C’est une information à prendre avec beaucoup de précautions, sans acclamation, ni triomphalisme. En effet, l’armée nigériane, par la voix de son porte-parole, annonce avoir grièvement blessé Abubacar Shekau, du nom du chef de Boko Haram, naguère désavoué par l’Etat islamique (EI), au cours d’un raid mené le 19 août dernier sur la forêt de Sambisa. Et d’ajouter des noms à l’appui : « Trois commandants de la secte islamiste, Abubacar Mubi, Malam Nuhu et Malam Hamman ont été tués et plusieurs autres blessés ». Pour une prouesse militaire, c’en est une, pour autant que l’information en elle-même soit confirmée. Car, comme on le sait, l’armée nigériane est coutumière du fait. Elle excelle dans l’intox, tant et si bien que quand elle annonce une nouvelle, l’opinion attend de voir avant d’y croire. A preuve, elle a plusieurs fois annoncé la mort de Shekau, l’un des hommes les plus recherchés de la planète, pour se résoudre aujourd’hui à reconnaître qu’il n’en est rien ; puisqu’elle dit maintenant l’avoir blessé. Or, on ne peut blesser que quelqu’un qui est vivant. Du reste, il faut se demander si l’armée nigériane, à travers cette annonce, ne fait pas là une opération de charme, quand on sait que le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, est en visite de 48 heures au Nigeria pour évoquer la lutte contre les insurgés islamistes qui ont fait plus de 20 000 morts. Ce n’est pas impossible, ce d’autant que les Américains n’ont pas toujours porté l’armée nigériane dans leur cœur, l’accusant d’être truffée de corrompus, d’affairistes de tout poil.
Les djihadistes sont aussi mortels
Toute chose qui ne relève pas d’une simple vue de l’esprit, tant de nombreux officiers supérieurs, accusés de détournement de fonds publics, sont aujourd’hui dans le collimateur de la Justice nigériane. En tout cas, on veut bien croire à ce que dit l’armée nigériane, mais le moment choisi pour faire une telle annonce, peut laisser penser qu’il s’agit d’un clin d’œil fait à John Kerry. Et puis, pourquoi pour un raid qui a eu lieu le 19 août, il a fallu attendre quatre jours plus tard pour communiquer ?
A moins que l’on nous dise que le temps mis pour cela, avait pour objectif de collecter toutes les informations nécessaires pour éviter de nouvelles sorties mensongères. Auquel cas, on pourrait accorder le bénéfice de la bonne foi à l’armée nigériane qui, il faut le reconnaître, a fait preuve d’un sursaut d’orgueil depuis l’arrivée de Mahammadu Buhari au pouvoir, en donnant du fil à retordre à Boko Haram. Si fait que le sinistre Abubacar Shekau qui faisait parfois preuve d’une arrogance à nulle autre pareille, avait fini par faire profil bas, et cela, pendant plusieurs mois. Certains le donnaient pour mort, et d’autres le disaient grièvement blessé, jusqu’à ce que l’homme, au lendemain de la crise née de la désignation d’un nouveau chef à la tête de Boko Haram, sorte du bois et assure qu’il fera du « combat contre le Nigeria et le monde entier, une responsabilité personnelle ». Encore faut-il que la Force multinationale mixte (FMM) engagée dans le bassin du lac Tchad lui en donne l’occasion. Car, la preuve est désormais faite que les djihadistes, même s’ils passent pour être des irréductibles, sont aussi mortels.
B.O