hic, c’est que les consultations menées depuis huit mois, dans le cadre de ce dialogue interne qui exclut, de fait, les opposants au troisième mandat de Pierre Nkurunziza, visent à opérer des réformes qui impacteront profondément la vie de la nation. Notamment, la révision de la Constitution pour lever la limitation du nombre de mandats présidentiels et la prééminence de ce texte sur l’Accord d’Arusha. Pourtant, c’est cet accord qui avait permis au pays de sortir de l’ornière et qui tient lieu, avec la Constitution actuelle, de boussole au peuple burundais, dans sa marche vers la démocratie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la descente aux enfers du peuple burundais se poursuit. Et ceux qui avaient encore la faiblesse de croire en une possible conciliation des positions, doivent se convaincre une fois pour toutes de la fourberie du boucher de Bujumbura qui n’est pas un homme avec qui l’on peut négocier. Nkurunziza avait certainement sa petite idée derrière la tête quand il s’apprêtait à briguer son troisième mandat. Et la tournure des événements avec cette contestation dont il était loin d’imaginer
l’ampleur dans la durée, a dû le conforter davantage dans cette idée. Si fait qu’aujourd’hui, il s’emploie, par tous les moyens, à s’accrocher au pouvoir comme un naufragé à sa branche de salut. Nkurunziza est donc pris à son propre piège. Il s’est amusé avec le feu. Aujourd’hui, il ne peut s’en passer pour exister. Mais on le voyait venir dans ses grosses godasses, avec ces réformes qui devraient lui permettre de sauver sa peau, en restant maître du jeu. Mais Nkurunziza fait fausse route. S’il croit que c’est de cette manière qu’il échappera au tribunal de l’histoire, il se trompe lourdement. Car tôt ou tard, l’histoire le rattrapera. Si ce n’est par ses adversaires les plus farouches, ce pourrait bien être par une révolution de palais. Car, même ceux qui disent aujourd’hui être ses alliés, pourraient un jour ou l’autre être excédés et se retourner contre lui. Il ne fait donc qu’aggraver son cas, et prolonger malheureusement le calvaire de ses concitoyens.
Si Nkurunziza parvient à lever la limitation des mandats présidentiels, ce sera le goulag pour les Burundais
Ceci étant, l’on peut être porté à croire que dans la situation actuelle, Nkurunziza n’a pas le choix et qu’il est condamné à rester au pouvoir pour se mettre à l’abri. Car, il est conscient qu’il est allé trop loin pour reculer et que le jour où il perdra le pouvoir, il sera face aux tribunaux. Mais soutenir un tel raisonnement, serait lui trouver des excuses à peu de frais. Car, Nkurunziza a eu la possibilité de faire autrement, en respectant la loi fondamentale de son pays et l’Accord d’Arusha. Mais il a délibérément choisi de dresser le bûcher pour son peuple. A présent, il est dans une logique de pis-aller. Mais le peuple burundais a le devoir de résister, par tous les moyens, à cette dictature d’un autre âge que veut lui imposer son président. Et la communauté internationale a le devoir de lui porter assistance et secours, en renforçant les sanctions contre le satrape tout en envisageant d’autres mesures autrement plus coercitives. A ce propos, l’on peut déplorer le fait que sous d’autres cieux, cette même communauté internationale en soit arrivée à intervenir militairement contre des dictateurs déclarés tels le Syrien Bachar el Assad ou encore le Libyen Mouammar Kadhafi qui ont fait du tort à leurs peuples respectifs, et que dans le cas du Burundi, elle ne soit même pas capable d’imposer des soldats de la paix, pour protéger le malheureux peuple des massacres et autres nombreuses exactions d’un président boulimique et peu respectueux de la vie de ses compatriotes. Combien de morts faudra-t-il encore pour décider les maîtres du monde à s’émouvoir face au drame du peuple burundais ? Si Nkurunziza parvient à lever le verrou de la limitation des mandats présidentiels, ce sera le goulag pour tous les Burundais qui n’oseront lever le petit doigt pour émettre le moindre avis contraire à sa volonté. Déjà que le présent se conjugue en termes de morts ou d’exil pour les opposants, qu’en sera-t-il si Nkurunziza se maintenait ad vitam æternam au pouvoir au Burundi ? On ne peut pas le laisser faire.
En tout état de cause, ce pays est en train de régresser et de s’enfoncer dangereusement vers le fond. Et il n’est plus permis de douter que l’objectif de Pierre Nkurunziza, c’est d’enterrer définitivement l’Accord d’Arusha qui lui a pourtant permis, ironie du sort, d’accéder au pouvoir. Comme quoi, les satrapes ne veulent des règles que quand celles-ci les arrangent. Et le président burundais va encore plus loin dans ses lubies, au point de verser dans le ridicule, quand il veut une prééminence de la nouvelle Constitution sur l’Accord d’Arusha, alors qu’il est de notoriété publique qu’en matière de droit, les accords internationaux priment sur les textes nationaux. Alors qui, pour sauver le peuple burundais ? Jusque-là, personne, hélas.
Outélé KEITA